29 Déc

Souvenirs de l’éternel présent, Les Cités obscures, de François Schuiten et Benoît Peeters. Editions Casterman. 18 euros.

  

Bienvenue à Taxandria. Ici vit Aimé, un enfant. Le dernier ! Il a une dizaine d’années, le crâne rasé et le monde qui l’entourre n’est plus qu’un amas de pierres et de ferrailles. Plus un oiseau, plus une fleur, pas d’eau, pas de vent, uniquement des ruines et des carcasses de machines inventées autrefois par les hommes. Quelques survivants aussi, contraints de subir l’éternité. Car Taxandria est  aujourd’hui, demain aussi, le pays de l’éternel présent. Le temps s’y est figé. Et Aimé a donc tout le loisir de se poser des questions sur ce monde pour le moins étrange. Et il s’en pose beaucoup ! Jusqu’au jour où il trouve enfin des débuts de réponses dans un grand  livre rouge qui conte l’histoire du grand cataclysme. Un livre absolument interdit ! Et ce que le jeune Aimé y découvre est stupéfiant. Au commencement de tous ces malheurs : les hommes de Taxandria bien sûr qui ont agi par orgueil et vanité. Ils ont voulu partout un monde à l’image de Taxandria. Il fallait dupliquer, dupliquer les mondes, dupliquer les hommes et pourquoi pas dupliquer le soleil. C’est justement ce qu’ils ont fait, déclenchant un processus irrémédiable : fonte des neiges, incendies, raz de marée, tremblement de terre… et l’éternité pour pleurer !

S’il s’inscrit parfaitement dans la série des Cités obscures, ce récit n’était pas destiné à l’origine à devenir un livre mais un film du cinéaste belge Raoul Servais, intitulé Taxandria. C’est ce que nous confient les auteurs, François Schuiten et Benoît Peeters, en fin d’album. Une bien longue histoire qui commença au début des années 70 avec les premiers éléments conçus par Raoul Servais lui-même. S’en suivit une multitude de péripéties, d’aventures et de mésaventures et, à l’arrivée, un film présenté en 1994 au festival de Gand que tout le monde a aujourd’hui oublié. Dès 1987, François Schuiten fut contacté pour concevoir graphiquement le monde de Taxandria. Il réalisa pour celà d’innombrables dessins qui ne trouvèrent jamais leur place dans le film.  « Depuis lors… », explique Benoît Peeters, « ce matériau était en attente. Nous ne savions trop comment l’aborder. Sans doute fallait-il d’abord que nous fassions le deuil de Taxandria pour regarder ces images avec un oeil neuf. Bien plus que du film achevé, c’est des premières versions du scénario, élaborées par le seul Raoul Servais, que s’est nourri Souvenirs de l’éternel présent… ». Dans la lignée graphique des albums précédents, Souvenirs de l’éternel présent permet aux auteurs d’aborder des thèmes qui leur sont chers comme l’ordre établi, la décadences de la société industrielle, l’environnement… Un très beau récit fantastique et un univers vraiment personnel ! E.G.

L’Homme bonsaï, de Fred Bernard. Editions Delcourt. 14,95 euros.

  

Petite séance de rattrapage ! L’Homme bonsaï a été publié en août dernier aux éditions Delcourt. C’est vrai que l’affaire remonte maintenant à quatre mois et que quatre mois dans le monde de l’édition, c’est long et largement suffisant pour voir disparaître, parfois mis au rebut, des dizaines de titres. Mais L’Homme bonsaï a ce petit quelque chose en plus qui fait de lui un album au long cours, un album qui peut rester des mois sur les étagères de vos librairies préférées, des mois aussi sur votre table de chevet, avant que vous ne vous décidiez finalement à l’ouvrir… et tomber sous le charme. C’est l’effet du petit quelque chose en plus, un savant mélange d’aventure, d’exotisme et de poésie qui se mérite, se doit d’être dégusté et non englouti dans une frénésie consommatoire ! L’histoire est celle d’un homme, Amédée, devenu matelot par la force des choses et qui d’aventures en mésaventures se retrouve seul sur une île perdue de la mer de Chine avec un arbre qui lui pousse sur la tête. Récupéré par des pirates chinois, Amédée devient un butin particulièrement précieux dont on prend grand soin. Chaque jour, un vieux Chinois l’éffeuille, l’ébourgeonne, l’ébranche, l’élague… et peu à peu, Amédée devient l’Homme bonsaï, une véritable force de la nature qui va dès lors régner sur les océans et prendre une revanche sur le destin… « Cest un cauchemar au départ, ce n’est pas très gai… », explique Fred Bernard, « Un mauvais rêve que j’ai vraiment fait, dans lequel un arbre me poussait sur la tête. Je perdais mes cheveux, mes cils, mes sourcils, tous mes poils et je maigrissais à vue d’oeil, et cet arbre qui poussait, poussait, allait me tuer ! A ce moment là, j’avais un ami qui était malade et qui faisait une chimio… Il n’avait pas d’arbre sur la tête, mais il avait tous ces symptômes-là… ». Publié initialement sous la forme d’un livre jeunesse, avec François Roca au dessin, L’Homme bonsaï rencontre ici un lectorat plus adulte même s’il reste d’une grande accessiblité. Au récit jeunesse qui mélangeait déjà piraterie et mystères de l’Orient, fantastique et destinée tragique, le récit en bande dessinée s’enrichit d’une magnifique histoire d’amour entre le fameux Amédée et la femme d’un puissant marchand chinois, la belle et ténébreuse Changaï Li, histoire qui est d’ailleurs à l’origine de cette reprise en bande dessinée, explique l’auteur : « La première motivation était de réinsérer une histoire d’amour que j’avais pensée dès le départ et que je n’ai pas mis dans L’Homme bonsaï illustré par François parce qu’elle n’avait pas du tout sa place en jeunesse ». Un album magnifique, surprenant, envoûtant, à découvrir au plus vite ! E.G.

09 Nov

Le Château d’Anne de Bretagne, de Geneviève de la Bretesche, et Jean-Philippe Chabot. Editions Gallimard jeunesse. 8 euros.

  

Petit mais grandement instructif ! Le Château d’Anne de Bretagne est le seul livre pour enfants qui porte sur ce monument fraîchement et magnifiquement restauré. Situé en plein coeur de Nantes, ses deux grosses tours défensives et son pont-levis accueillent les nombreux visiteurs (plus de 1 million en 2008) qui découvrent depuis l’extérieur une véritable forteresse et une fois à l’intérieur une résidence en pierre blanche finement décorée. C’est là toute l’originalité de ce château ! Le livre ramène le lecteur à ses origines grâce à des photos et à des dessins signés Jean-Philippe Chabot. Page après page, les enfants, à partir de 5 ans, peuvent ainsi découvrir le chantier de construction ou le travail des sculpteurs, visiter les chambres de tirs, la cuisine ou les latrines, et connaître un peu mieux Anne de Bretagne, personnage au destin incroyable qui fut deux fois reine de France. E.G.

Le livre jeunesse surfe sur les océans…

  

Que se passe-t-il ? En quelques jours à peine, quatre livres traitant des océans ont été publiés par le Seuil et Gallimard jeunesse. Quatre livres très différents les uns des autres, s’adressant à des classes d’âge différentes mais quatre livres très instructifs sur cette mer qu’on voit danser le long de golfs pas toujours très clairs… La réponse est simple, c’est directement ou indirectement l’effet Océans, le film événement de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, attendu en salle le 27 janvier 2010. En attendant, voici de quoi patienter…

Embarquement immédiat avec Objectif océans tout d’abord, un livre magnifique publié par Gallimard jeunesse. Magnifique et très original ! Il s’agit en fait d’un livre-hublot (en forme de hublot donc!) qui nous convie à un voyage sur tous les océans du monde à la façon d’une navigation. Au fil des pages, le lecteur passe d’un océan à l’autre en découvrant à chaque fois la faune, la flore, les hommes qui y habitent ou travaillent et parfois les tragédies qui ont marqué les lieux, naufrages ou marées noires, et ce depuis les côtes jusqu’aux fosses océaniques. Un chapitre s’intéresse plus précisément aux ressources des océans, à son exploitation, sa protection, aux conséquences du réchauffement climatique. Un autre explique les courants marins, les marées… Très complet, magnifiquement mis en page et bien évidemment particulièrement attrayant avec ces pages rondes, Objectif océans propose en bonus 5 cartes postales rondes, 12 autocollants repositionnables et un poster pédagogique. Pour les enfants à partir de 9 ans.

Si cet album n’a pas de lien direct avec le film Océans, les trois titres suivants en sont directement inspirés. Ils sont tous écrits par deux grands spécialistes du milieu, le docteur en océanologie François Sarano et l’ornithologue et journaliste scientifique Stéphane Durand…

D’un format beaucoup plus classique que le livre Objectif océans mais d’un contenu tout aussi étonnant et instructif, Le peuple d’Océans, au Seuil jeunessepropose de découvrir une vingtaine d’espèces émblématiques du monde marin. Le thon rouge, l’hippocampe feuille, la seiche géante d’Australie, le requin pèlerin, la baleine à bosse ou encore le phoque léopard de mer… tous sont présentés dans leur environnement et mis en mouvement grâce à des frises story-boards, photographies extraites du film de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. La maquette est claire, l’iconographie somptueuse et l’information délivrée particulièrement riche. Savez-vous par exemple que la frégate du Pacifique peut atteindre 2,30 mètres d’envergure, que la baleine à bosse femelle pèse plus lourd que la baleine mâle, jusqu’à 35 tonnes, contre 25, ou encore que les méduses semblent profiter du réchauffement climatique et pourraient bien envahir les mers jusqu’à devenir un jour les maîtres des océans ???. Aïe aïe aïe…

Des mêmes auteurs et toujours au Seuil, Océans, petites histoires des fonds marins propose aux plus jeunes lecteurs, dès 5 ans, des contes décrivant douze animaux marins à partir d’une anecdote drôle ou poétique. Chaque courte histoire permet de comprendre le rôle de l’animal, son comportement, son histoire ou l’une de ses spécificités. D’un beau format (28X35), accompagné de magnifiques illustrations signées Marc Boutavant et d’un CD qui permet d’écouter les textes contés par Jacques Perrin lui-même, ce livre offre un bon moment de découverte et de plaisir au coeur des océans.

  

Pour finir, toujours signé de François Sarano et Stéphane Durand, avec Thierry Laval pour les illustrations, Cherche et trouve Océans est un livre-jeu qui met en scène quatre milieux marins différents (les pôles, la forêt de kelp, le grand bleu et le récif corallien) ainsi qu’une planche consacrée aux animaux menacés ou disparus tels que les albatros des Galapagos, les raies guitare, les dauphins du Yangtsé Kiang, les saumons rouges, les grands esturgeons, les phoques moines des Caraïbes ou les requins chagrin.  Au lecteur de chercher et de trouver les détails représentés sur les volets. A partir de 3 ans ! E.G.

  

    

     

   

Dans le détail :

Objectif océans, de John Woodward. Editions Gallimard jeunesse. 21,95 euros.

Le peuple d’Océans, de François Sarano et Stéphane Durand. Editions Seuil jeunesse. 12 euros.

Océans, petites histoires des fonds marins, de François Sarano et Stéphane Durand. Editions Seuil jeunesse. 18 euros.

Cherche et trouve Océans, de François Sarano, Stéphane Durand et Thierry Laval. Editions Seuil jeunesse. 10 euros.

Le grand livre des contes de Gallimard jeunesse et Le Trésor de l’enfance. Collectifs. Editions Gallimard jeunesse. 19,90 et 20 euros.

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

Une réédition, une nouveauté, un même bonheur !

La réédition, tout d’abord. Il s’agit de l’ouvrage intitulé Le Trésor de l’enfance, publié il y a sept ans à l’occasion des 30 ans de Gallimard jeunesse. Vendue à plus de 120 000 exemplaires, cette anthologie de la littérature jeunesse est de retour sur les étagères de nos libraires préférés dans une édition luxueuse avec dos rond, signet et tranchefil. Au sommaire, des contes, des comptines, des récits d’aventure, des histoires pour s’endormir, des poèmes, des chansons, des documentaires, bref le meilleur de ce qui se fait pour les enfants de 2 à 9 ans, et des signatures célèbres comme Antoon Krings, Tony Ross, Jacques Prévert, Jean Giono, Bénédicte Guettier ou encore Rudyard Kipling. On passe de l’histoire des Trois Petits cochons à celle du Chat botté, du monde des fées et princesses à celui des Petites bêtes, des aventures du Petit prince à celles de Trotro… Autant d’univers à découvrir le soir avant d’aller dormir !

La nouveauté maintenant, baptisée Le grand livre de contes de Gallimard jeunesse, est une anthologie des contes classiques avec, au sommaire, Le Petit poucet, Le Chaperon rouge ou Cendrillon de Charles Perrault, La Belle et La Bête de Mme Leprince de Beaumont, Le Loup et les chevreaux, Les Six cygnes ou Blanche neige des frères Grimm, Le Vilain petit canard, Le Petit soldat de plomb ou Le Sapin de Hans Christian Andersen… Chaque conte est bien évidemment restranscrit dans sa version authentique et illustré, notamment par Miles Hyman, Fred Marcellino, Emma Chichester Clark, Henri Galeron… Un très beau livre ! E.G.

Sur Terre et dans l’espace, pop-ups et livres animés à volonté…

  Les pop-ups ont toujours la cote, chaque éditeur et auteur rivalisant d’ingéniosité et d’imagination. La preuve avec ces quelques nouveautés…

Chez Hatier jeunesse, tout d’abord, Bienvenue à bord d’une station spatiale est un ouvrage réellement spectaculaire qui, une fois ouvert à 360°, déploie le décor d’une station spatiale. Le jeune lecteur peut alors en visiter l’intérieur, depuis l’espace de vie jusqu’au laboratoire orbital, en passant bien sûr par la cabine de pilotage. Mais en plus d’être un livre animé, Bienvenue à bord d’une station spatiale est aussi un livre jeu. Le lecteur trouvera dans les premières pages des petits spationautes en carton prédécoupés ainsi que des informations sur les stations spatiales et la vie à bord. on s’y croirait…

On dit qu’on me voit depuis la Lune et donc, forcément ,depuis les stations spatiales. Je suis longue de plusieurs milliers de kilomètres, vieille de plus de deux mille ans et suis inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1987. Qui suis-je ? La Grande Muraille de Chine, bien sûr ! Publié chez Casterman jeunesse, réalisé par un passionné des contes populaires et des minorités, Guillaume Olive, et par une peintre-illustratrice d’origine chinoise, He Zhihong, ce fantastique pop-up propose aux jeunes lecteurs une exploration en 3D de la fortification. A Chaque double page son animation, ses illustrations réalisées à l’aquarelle et ses textes qui délivrent des informations sur les grandes caractéristiques de la muraille, sur son histoire, sa construction…

Faire découvrir l’ailleurs, tel est l’objectif de la collection Les Ethniques des éditions Sorbier dans laquelle vient de paraître Mes Maisons du monde. L’auteure, Clémentine Sourdais, y propose de découvrir cinq maisons du monde, une isba en Russie, une yourte en Mongolie, une case au Sénégal, une maison sur pilotis au Pérou et un igglo au Groënland. Pour chacune d’elles, le lecteur peut contempler l’extérieur puis ouvrir des volets latéraux pour pénétrer à l’intérieur. Un petit texte présente les spécificités de la maison et le matériau dans lequel elle est construite. Surprise, en dernière page se déploie un pop-up : c’est une maison du sud de la France. Un beau petit livre qui permet aux enfants, à partir de 3 ans, de découvrir et de comparer l’habitat. E.G.

Dans le détail :

Bienvenue à bord d’une station spatiale. Editions Hatier jeunesse. 13,95 euros.

La Grande muraille de Chine, de Guillaume Olive et He Zhihong. Editions Casterman. 23,50 euros.

Mes Maisons du monde, de Clémentine Sourdais. Editions Le Sorbier. 16,90 euros.

Adamson (tomes 1 et 2), de Pierre Veys et Carlos Puerta. Editions Delcourt. 13,95 euros le volume.

  

       

     

     

    

    

    

    

    

    

    

    

Londres, 1913.  Alors que le monde entier à les yeux rivés sur l’Autriche et l’Alllemagne et que chacun se prépare à entrer en guerre, l’explorateur Sir Henry Adamson est contacté par le gouvernement britanique désireux de lui confier une mission particulière. Très particulière et hautement confidentielle, bien qu’elle n’ait absolument rien à voir avec le conflit qui se profile sur le continent. Non, Sir Henry Adamson est chargé de monter en urgence une expédition afin de retrouver et tenter d’expliquer un phénomène étrange découvert en mer par les marins de deux morutiers anglais. Et cette découverte serait une porte, une porte vers une autre dimension, un autre monde. Le gouvernement y voit là, la plus fabuleuse découverte depuis les débuts de l’humanité. Adamson, lui, qui pensait mettre fin à ses jours il y a encore quelques temps, y voit enfin l’accomplissement de sa destinée, peut-être la plus grande aventure de sa carrière. De quoi enthousiasmer l’homme qui a en a pourtant vu beaucoup mais qui ne peut cette fois imaginer ce qui l’attend…

Une surprise. Une très belle surprise même ! En quelques lignes, en quelques traits, le scénariste Pierre Veys et le dessinateur Carlos Puerta parviennent à planter le décor de cette nouvelle série et à capter illico l’attention de tout lecteur normalement constitué. Adamson est un récit qui surprend. Qui surprend d’abord par son graphisme, ses couleurs et ses atmosphères. L’Espagnol Carlos Puerta, auteur précédemment de La Maison de Pollack Street (éd. Arko) et de El Perdicion (éd. Caravelle) en est le responsable direct et bienheureux. Qui surprend aussi par son scénario, original, bien ficelé et  alliant avec succès - ce n’est pas toujours le cas - l’aventure, la science fiction et le fantastique. Pour cette partie du travail, c’est Pierre Veys qui s’y est collé, un auteur plus connu jusqu’ici pour ses récits humoristiques tels que Baker street (éd Delcourt), Philipp et Francis (éd. Dargaud) ou plus récemment l’adaptation de Bienvenue chez les Ch’tis (éd. Delcourt). A noter que les tomes 1 et 2 sortent simultanément. Vraiment remarquable ! E.G.

Déni de fuite, Jérôme K. Jérôme Bloche (tome 21), de Dodier. Editions Dupuis. 10,40 euros.

  

Cette affaire là, Jérôme K. Jérôme Bloche n’a pas eu besoin d’aller bien loin pour la trouver. Tout simplement devant son bureau, sur le palier pour être tout à fait précis. C’est là, un matin, qu’il découvre une gamine de 3 ans, seule, un peu perdue, réclamant son papa qui se serait, d’après elle, absenté pour acheter du lait. Mais depuis, plus rien ! Volatilisé le papa. Alors, Jérôme, en bon professionnel, enfile aussitôt sa casquette de détective, ou plus précisément son chapeau mou à la Maigret, et part à la recherche de ce papa dont il retrouve très rapidement la trace. Enfin, une trace… sur la chaussée ! L’homme a été renversé par un chauffard qui s’est bien évidemment envolé. Le papa bien amoché est à l’hôpital. Pour Jérôme K. Jérôme Bloche commence une autre mission : retrouver le fameux conducteur…

Un scénario en forme d’énigme, une narration simple et efficace, un héros égal à lui-même, coiffé de son feutre, engoncé dans son vieil imperméable à la Columbo et à califourchon sur son solex, des personnages secondaires attachants, un graphisme toujours aussi élégant… Le nouveau Jérôme K. Jérôme Bloche est sorti et bien entendu, c’est un bonheur ! Un vrai et grand bonheur. Depuis son apparition dans les pages du supplément Spirou Album + en 1982, ce héros, ou plus exactement cet anti-héros, a imposé un nouveau style de détective privé, plus humain, plus sensible, plus proche du commun des mortels. Un peu à l’image de son auteur, le Dunkerquois Alain Dodier. 27 ans, 21 albums, des centaines de pages… Jérôme K. Jérôme Bloche est aujourd’hui beaucoup plus qu’un personnage ou qu’une série. C’est un univers, une griffe, une façon de concevoir le Neuvième art. Et cette façon là, nous, on aime et on en redemande ! E.G.

L’info en +

Rendez-vous sur le site Culturebox pour visionner un reportage passionnant des équipes de France3 sur Alain Dodier et son dernier album Déni de fuite : c’est ici : culturebox.france3.fr/all…

Le Petit théâtre d’ombres. Editions Gallimard jeunesse. 19,90 euros avec le théâtre. 13,50 euros la recharge seule.

  Les éditions Gallimard viennent de lancer une nouvelle collection qui se veut à la fois ludique et pédagogique et qui a pour noble ambition de mettre en scène les plus grands textes de la jeunesse. Et pour celà, elles ont créé un petit théâtre d’ombres façon pop-up qui fonctionne avec une lampe dynamo écologique et un écran sur lequel on plaque des décors et des figurines qu’on trouve dans des livres recharges. Il suffit ensuite de s’aider des livrets fournis qui comprennent l’histoire illustrée et un carnet de mise en scène proposant un découpage scène par scène. A ce jour, quatre contes sont sortis : Le Petit Chaperon rouge et Le Chat botté, qui sont disponibles tous deux avec leur théâtre, La Belle au bois dormant et Ali Baba et les quarante voleurs, uniquement disponibles en recharge. Un cadeau vraiment original pour les fêtes de fin d’année ! E.G.

J’ai le cerveau sens dessus dessous, de David Heatley. Editions Delcourt. 32,50 euros.

  C’est un ouvrage particulier. Très particulier ! Et en même temps très intéressant. J’ai le cerveau sens dessus dessous fait en effet partie de ces albums qui  ne peuvent faire l’unanimité mais qui, quelque part, font avancer la bande dessinée. David Heatley, son auteur, est présenté comme le petit dernier de la nouvelle génération d’auteurs américains de graphic novels. Les célèbres Chris Ware (Jimmy Corrigan, éd. Delcourt) et Daniel Clowes (Ghost World chez Vertige Graphic, Caricature chez Rackham, David Boring chez Cornélius…) en ont fait, dit-on, leur petit protégé. On ne peut rêver mieux comme parrains ! Inconnu en France jusqu’à ce jour, il débarque avec un album – son premier – en forme d’autobiographie sexuelle. Et l’Américain Joe Matt, pourtant spécialiste en la matière (Le Pauvre type chez Delcourt, Epuisé et Strip-tease au Seuil…), pourrait bien passer pour un petit rigolo. En effet, si celui-ci ne nous cachait déjà pas grand chose de sa vie intime, de sa sexualité, de son addiction à la pornographie, de ses relations tumultueuses avec les filles, David Heatley va encore plus loin, n’hésitant pas à aborder la sexualité intime dès l’enfance. C’est direct, parfois cru, voire dérangeant, mais aussi émouvant lorsqu’il parle de sa famille, de son père et de sa mère. Si son trait relativement brut n’a rien à voir avec celui de Chris Ware, David Heatley explore lui aussi les formes narratives, passant de planches plutôt classiques avec une dizaine de vignettes à des planches contenant 48 vignettes, alternant les planches en couleur et celles en noir et blanc, insérant ici ou là des morceaux de textes…. Publié dans la collection Outsider, J’ai le cerveau sens dessus dessous a nécessité un travail éditorial et de fabrication exceptionnel à l’équipe Delcourt afin que l’édition française respecte scrupuleusement l’édition américaine. Mission réussie, l’album est magnifique ! E.G.