15 Jan

Sélection officielle Angoulême 2023 : Ils brûlent de Aniss el Hamouri aux éditions 6 Pieds sous Terre

Repéré dès son premier album, Comme un frisson, prix révélation ADAGP du festival Quai des Bulles, Aniss el Hamouri revient en 2022 avec un récit de dark fantasy en trois tomes résolument sombre et tourmenté…

Ne cherchez pas une once d’espoir dans les pages de cet album, il n’y en a pas. Ou si peu. L’univers médiéval élaboré par Aniss el Hamouri est désespérément sombre et violent. Pour un rien, vous pouvez finir sur un bûcher ou le ventre transpercé d’un coup d’épée.

Le seul rayon de lumière, le seul élan de bonté, vient d’une amitié, celle qui unit le jeune et bienveillant Georg à Pluie et Ongle, deux adolescentes dotées de pouvoirs surnaturels qui ont décidé de s’enfuir du Sanctuaire, une prison de l’inquisition. Depuis, elles sont pourchassées par Le Mage, un inquisiteur sans pitié, et rejetées partout où elles passent. Georg fera tout son possible pour les aider à fuir les soutanes et à surmonter les traumatismes physiques et psychiques endurés par le passé et qu’il découvre au fil de leur périple…

Plus qu’une fuite, c’est une quête que l’auteur belgo-marocain Aniss el Hamouri met ici en images, une quête d’identité pour nos trois personnages, autant de caractères inadaptés à ce monde de brutes épaisses et de croyances obscures.

Avec son trait hyper nerveux et expressif, quasiment habité, et une narration musclée, l’auteur parvient à nous happer jusqu’au bout de son histoire même si les premières pages nécessitent peut-être un petit temps d’acclimatation à l’univers.

Ils brûlent figure dans la sélection des albums en lice pour le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2023

Eric Guillaud

Ils brûlent tome 1, Cendre et rivière, de Aniss el Hamouri. 6 Pieds sous Terre. 20€

© 6 Pieds sous Terre / Aniss El Hamouri

14 Jan

Sélection officielle Angoulême 2023 : Roxane vend ses culottes de Maybelline Skvortzoff aux éditions Tanibis

Rejetée de toutes les écoles d’art françaises pour son trait un peu trop calqué sur celui de Robert Crumb, Maybelline Skvortzoff a fini par trouver refuge dans un master en bande dessinée à l’institut Saint-Luc à Bruxelles avant de finalement nous revenir avec une première bande dessinée sacrément culottée…

Roxane est plutôt du genre à croquer la vie à pleines dents, à se droguer un peu, à faire l’amour beaucoup, à faire la fête énormément. Et bien évidemment, tout ça coûte cher. Alors, histoire d’arrondir ses fins de mois et peut-être de pimenter un peu plus encore sa life, Roxane décide de vendre ses culottes sales sur internet. Et ça rapporte ! 60 euros la culotte, plus encore quand elle accepte de la remettre en main propre.

Mais de fil en aiguille, Roxane se retrouve embringuée dans un monde qui n’est pas le sien, un monde étrange, voire glauque, dérangé et dérangeant, qui lui fait faire des choses qu’elle ne se serait jamais autorisée auparavant, au risque de se perdre, au risque aussi de perdre tous ceux et toutes celles qui l’entourent et l’aiment.

Mère, amants, copines, ses relations ne sont d’ailleurs pas au beau fixe et Roxane n’hésite pas à se débarrasser des gens comme elle le fait de ses culottes sales au moindre changement d’humeur. Une fuite en avant tête baissée, jusqu’au jour où elle se retrouve face à un point de non-retour…

Des dialogues crus, des séquences trash, un personnage pas toujours sympathique, assez égoïste, un trait parfois un peu rêche… ce premier roman graphique ne peut pourtant pas laisser indifférent tant la jeune autrice y a mis du sens et un peu de sa vie, abordant au passage des questions aussi essentielles que l’amitié, l’amour, la famille, le sexe ou le pouvoir de l’argent. Un récit au ton résolument libre, moderne, à la fois tragique et comique, sous une couverture très réussie offrant un touché peau de pêche bien agréable.

Roxane vend ses petites culottes figure dans la sélection des albums en lice pour le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2023

Eric Guillaud

Roxane vend ses culottes, de Maybelline Skvortzoff. Tanibis. 19€

© Tanibis – Skvortzoff

10 Jan

Fauve d’Angoulême Prix du Public France Télévisions 2023 : Naphtaline de Sole Otero aux éditions çà et là

Il n’y a pas que des footballeurs arrogants en Argentine, il y a aussi des auteurs de bande dessinée aussi modestes que talentueux. On en a eu la preuve par le passé avec notamment Jorge González, on l’a à nouveau aujourd’hui avec Sole Otero et son album Naphtaline, une épopée familiale qui débute quelque part en Italie au moment de l’accession au pouvoir d’un certain Mussolini…

L’histoire débute par la fin. La fin d’une vie. Un cimetière, trois personnes en tout et pour tout devant un cercueil, un dernier adieu et c’est la vie qui continue. Pourtant, RocÍo n’en revient pas qu’il y ait si peu de monde à l’enterrement de sa grand-mère Vilma.

En attendant, elle hérite de sa maison ou du moins est-elle autorisée à l’habiter en attendant qu’elle soit un jour vendue. Après la crise ! Nous sommes en 2001 en Argentine et le pays se trouve dans une situation économique et politique catastrophique.

Une fois dans la maison, RocÍo se remémore les rares fois où elle est venue visiter cette grand-mère. Elle n’était pas très proche d’elle ou plus exactement, la grand-mère n’était proche de personne. Un sacré caractère, solitaire, acariâtre, colérique, qui a réussi à se fâcher avec tous les membres de la famille. Sauf RocÍo. Il faut dire que sa vie n’a rien eu d’un long fleuve tranquille.

Et de se remémorer l’histoire de cette grand-mère, une histoire qu’elle connaît finalement par cœur pour l’avoir entendue par bribes, à commencer par l’installation de la famille en Argentine après avoir fuit l’Italie fasciste, sa jeunesse bridée par une éducation patriarcale rigoriste, son premier flirt, son mariage forcé avec un voisin lorsqu’elle tombe accidentellement enceinte, sa fausse-couche, son frère qui cache son homosexualité…

Avec un ton et un esthétisme résolument modernes, originaux, l’autrice Sole Otero nous offre la photographie d’une Argentine en crise en même temps qu’elle nous raconte la destinée d’une famille d’immigrés italiens fuyant l’horreur fasciste et tentant de se reconstruire à l’autre bout du monde entre sacrifices et désillusions. C’est aussi l’histoire de deux femmes, Vilma et RocÍo, qui, chacune à sa manière et à son époque, s’interrogent sur la vie, leur vie de femme dans une société patriarcale. Une très belle découverte et une autrice à suivre !

Eric Guillaud

Naphtaline, de Sole Otero. çà et là. 25€

© çà et là / Otero

05 Jan

Sélection officielle Angoulême 2023 : La Dernière reine de Jean-Marc Rochette aux éditions Casterman

Il a annoncé il y a quelques jours son intention de se retirer du monde de la bande dessinée. Peut-être le fera-t-il, peut-être changera-t-il d’avis. En attendant, Jean-Marc Rochette nous livre avec La Dernière reine un livre magnifique dans lequel la montagne, sa montagne, joue une fois encore un rôle primordial…

« J’ai 67 ans, ça fait 45 ans que je fais ce métier. Je suis fatigué. J’ai expliqué que La Dernière reine serait mon dernier bouquin. C’est le cas. Il m’a demandé trop d’énergie », a déclaré Jean-Marc Rochette, à nos confrères de France 3 Alpes.

Lancée dans la foulée de la polémique Bastien Vivès en réaction à ce qu’il appelle dans un post « une surveillance de l’édition par des commissaires politiques« , cette annonce a fait plusieurs fois le tour de la planète BD avant de se poser comme une évidence, l’homme est fatigué physiquement et fatigué de l’ambiance « liberticide qui est en train de se répandre », pour reprendre une fois encore ses propres mots.

© Casterman / Rochette

L’affaire n’est pas classée mais la BD doit reprendre ses droits et La Dernière reine paru en octobre dernier nous invite forcément à prendre un peu de hauteur. « Que la montagne est belle… » chantait Ferrat. La montagne ardéchoise pour Ferrat, la montagne iséroise pour Rochette, la beauté de la nature à l’état sauvage dans les deux cas.

Car oui, après Ailefroide, altitude 3954 et Le Loup, l’auteur retrouve ici une fois encore la montagne, sa montagne, celle où il vit été comme hiver, avec cette fois une double histoire, celle d’abord du dernier ours du Vercors abattu en 1898 par la bêtise humaine, celle ensuite qui fait se croiser les destinées d’une gueule cassée de la guerre de 14, Édouard Roux, et d’une artiste sculptrice animalière parisienne, Jeanne Sauvage.

© Casterman / Rochette

Entre les deux c’est le coup de foudre, une histoire d’amour à La Belle et la Bête, lui le défiguré descendu de son plateau du Vercors natal le temps d’une guerre et d’une salle blessure, elle, qui sera lui rendre un aspect humain en lui remodelant un visage.

Elle l’introduit dans le milieu artistique parisien de l’entre-deux-guerres où l’on croise Soutine, Picasso, Cocteau, François Pompon ou encore Aristide Bruant. Lui l’encourage à réaliser SON œuvre et lui fait découvrir la montagne, la beauté ultime…

Si Jean-Marc Rochette confirme et partage dans les 240 pages que fait l’album son amour pour la montagne, avec des paysages absolument magnifiques habités par de nombreux animaux dont bien sûr cet ours, la dernière reine, il explore aussi les sentiments qui peuvent se nouer au-delà de l’apparence physique. La gueule cassée et la jeune artiste s’aiment et s’aimeront jusqu’à la mort.

© Casterman / Rochette

Magnifique, émouvant, beau, sauvage, intense, sombre, ce nouveau récit de Jean-Marc Rochette est une pure merveille, une ode à la montagne, à l’amour et à l’art, avec des questionnements écologiques profonds et sincères.

Un seul petit regret, que les albums de la trilogie alpine que forment Ailefroide, altitude 395, Le Loup et La Dernière reine, n’aient pas été publiés dans un plus grand format, histoire de profiter pleinement du trait charbonneux de l’auteur et de ces magnifiques paysages de montagne. Mais serait-ce là l’occasion d’un nouveau récit, d’un nouveau dernier récit ? On le souhaite et on croise les doigts…

La Dernière reine figure dans la sélection des albums en lice pour le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2023

Eric Guillaud

La Dernière reine, de Jean-Marc Rochette. Casterman. 30€

04 Jan

Sélection officielle Angoulême 2023 : Hoka Hey! de Neyef aux éditions Rue de Sèvres Label 619

Attention, le western est de retour ! Vous allez me dire qu’il n’a jamais vraiment quitté la planète BD. Et c’est vrai ! La conquête de l’Ouest américain fait partie des valeurs sûres du médium. Mais quand un album comme celui-ci se retrouve entre nos petites mains fébriles, il devient difficile de modérer son enthousiasme…

Inutile de tourner autour du pot pendant des heures, inutile de noircir des centaines de lignes pour finalement le reconnaître, cet album est un chef d’œuvre, du genre à vous laisser scotché pour l’éternité ou presque, un concentré d’aventure et d’ouverture sur le monde qui commence dès la couverture avec le dessin d’un indien masqué habillé comme un blanc et un titre qui ressemble à un cri de guerre : Hoka Hey!.

Et c’est bien un cri de guerre, celui des Indiens Lakotas, un cri qui était censé leur donner le courage et la force nécessaires pour aller combattre l’ennemi et défendre leurs territoires de chasse sacrés.

© Label 619 / Neyef

Au moment où débute ce récit, la hache de guerre est enterrée et le fameux cri mis en sourdine. Les États-Unis et les indiens Lakotas ont signé en 1868 le traité de Fort Laramie prévoyant la protection de la population amérindienne et de sa culture au sein d’une réserve ainsi qu’une promesse de terres à cultiver.

Bien évidemment, le traité fut violé à maintes reprises provoquant la colère du peuple indien. Little Knife, personnage central de cette bande dessinée, habillé comme un blanc mais avec des nattes et affublé d’un masque rouge sur le haut du visage, est l’expression même de cette colère contre le rouleau compresseur blanc.

© Label 619 / Neyef

Accompagné d’une Indienne baptisée No Moon et d’un Irlandais prénommé Sully, Little Knife est à la recherche du meurtrier de sa mère mais c’est sur un gamin qu’il tombe, un Lakota arraché aux siens, élevé comme un blanc et baptisé George en l’honneur de George Washington.

George rejoint le drôle d’équipage dans sa quête de vengeance, chacun dévoilant tour à tour ses peines, ses blessures, ses espoirs, souvent déçus.

SI vous rêviez d’une ode au rêve américain ou à la virilité telle qu’on peut les trouver dans nombre de westerns, alors passez votre chemin, Romain Maufront aka Neyef, s’efforce de montrer ici la face à peine cachée mais assurément sombre de l’Amérique, l’extermination organisée des minorités indiennes, l’asphyxie de leur culture. Et de nous interroger sur notre rapport à la nature quand les Indiens eux visaient l’harmonie, toujours soucieux de respecter leur environnement et d’en prélever que le stricte nécessaire. De nous questionner enfin sur la place de la femme dans ce monde de brutes gonflé à la testostérone.

© Label 619 / Neyef

Si l’auteur égratigne le rêve américain, il nous offre néanmoins des illustrations de toute beauté de l’Ouest sauvage. Montagnes, plaines, rivières, forêts… l’histoire est prétexte à enchainer et varier les décors les plus incroyables, les plus sauvages, avec un trait d’une subtile élégance, dont les influences sont à chercher autant du côté de la BD européenne que du manga. Ajoutez à cela des couleurs et des ambiances somptueuses, des cadrages qui maintiennent le lecteur au cœur de l’action, une galerie de personnage aux caractères bien trempés, une économie de dialogues pour viser l’essentiel et vous obtenez un album en tout point époustouflant !

Hoka Hey! figure dans la sélection des albums en lice pour le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2023

Eric Guillaud

Hoka Hey!, de Neyef. Rue de Sèvres Label 619. 22,90€

24 Déc

Sélection officielle Angoulême 2023 : La Cendre et l’écume de Ludovic Debeurme aux éditions Cornélius

Auteur d’une oeuvre complexe, ambitieuse, exigeante, à la fois intimiste et universelle, réaliste et fantastique, autobiographique et onirique, Ludovic Debeurme explore ici frontalement son histoire familiale dévoilant au passage un peu plus de sa personnalité et nous interrogeant sur le sens de la vie, de nos vies…

Dans une interview qu’il nous avait accordée en 2017, au moment de la sortie du premier tome d’Epiphania, Ludovic Debeurme confiait : « Il y a chez moi depuis toujours une double injonction : cacher et révéler. Quelque chose de mon passé, de mon enfance, de mon histoire personnelle, a dû être si puissamment problématique et envahissante que je passe beaucoup d’énergie à la cacher à mes propres yeux en l’habillant de manteaux aux allures plus respectables ».

Cette histoire personnelle qu’il a malgré tout égrainée de façon cryptée un peu partout dans son oeuvre est ici la raison même du livre. La Cendre et l’écume nous invite dans son intimité, un voyage dans le temps, avec ces lieux qui font ses racines et ces êtres qui l’ont fait homme.

Un arbre sur la couverture, un arbre déraciné dans les premières pages, Ludovic Debeurme, exprime ici le temps qui passe et qui ne laisse rien intact, les gens qu’on aime et qui disparaissent, qu’il faut parfois accompagner jusqu’à la mort. Comme sa mère et son père. Et puis se relever, continuer, vivre, penser au futur, penser à sa progéniture, malgré tout, malgré l’absence, malgré le poids des souvenirs.

Avec un trait souple, des planches libérées du carcan des cases, à la façon d’un Lucille, album qui reçu le Fauve Essentiel à Angoulême en 2007, ou d’un Renée paru en 2011, La Cendre et l’écume est un récit intime qui peut réveiller en nous des émotions universelles.

La Cendre et l’écume figure dans la sélection des albums en lice pour le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2023

Eric Guillaud 

La Cendre et l’écume, de Ludovic Debeurme. Cornélius. 27,50€

© Cornélius / Debeurme

 

22 Déc

Sélection officielle Angoulême 2023 : La Couleur des choses de Martin Panchaud aux éditions çà et là

Grand Prix de la critique ACBD 2023, Sélection officielle Angoulême 2023, cinquième réimpression en cours… La Couleur des choses bouscule nos habitudes de lecture et enthousiasme le petit monde du neuvième art. Il faut dire que l’objet est curieux, curieux et bluffant…

Avoir un concept c’est bien, avoir un concept qui ne perd pas le lecteur en cours de route et raconte une histoire, c ‘est mieux ! Et c’est précisément le cas et la force de La Couleur des choses, album non seulement surprenant dans la forme mais captivant dans le fond, une belle réussite signée par un auteur suisse de 40 ans, Martin Panchaud, dont c’est ici le premier roman graphique mais pas la première œuvre graphique, l’homme ayant déjà sévi avec Swanh, une étonnante adaptation de Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir en une infographie de plus de 120 mètres de long disponible sur le web ici-même et utilisant déjà la même technique vectorielle.

Alors bien sûr, le lecteur peut se trouver un peu décontenancé au départ avec ces décors faits de plans et ces personnages symbolisés par des ronds de couleur mais, et c’est là tout le talent de l’auteur, on s’y fait très vite et les dialogues finissent par rendre les scènes vivantes. Reste au lecteur un petit travail d’interprétation pour donner corps aux décors, aux personnages, aux ambiances… mais ne le faisait-il déjà pas avec les ellipses ?

Et l’histoire ? Elle commence banalement pourrait-on dire autour d’un jeune garçon, Simon, harcelé et manipulé par une bande de gamins du quartier jusqu’au jour où sa vie s’emballe. Avec les économies de ses parents, Simon joue aux courses et gagne plusieurs millions, de quoi mettre la famille à l’abri. Pas le temps d’annoncer la bonne nouvelle, en rentrant chez lui, Simon découvre sa mère dans un bain de sang. Il doit retrouver son père coûte que coûte pour espérer toucher l’argent mais, bien évidemment, les choses ne vont pas se faire aussi simplement…

Un album vraiment innovant, étonnant et malin quand il s’agit de figurer les émotions, la douleur, les sons. On n’en lira pas deux comme celui-ci mais celui-ci a toute sa place dans la sélection officielle d’Angoulême 2023 !

La Couleur des choses figure dans la sélection des albums en lice pour le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2023.

Eric Guillaud

La Couleur des choses, de Martin Panchaud. Éditions çà et là. 24€

© çà et là / Martin Panchaud

19 Déc

Sélection officielle Angoulême 2023 : Merel de Clara Lodewick aux éditions Dupuis

On le constate trop souvent, il suffit de peu de chose pour que resurgisse l’obscurantisme et avec lui son lot de haine et de violence. La jeune autrice bruxelloise Clara Lodewick illustre dans ce premier album la mécanique imparable de la rumeur dans une chronique rurale très réussie sur fond de campagne flamande…

Même si tout n’est pas rose au village, la vie est plutôt paisible pour Merel. La quarantaine, célibataire sans enfants, Merel partage son temps entre son élevage de canards, le club de football local et ses articles pour un journal régional. Une vie paisible jusqu’au jour où, au détour d’une de ses blagues dont elle a le secret, les femmes du village commencent à la soupçonner de coucher avec tous les hommes.

Commérages après commérages, la mécanique de la rumeur se met en marche. D’une femme libre, Merel devient une femme légère, une allumeuse, une méchante… peut-être même une sorcière. Merel devient le bouc émissaire du village tout entier. Hommes, femmes et même enfants, personne ne l’épargne. On la raille, on lui tourne le dos, on la harcèle, on lui crève les pneus, on allume un feu sur le pas de sa porte. De quoi transformer sa vie en un enfer…

Premier roman graphique de l’autrice et premier roman graphique de la nouvelle collection Les Ondes Marcinelle des éditions Dupuis, Merel nous parle des gens, les vrais, capables du meilleur comme du pire. Une belle écriture, un bon coup de crayon ou plus précisément de stylo-bille et au final une belle découverte.

Merel figure dans la sélection des albums en lice pour le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2023.

Eric Guillaud

Merel, de Clara Lodewick. Dupuis. 24€

© Dupuis / Clara Lodewick