24 Oct

Lire ou ne pas lire ce 35ème album d’Astérix chez les Pictes ?

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad - Editions Albert René

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Editions Albert René

Astérix chez les Pictes signe-t-il le retour d’une potion goûteuse ou une fois de trop un album vraiment plus ragoutant ?

La question se pose tant il a été difficile d’assister à la lente agonie des dix derniers albums de la collection. Depuis 1980, Albert Uderzo a œuvré en solitaire après la mort de son formidable comparse, le scénariste René Goscinny. En plus du dessin, Uderzo s’est mis à écrire, a dilué les ingrédients qui ont fait le succès de la série, puis a sombré avec Le Ciel leur est tombé sur la tête, une mixture au goût de navet, du même tonneau que la pochade des Gendarmes et les Extra-Terrestres. Albert avait livré là son combat des chefs de trop et de lui nous préférons retenir le meilleur album sur le plan graphique Astérix et Cléopâtre et le plus drôle malgré les années, le premier Astérix le Gaulois.

Evidemment, l’a priori est ici favorable quand on sait que Jean-Yves Ferri est entré en cuisine, lui, qui associé au talentueux Manu Larcenet, a signé un grand Retour à la Terre, sans oublier le chef d’œuvre d’humour de la 5ème République De Gaulle à la Plage. De nombreux pièges attendaient Ferri (4 pièges identiques déjà identifiés dans des séries tout autant codifiées comme Lucky Luke ou Blake et Mortiner). Son parti pris de reprendre un à un tous les éléments de la potion originale rassurera le lecteur le plus sourcilleux. Dès la première case nous retrouvons le village avec tous ses personnages, tels que nous les avons toujours connus; arrive ensuite un voyage à l’étranger, dans la grande tradition d’Astérix chez les Bretons, chez les Helvètes, chez les Belges … ; un couple d’amoureux à réunir Mac Oloch & Camomilla (Astérix Légionnaire Tragicomix & Falbala) ; et bien sûr tout ce qui fait le sel et l’humour de la série la plus vendue et la plus traduite : les jeux de mots ( Mac Abbeh, Mac Robiotik …), le comique de répétition («Non, je ne suis pas gros »), les caricatures (cette fois ci, jouez à retrouver Johnny Halliday et Vincent Cassel) et les anachronismes (les pictogrammes). En fait, il ne manque qu’une maxime latine et le pirate Triple-patte qui les prononce en guise de consolation quand le bateau coule. Nous pouvons suggérer aux latinophiles : A cane non magno sæpe tenetur aper.

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad - Editions Albert René

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Editions Albert René

Tout est là donc et bien là comme dans une impression de déjà vu, impression amplifiée par les dessins réalisés à la perfection par Didier Conrad (Les Innommables), un véritable moine copiste surveillé par Uderzo lui-même.

Au final, le succès annoncé de cet album en terme de vente depuis plusieurs semaines, aura bien lieu. Le lecteur de tout âge y trouvera son compte de sesterces dans cette nouvelle potion comme à l’ancienne. Mais il faudra attendre encore quelques albums pour que ce nouveau tandem d’auteurs épice ses recettes gauloises et montre que c’est aussi pour leur talent inventif qu’ils ont été choisis. Comme dirait l’autre : Cave Carmen,  soit en dans un latin de cuisine Craignez de succomber au Charme … de cette potion !

Didier Morel

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Les Editions Albert René

Pour le plaisir de se replonger dans la marmite des origines l’expo avec un point d’exclamation Astérix à la BNF !

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Les Editions Albert René

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Les Editions Albert René

Pour le plaisir, la B.O. du film d’Alain Chabat :

Snoop Dogg & Jamel Debbouze Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre

23 Oct

Les pies de Daria Schmitt s’exposent à Paris

L'arbre aux pies de Daria Schmitt - Casterman

L’arbre aux pies de Daria Schmitt – Casterman

 

Si vous avez apprécié le talent graphique et l’univers singulier de Daria Schmitt, venez découvrir ses planches originales tirées de son Arbre aux pies publié chez Casterman, un des albums coup coeur jeunesse.

La Galerie 9éme Art accueille l’expo / vente jusqu’au 02 novembre 2013. Cette galerie est une galerie dédiée à la Bande dessinée comme son nom l’indique avec en dépôt de nombreuses planches originales très intéressantes à découvrir.

A voir également de grandes illustrations dont deux réalisées en collaboration avec François Schuiten, l’auteur de Cités Obscures.

Galerie 9éme Art – 4 rue de Crétet 
75009 Paris – 01 42 80 50 67 
métro Anvers ou Pigalle

21 Oct

De la lecture pour les vacances automnales

L’Arbre aux Pies de Daria Schmitt & Vincent Zabus – Casterman

L’Arbre aux Pies de Daria Schmitt & Vincent Zabus – Casterman

 

Voici une sélection de 7 albums BD pour picorer à tout âge et nourrir l’appétit de vos enfants pendant ces congés d’automne.

 

L’Arbre aux Pies de Daria Schmitt & Vincent Zabus – Casterman

 

Ce récit est magique et magnifique, il renoue avec les grands mythes et les rites de passage d’un âge à un autre. L’auteur Daria Schmitt a su utiliser l’exacte composition alchimique des contes (une jeune fille, une magicienne, un chasseur et des animaux) en les recombinant pour donner un nouveau souffle au merveilleux. Son histoire est celle d’une enfant, Mel, vivant avec d’autres dans un pensionnat tenu par deux vieilles femmes gardiennes de la ville basse. Le plaisir de tous au milieu de la foret : se retrouver sous l’Arbre aux Pies pour écouter les légendes racontées par ces oiseaux doués de paroles comme chacun des animaux choisis comme compagnon par les enfants. Mel, comme chacun d’eux, a atteint l’âge charnière où elle devra partir pour la ville haute tenue par la magicienne Circé. Le chasseur usera et abusera de sa force pour venir les chercher. Entre l’univers des films de Hayao Miyazaki et des histoires des frères Grimm, Daria Schmitt tisse un récit riche en couleurs et faux-semblants. « Un conte dissonant » comme elle le définit,  à lire et à comprendre à différents âges.

Saveur Coco par Dillies - Dargaud

Saveur Coco par Dillies – Dargaud

 

Saveur Coco par Dillies – Dargaud

 

Quoi de plus absurde qu’une cigogne coiffée d’un sombrero, qui fume la pipe et joue de la cithare, et un renard candide qui prétend entendre la mer dans une noix de coco ? Nous ne sommes pas dans une reprise de la fable de la Fontaine, Le Renard et la Cigogne, mais plutôt dans un doux délire d’un curieux couple en quête d’eau dans un désert peuplé la nuit de poissons lunaires volants.

Renaud Dillies (Bulles et Nacelles, Abélard 2 albums sélectionnés aux Eisner Awards 2012 & 2013) a un réel talent de conteur, il emprunte au Mexique l’art des enluminures pour nous servir un récit initiatique sur le sens de la vie. Une saveur sucrée qui laisse longtemps un sourire de plaisir sur le coin des lèvres …

 

Oksa Pollock par Eric Corbeyran, Nauriel, Anne Plichota & Cendrine Wolf – XO éditions 12bis

Oksa Pollock par Eric Corbeyran, Nauriel, Anne Plichota & Cendrine Wolf – XO éditions 12bis

 

Oksa Pollock par Eric Corbeyran, Nauriel, Anne Plichota & Cendrine Wolf – XO éditions 12bis

Cette série de romans made in France est un succès traduits dans 27 pays avec 300 000 exemplaires vendus. Le 6ème tome des aventures d’Oksa Pollock est attendu pour novembre. Avant l’adaptation au cinéma, voici donc la version en bande dessinée pour les ados déjà fans ou ceux qui souhaitent découvrir celle qui est souvent présentée comme une Harry Potter au féminin.

Grande gageure que l’adaptation d’un roman jeunesse et ce n’est pas un hasard si ce travail a été confié à Eric Corbeyran, le prolixe scénariste qui a gagné la confiance des 2 auteures delà série : Anne Plichota & Cendrine Wolf. Ce duo a démarré l’aventure en publiant à compte d’auteurs et l’a poursuivi grâce à la pression de leurs jeunes lecteurs, chez un poids lourds de l’édition XO.

Dans un premier temps, le choix graphique de Nauriel nous surprend et nous livre là un dessin classique à l’image de la sage jeune fille du lycée français de Londres. Dans l’esprit de ses précédents albums (Nanami), son dessin dans la tradition franco-belge pourrait bien évoluer vers le manga quand la série basculera dans le fantastique. Car fantastique il y a dans l’univers de cette adolescente ancrée dans la réalité de notre époque, quand elle découvre ses pouvoirs (télékinésie, pyrokinésie …). Oksa Pollock  est l’inespérée pour sa famille et serait la future reine d’une civilisation  dans un univers parallèle à notre monde.

Un album à conseiller dès 12 ans et à lire en prélude des romans dont le tome 1 est sorti en poche l’an dernier.

 

Game Over t10 Watergate par Midam, Thitaum, Adam, Julien Mariolle & Philippe Auger – Madfabrik

Connu et reconnu, Midam arrive toujours à nous surprendre et nous faire rire avec son Petit Barbare, avatar numérique de son célèbre personnage Kid Paddle. Une page, un gag le principe est connu. Ici la difficulté se corse car depuis 10 albums, tout est construit sans parole ou presque, juste une onomatopée ou un panneau indicateur. C’est ce type de talent que Midam recherche quand il fait appel à ses lecteurs via son site pour trouver des idées et des auteurs. Espérons tout de même qu’une gagwoman réussira à se glisser dans ce quintet d’auteurs masculins (Midam, Thitaume, Adam, Julien Mariolle et Philippe Auger) de quoi présenter d’autres facettes un peu moins stupide de cette princesse échevelée qui accompagne ce barbare.

A découvrir dès que l’on sait tourner des pages en attendant le prochain album à paraitre en novembre prochain Yes I can

 

Stars of the Stars par Joann Sfar et Pénélope Bagieu – Gallimard

Stars of the Stars par Joann Sfar et Pénélope Bagieu – Gallimard

 

Stars of the Stars par Joann Sfar et Pénélope Bagieu – Gallimard

 

L’attente était forte quand l’homme aux cent albums rejoint une des plus mordantes bloggeuses publiées en BD (Ma Vie est tout à fait Fascinante, Joséphine, la Page Blanche). L’album est dans toutes les vitrines des bonnes librairies.

Peut être est ce la limite du polymorphisme de Joann Sfar et de sa boulimie : peut il s’adapter à tous les univers après entre autres ceux de Lewis Trondheim, Christophe Blain et Clément Oubrerie et assurer une qualité qui a fait son succès (le Chat du Rabbin, Petit Vampire …) avec tant de projets menés de front (roman, films, chroniques radio …) Le pitch selon Sfar : les Stars of the Stars sont 7 danseuses venues du monde entier. Convoquées à New York, elles se retrouvent propulsées dans l’espace après la destruction de la terre. Cette série « célèbre la rencontre de Fame et de Star Strek », comme en son temps « la série Donjon était la rencontre de Conan le Barbare et le Muppet Show ». Alors pour les fans de Sfar ou de Bagieu, ou comme moi des deux, le pari pourrait être de se dire que ce tome est celui de l’exposition et de la mise en place des personnages, et que tout ce délire va prendre forme et de la force dans les suivants. A suivre …

Stars of the Stars par Joann Sfar et Pénélope Bagieu – Gallimard

Stars of the Stars par Joann Sfar et Pénélope Bagieu – Gallimard

 

 

JADE T1[BD].indd.pdfJade par Ulysse Malassagne – Glénat

 

Issu de la célèbre école de Gobelins, Ulysse Malassagne est un jeune auteur de 24 ans prometteur. Sa fascination pour le Tibet (à ne pas rater les pages de contexte historique en fin d’ouvrage) est réelle. Sa maitrise de la construction narrative et graphique est stupéfiante. Dès la première case, il nous plonge dans l’action quitte à être un peu perdu ou avoir le sentiment d’avoir raté le précédent épisode. De cette rencontre entre un jeune anglais baroudeur en quête d’une légende transmise par son père (Jade) et d’un tibétain défenseur de la non-violence face à l’occupant chinois, né une formidable aventure humaine. Le jeune lecteur nourri de film d’animation ne sera pas dépaysé par cet album qui est aussi une bonne occasion de découvrir l’histoire du Tibet.

 

Jade par Ulysse Malassagne – Glénat

Jade par Ulysse Malassagne – Glénat

 

Les Nombrils t6 - un été trop mortel de Dubuc et Delaf – Dupuis

Les Nombrils t6 – un été trop mortel de Dubuc et Delaf – Dupuis

 

Les Nombrils t6 – un été trop mortel de Dubuc et Delaf – Dupuis

 

Elles sont trois et le monde depuis 6 albums tourne autour de leurs nombrils. Égocentrées ces trois donzelles ? C’est toujours vrai pour Jenny (la bombe naïve) et Vicky (la seconde bombe manipulatrice) et mais leur faire valoir habituel Karine (la bonne poire) a choisi de prendre de la distance en convolant avec un drôle de zig : Albin un musicien albinos.

Depuis 10 ans, les auteurs québécois gardent le cap sur les déboires de l’adolescence avec intelligence, sensibilité et pertinence en slalomant entre les clichés sur les rapports filles garçons. Ce nouvel album boucle l’intrigue commencée au tome 5 en empruntant un nouveau genre le polar. Commencée au rythme d’un gag par planche et publié au fil de l’eau, tout en gardant ce principe, petit à petit la série Les Nombrils s’est structurée pour faire évoluer ces personnages au-delà de leur apparente superficialité.

Didier Morel 

 

En Bonus pour lecteurs très avertis des albums à la frontière enfant adulte :

 

Metalfer par Stan – Dargaud

Metalfer par Stan & Vince – Dargaud

 

Metalfer par Stan & Vince – Dargaud

 

Attention cet album est aussi violent que Sa Majesté des Mouches l’était en son temps quand William Golding décrivait dans son roman la dérive d’un groupe d’adolescents livrés à eux même. Ici les adultes sont toujours présents mais ils sont au choix : cupides, avides ou stupides. Face à eux, les enfants prennent le pouvoir grâce à un jouet le Metalfer, mais est ce réellement encore un jouet quand le cadeau de Noël que tous s’arrachent est un robot exosquelette qui démultiplie la puissance de celui qui se glisse à l’intérieur.

Retour aux origines pour le duo d’auteurs des Chronokids, Stan et Vince. En 1989, ils publient chez l’éditeur américain de comics Dark Horse, une première version de 24 pages en noir & blanc. Jubilatoire et libératoire, rien n’est épargné aux victimes de Metalfer, à lire pour le plaisir de la transgression.

Metalfer par Stan & Vince – Dargaud

Metalfer par Stan & Vince – Dargaud

 

 

Mad in China par Pascal Magnat – Glénat

Mad in China par Pascal Magnat – Glénat

 

Mad in China par Pascal Magnat – Glénat

 

« Hassan Cehef c’est possible » nous affirmait le petit épicier arabe, parodié par les Nuls à la fin des années 80. Avec ce boutiquier chinois c’est plutôt : « Cà c’est un très bon choix ! »

La mention Mad in China a perdu sa voyelle car dans son échoppe, chaque objet a un pouvoir que son acheteur va découvrir à son insu. Autant d’objets, autant d’histoires courtes développées avec un talent graphique qui oscille entre François Boucq période les Aventures de Jérôme Moucherot et Moebius pour les paysages. Que du meilleur donc pour ce premier album mordant d’un illustrateur à découvrir : Pascal Magnat.

Mad in China par Pascal Magnat – Glénat

Mad in China par Pascal Magnat – Glénat

 

Didier Morel

17 Oct

L’homosexualité, un thème fort de cette rentrée

 

Blue Is the Warmest ColorBy Julie Maroh - Arsenal Pulp

Blue Is the Warmest ColorBy Julie Maroh – Arsenal Pulp

 

Depuis leur création, les héros de BD franco-belges ont longtemps été sans sexualité affichée dans leurs cases (Tintin, Astérix, Gaston …) au mieux avaient ils des émois. A partir des années 90, les romans graphiques et leur force d’évocation ont bouleversé la donne. En cette rentrée, plusieurs albums surprennent et bouleversent les codes avec des personnages centraux qui se découvrent homosexuels. Revue arc-en-ciel de cet automne après une année 2013 marquée en France : par le vote d’une loi ouvrant aux couples homosexuels le droit au mariage et à l’adoption et par une palme d’or, inspirée pour la 1ère fois d’une BD.

 

Respirez profondément et lancez vous pour prononcer à haute voix son nom-tout-attaché : OCEANEROSEMARIE. Elle se décrit comme une Lesbienne Invisible, une homosexuelle que personne ne voit comme telle. Trop féminine : rouge à lèvres et robes à fleurs ne seraient pas des attributs de la lesbienne attitude. Pourtant dans le regard des autres elle a besoin de reconnaître son identité sexuelle.

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel - Delcourt

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel – Delcourt

De ce décalage est nait un spectacle, La Lesbienne Invisible un one-woman-show à succès (500 dates – 4 000 spectateurs) et aujourd’hui une version en bande dessinée des plus drôles. La dessinatrice Sandrine Revel (au passage elle révèle être elle aussi une invisible) nous livre là une fine et juste adaptation. Issue de l’illustration et de la BD jeunesse (Alph-art 2001 pour Un Drôle d’ange Gardien) elle a un trait qui se joue des couleurs pastels. Cet album démonte avec humour un à un tous les clichés sur l’homosexualité féminine sans complexe et sans voyeurisme (le premier baiser entre fillettes, les femmes motards, le foot féminin …)

La raison : « parce qu’il y en a encore beaucoup trop, et rappeler qu’au fond, on est tous pareils ; on fait ce qu’on peut pour se construire, rencontrer l’amour, trouver notre place dans le monde, qu’on soit homo ou hétéro. » déclare Oceanerosemarie, auteure également de Ma cuisine Lesbienne et du Guide Pratique du mariage Homo. « Nous, les homos, nous n’avons rien ou presque dans la fiction, des contes pour enfants aux films de cinéma, qui ait parlé de nous en tant qu’homosexuels puisque les héros sont presque toujours des hétéros. Et pourtant, ça ne nous a pas empêches de nous identifier, d’être émus, touchés. J’aimerais que les hétéros puissent faire de même, car je crois en l’humanité d’un personnage est toujours identifiante. »

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel - Delcourt

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel – Delcourt

Alors quelle que soit votre identité sexuelle, n’hésitez pas à vous plongez dans ce récit à la première personne, 100% gai et 100% pour toutes et tous. Rire, créativité et tendresse garanties.

 

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel – Delcourt

Paco a les mains rouges. Il ne les avait pas quand il était encore instituteur en métropole et fiancé. Mais depuis que Patrick Comasson a été condamné à la perpétuité à Cayenne, il a découvert ce qu’est la Grande Terre et ce que signifie l’enfer du bagne si bien décrit par Albert Londres en son temps.

Paco les mains rouges par Fabien Velhmann & Eric Sagot – Dargaud

Paco les mains rouges par Fabien Velhmann & Eric Sagot – Dargaud

 

A son arrivée en Guyane, dans le sang, il a trempé ses mains et gagné son surnom : Paco les mains rouges, premier gage de survie dans cet horreur tropical des années 30. Le talent des auteurs, Eric Sagot et Fabien Velhmann (l’auteur attitré, avec Yoann, du renouveau des aventures de Spirou), est de ne pas en rajouter. Bien au contraire dès la couverture et les premières planches, le ton est donné dans des couleurs désaturées et sombres. Des faits bruts pour décrire l’insoutenable dessinés le plus simplement possible. Le tout donne une force incroyable à l’amour de Paco pour un autre homme, un bagnard comme lui, doué du talent de tatouer. Grace à lui, Paco est en partie protégé du pire, mais ne reconnaît la vérité de ses sentiments et la découverte de son homosexualité que malgré lui. Ce premier tome fait espérer, avec le second et dernier épisode à paraître, un récit marquant et bouleversant.

Paco les mains rouges par Vehlmann & Sacot - Dargaud

Paco les mains rouges par Vehlmann & Sacot – Dargaud

 

 

 

 

 

Paco les mains rouges par Fabien Velhmann & Eric Sagot – Dargaud

 

Deadline ce terme est passé dans le langage courant pour parler d’une échéance. Mais saviez vous qu’il a aussi un sens littéral et que pendant la guerre de sécession il représentait réellement une ligne de mort. « Tu vois la rambarde, là, qui forme une ligne ? Ca mon pote, c’est la deadline ! Le doigt de dieu … » C’est ainsi que le personnage principal, Louis Paugham, découvre cette ligne de mort qui sépare les geôliers sudistes et les prisonniers nordistes dans une prison itinérante à ciel ouvert. Le prisonnier qui franchit cette ligne est immédiatement abattu. Cette ligne sera aussi le celle du basculement de ce jeune confédéré tout juste engagé dans l’armée du sud. Lors de sa première mission de surveillance il est aimanté par le regard fier d’un soldat noir.

Deadline par Laurent-Frédéric Bollée & Christian Rossi – Glénat

Deadline par Laurent-Frédéric Bollée & Christian Rossi – Glénat

La naissance d’un amour doublement impossible avec un homme noir est le thème de ce nouveau western sur fond de vengeance et de Ku Klux Klan. Les auteurs remarqués, Laurent-Frédéric Bollée (déjà scénariste du roman graphique fleuve Terra Australis) et Christian Rossi (l’héritier graphique du père de Blueberry, Jean Giraud) signent là un récit déconcertant et inattendu. En choisissant l’homosexualité comme trame centrale, leur western prend un souffle nouveau formidablement servi par des dessins à la couleur directe. Cette technique n’est pas aisée, elle consiste à colorier directement les crayonnés originaux et comme l’affirme Christian Rossi, « contrairement à la possibilité qu’offre le travail sur ordinateur, les repentirs sont presque totalement exclus ». D’où cette très belle profondeur dans l’image et cette sourde tension dans les couleurs comme en écho aux troubles sexuels du personnage principal.

Deadline par Bollée & Rossi - Glénat

Deadline par Bollée & Rossi – Glénat

 

 

 

 

 

Deadline par Laurent-Frédéric Bollée & Christian Rossi – Glénat

 

Julie Maroh a marqué nos esprits en affirmant que Le bleu est une couleur chaude (pour ceux qui ne l’auraient pas lu, il est réédité à l’occasion de la sortie du film la Vie d’Adèle).  Après ce magnifique récit d’amour entre une adolescente et une jeune femme aux cheveux bleus, son dernier album, Skandalon, divise, repousse ou choque à l’image de son héros à l’identité sexuelle en devenir. Skandalon en grec c’est la pierre d’achoppement, celle qui fait trébucher, devenu en français le scandale.

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

Julie Maroh nous livre une parabole aux références à la fois christiques et à l’auteur René Girard qu’elle a beaucoup lu comme elle l’écrit dans sa post face. Pas facile de donner chair à un concept. Autant sa maitrise du dessin, du cadrage et de la mise en page sont bluffantes, autant nous avons du mal à en entrer en sympathie, à comprendre ce personnage de rocker écorché qui fait tout pour se faire rejeter et haïr, rock star qui renvoie à tant d’autres connues dans le monde réel de la musique ou des arts. Un livre à lire malgré tout pour suivre cette auteure multi-primée pour son premier roman graphique.

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

 

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

http://www.glenatbd.com/bd/skandalon-9782723492546.htm

A lire aussi sur le même thème, la chronique d’Eric Guillaud à propos du très bel album paru aussi en cette rentrée : La ligne droite d’Hubert & Marie Caillou, sur un adolescent qui peine à avouer son homosexualité.

Enfin du même talentueux scénariste, celui de Beauté, un ouvrage collectif commandé par le festival BD Boum de Blois. Cette fois Hubert a rencontré des LGBT en Touraine, comprenez des Lesbiennes, Gays, Bi et Trans pour écrire les Gens Normaux. Mis en image par différents dessinateurs, cette dizaine de récits « couvrent une variété de parcours et de modes de pensée où il est question d’orientation sexuelle, du choix de vivre en couple, d’avoir un enfant, du regard des autres, de la loi, la morale, la maladie ou des dangers parfois mortels (selon les pays) à être homosexuel.

Les Gens Normaux – Collectif BDboum - Casterman

Les Gens Normaux – Collectif BDboum – Casterman

A découvrir en novembre chez Casterman avec une préface rédigée par Robert Badinter qui lutta, en tant que Garde des Sceaux du gouvernement Mauroy, pour la suppression de la disposition légale pénalisant les relations homosexuelles.

Les Gens Normaux – Collectif BDboum - Casterman

Les Gens Normaux – Collectif BDboum – Casterman

 

Les Gens Normaux – Collectif BDboum – Casterman

 Didier Morel

13 Oct

Versailles (t2) – l’Ombre de Marie-Antoinette par Eric Adam, Didier Convard, Eric Liberge – Glénat

Versailles (t2) - l’Ombre de Marie-Antoinette par Eric Adam, Didier Convard & Eric Liberge - Glénat

Versailles (t2) – l’Ombre de Marie-Antoinette par Eric Adam, Didier Convard & Eric Liberge – Glénat

 

Versailles inspire et inspire bien les auteurs du 9ème art. Second volet réussi de cette collaboration patrimoniale entre le Château et les éditions glénât : L’ombre de Marie-Antoinette  avec Eric Adam et Didier Convard au scénario et Eric Liberge.

Après un premier tome consacré au Roi Soleil, au scénario ciselé, en voici un second consacré à cette reine qui ne cesse de fasciner. L’Histoire est ici réécrite à travers le regard d’un jeune peintre américain actuel en visite au Château de Versailles. En se glissant entre les dates et les lieux avec une précision historique, contrôlée par le conservateur en chef, les auteurs ont réussi l’exploit de rendre crédible et possible cette histoire de retour vers le passé.

Voyez le reportage de l’équipe de France 3 Versailles Antoine Marguet & Jean-Yves Blanc

Paris Maléfices (t1) : la malédiction de la Tour Saint-Jacques par Jean-Pierre Pécau & Dim D. – Delcourt

Paris Maléfices (t1) : la malédiction de la Tour Saint-Jacques par Jean-Pierre Pécau & Dim D. – Delcourt

Paris Maléfices (t1) : la malédiction de la Tour Saint-Jacques par Jean-Pierre Pécau & Dim D. – Delcourt

 

La Tour Saint-Jacques est central dans Paris et elle a été au centre de l’actualité cet été lors de sa réouverture pour un public choisi après des mois de restauration. Elle est aujourd’hui le personnage principal d’une BD de patrimoine : Paris Maléfices La malédiction de la Tour Saint-Jacques avec Jean-Pierre Pécau au scénario et Dim D au dessin.

Ce clocher de 54 m est le dernier vestige de l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Construite au début du XVIe siècle, grâce à l’argent de Nicolas Flamel à qui l’on prête la réputation d’alchimiste ayant réussi la transmutation du plomb en or, la tour a depuis toujours fascinée. De cette réalité Jean-Pierre Pécau (L’Histoire Secrète, Jour J) tire un scénario sinueux aux contours ésotériques mâtinés de réalité historique. L’auteur raconte qu’il a « lu dans la presse que les 4 statues du sommet n’ont pas été remontées dans le bon ordre, précise l’auteur. A partir de là, il y avait une piste scénaristique, qu’est-ce ça donne pour Paris et ses habitants si ces statues sont placées à l’envers ? »

Paris Maléfices (t1) : la malédiction de la Tour Saint-Jacques par Jean-Pierre Pécau & Dim D. – Delcourt

Paris Maléfices (t1) : la malédiction de la Tour Saint-Jacques par Jean-Pierre Pécau & Dim D. – Delcourt

Au lecteur de démêlé le vrai du faux et de suivre les traces du BAP, le Bureau des Affaires Publiques, chargé de surveiller les phénomènes mystérieux qui jaillissent en différents points de la Capitale. Ce drôle de Bureau peine à nous convaincre de la réalité de son existence. Pourtant chaque détail de chaque rue et monument est rendu avec précision par le dessin photographique de Dim D. (Aleph). Ce premier tome appel d’autres mystères parisiens déjà annoncés, comme Le Petit Homme Rouge des Tuileries ou Les Dames Blanches du Quai de Gesvres. Ces albums suivants permettront de se faire une idée plus précise si une grande série sur Paris commence à prendre forme ou si les premiers défauts perçus ne plombent une idée en or.

Didier Morel

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cet album :

The Curse d’Agnès Obel

03 Oct

Astérix débarque à Lutèce

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad - Editions Albert René

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Editions Albert René

 

Le petit gaulois revient en force et en forme. La couverture d’Astérix chez les Pictes vient d’être dévoilée pour faire monter le désir chez les lecteurs de tous poils et de tout age. Ce 35e album sera tiré à près de 2 millions d’exemplaires, un phénomène rare dans la BD francophone. Sans atteindre les sommets du 70e numéro du manga One Piece, tiré à 4 millions d’exemplaire en juin dernier au Japon, le héros à moustaches vise à terme les 5 millions d’exemplaire vendus dans le monde francophone.

Dans le plus grand secret les éditions Hachette avait lancé il y a deux ans un casting pour trouver un nouveau tandem scénariste-dessinateur, capable de redonner du peps à la potion magique gauloise. Le choix de l’excellent Jean-Yves Ferri (De Gaulle à la Plage, le Retour à la Terre) avec le formidable Didier Conrad (Les innomables, Bob Marone) renforce cette attente d’ici le 24 octobre, date de sortie du blockbuster de l’automne.

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad - Editions Albert René

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Editions Albert René

Alors la capitale se prépare à accueillir 2 expositions pour célébrer cet évènement après 8 ans d’absence. La première à partir du 4 octobre (et jusqu’à janvier 2014 ) est en plein air en entrée libre dans les allées de Bercy Village. Au programme des cases au format géant et des animations pour les enfants sont prévues.

La seconde offre à ses pères, René Goscinny et Albert Uderzo, la consécration qu’ils méritent. C’est par la grande porte de la BNF qu’ils entrent dans le temple des Arts & Lettres avec une rétrospective de leur oeuvre du 16 octobre au 19 janvier 2014. En mars 2011, Albert Uderzo faisait don des planches originales de trois albums d’Astérix : Astérix le Gaulois, premier titre de la série, publié dans le journal Pilote à compter du 29 octobre 1959 ; La Serpe d’or, second épisode ; enfin Astérix chez les Belges, vingt-quatrième album dont René Goscinny, décédé le 5 novembre 1977, ne vit jamais la publication. Cette exposition promet une analyse de la potion qui fait le succès de ses aventures en France et dans le monde. Didier Morel

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad - Editions Albert René

Astérix chez les Pictes par Jean-Yves Ferri & Didier Conrad – Editions Albert René

Plus d’info sur le site officiel : Astérix

et sur le site du Monde cet été …

30 Sep

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui – Gallimard

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui - Gallimard

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui – Gallimard

 

Ses Histoires du Quartier, il l’est tire du Barrio Chino, un quartier de Palma de Majorque, l’île espagnole où l’auteur Gabi Beltràn a passé son adolescence, au début des années 80. La difficulté pour ce type de récit autobiographique, c’est de trouver le ton juste et la bonne distance.

Gabi Beltran les a trouvés, lui qui aurait pu finir d’une overdose dans les toilettes d’un parking, comme son meilleur ami, ou en prison comme beaucoup d’autres. A quoi cela tient la chance de s’en sortir quand tant d’autres y restent ? C’est tout le propos de ce jeune auteur espagnol. Un nouvel auteur à suivre assurément tant le récit de sa jeunesse entre petits boulots (vente de journaux à l’aube), vols à la tire et prostitution (pour les marins américains en escale) , est raconté à la première personne, sans concession, ni excessive nostalgie. Au fil des chapitres, comme autant de souvenirs qui oscillent entre petits plaisirs et grandes violences, l’odeur et les contours de son quartier prennent forme avec force sous le crayon de Bartolomé Segui. A lire aussi pour découvrir que l’archipel des Baléares n’est pas juste une carte postale touristique.

Didier Morel

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui - Gallimard

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui – Gallimard

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Le site de Gabi Beltràn & Bartolomé Segui

Les premières planches : Gallimard

La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Jean Constantin – Les 400 coups

Le point de vue le presse spécialisée : PlanéteBD

27 Sep

Festiblogs : le 9ème festival des blogs BD à Paris

Affiche du 9e Festiblogs 2013

Affiche du 9e Festiblogs 2013

 

 Après la foison de la rentrée, voici la meilleure occasion de rencontrer un ou cent cinquante auteurs parmi vos préférés. Pendant tout ce week-end (28 et 29 septembre 2013) le 9ème Festiblogs de la BD et des webcomics vous permet de découvrir qui se cache derrière les URL de leurs bulles internet.

 Devant la mairie du 3e arrondissement, le programme des deux jours est dense, avec la possibilité d’obtenir une dédicace gratuite. Comprenez « sans obligation d’achat », une exception qui remonte aux origines du festival quand la plupart des auteurs de cette génération 2.0 n’avait pas encore publié. Vous pourrez donc croiser des grands noms de la toile (Boulet, Bastien Vivès, Pénélope Bagieu, Fabien Vehlmann …) et tous ceux que vous pourriez avoir envie de découvrir, comme Benoît Feroumont qui propose une MasterClass dimanche.

Didier Morel

17 Sep

Chroniques de la Vigne – Conversation avec mon Grand-Père par Fred Bernard – Glénat

Chroniques de la Vigne par Fred Bernard – Glénat

Conversation avec Fred Bernard autour d’un verre de Bourgogne, du Savigny rouge, lors d’une séance de dédicace – dégustation à Issy- les-Moulineaux et plus tard, au téléphone. Son dernier album Chroniques de la Vigne est une pure réussite : la faconde de son grand-père y est gouleyante à souhait. Un grand cru !

–       Vous êtes en train de travailler sur une aquarelle ?

–       C’est un magazine qui me demande une planche qui parle à la fois de l’actualité du monde et de la mienne. Donc j’ai rajouté une planche au livre. C’est une des choses que j’aurais pu mettre et que je n’avais pas intégrée. Les vendanges commencent le 20 septembre cette année et cela ne va pas être formidable. Déjà il y a eu la grêle à la fin de l’été ; et puis le temps froid sans soleil de l’arrière saison. A Savigny, il ne reste que 30% de raisins et à Pommard ce n’est que 20%. C’est ce que je dessine pour Mondomix. Un bonus qui aurait pu être dans le livre.

–       Vous dites souvent que, cet album, vous souhaitiez le faire depuis plusieurs années, mais que votre grand-père n’était pas d’accord. Avez vous le sentiment que le livre est différent aujourd’hui, 15 ans après ce qu’il aurait pu être à l’époque où vous l’aviez imaginé ?

–       Ah oui, j’ai bien fait de ne pas le faire avant ! Premièrement parce que j’ai mûri un peu, on va dire … Je pense que je n’aurais pas axé le récit de cette façon là. Les anecdotes auraient été les mêmes, mais je n’aurais pas traité cela comme ça, ni graphiquement, ni même au niveau du ton en fait.

Fred Bernard en dédicace

Fred Bernard en dédicace

–       Je sens une grande liberté dans le ton, dans la narration et dans les dessins.

–       Oui c’est exactement cela. En le faisant aujourd’hui j’ai une espèce de lâcher-prise qui a donné ce que cela a donné. Je n’aurais pas été dans ce lâcher-prise là, il y a dix ans. A l’époque, je voulais le faire encore avec mon grand-père, à 4 mains et je n’avais pas cette vision là. Depuis j’ai fait plein d’autres albums pour lesquels je me suis appliqué à développer des dialogues très écrits et là c’est un phrasé quotidien en fait.

–       C’est vrai que j’entends vraiment la voix de votre grand-père. J’ai le sentiment que si je le rencontrais, je le reconnaitrais tout de suite et je serais en sympathie immédiate.

–       De toute façon, ce sont ses mots et ses formules. J’ai osé mettre tout à plat exactement comme cela peut se raconter dans une vigne ou dans un dîner. Les copains vignerons, que j’ai eus au téléphone depuis qu’ils ont lu mon album, cela les a même surpris, parce qu’ils connaissent le reste de mon travail : « Ah il raconte ça, oh la la … Ah! Il raconte ça comme cela !!!! Il a mis ça aussi ? » Et puis ils m’ont dit : « Ah ! Mais non, mais c’est bien ! » En fait, cela ne se prend pas au sérieux, alors que souvent le vin apparaît comme une chose très sérieuse, que ce soit pour les gens qui le font que pour les gens qui traitent du sujet. C’est quelque chose qui a beaucoup de cachet, cela fait partie de notre patrimoine qui est à préserver, c’est qualitatif … Donc très souvent c’est trop sérieux. Et  moi je voulais prendre ça par le petit bout de la lorgnette. C’est aussi ce que fait mon grand-père, c’est à dire virer tout le snobisme autour du vin, qui le met en rogne, et mettre plutôt en avant tous les plaisirs que cela apporte.

–       Comment avez vous recueilli toutes ses histoires ?

–       On bascule vite dans l’intime dans une cave. La plupart des anecdotes, je les ai reçues en cave et pas dans la rue. Un peu comme dans le livre ou le film Malevil avec Jacques Villeret : ils sont tous en train d’embouteiller ou de goûter du vin alors qu’il y a la fin du monde dehors ! Toutes proportions gardées, le monde extérieur n’existe plus vraiment dans une cave, le temps peut se prolonger et les confessions intimes sont alors possibles.

Chroniques de la Vigne , Fred Bernard – Glénat

–       Vous faites référence à un film. Est-ce que d’autres films ou des livres comme celui d’Etienne Davodeau Les Ignorants, ont pu vous inspirer ou bien vous libérer ?

–       Avec Etienne, déjà ce qui est super quand je l’ai lu, je me suis dit c’est formidable, il a déjà tout expliqué. Alors dans ma tête, j’ai pu évacuer tout ce qui était technique dans le vin. Par exemple la fermentation malolactique, il explique tout très bien, donc ça c’est fait. Son ton est léger, il est badin aussi, ce que j’ai beaucoup apprécié aussi. Moi je n’ai pas lu tout ce qui s’est fait sur le vin évidemment, ni en BD, ni ailleurs. Mais ce que j’ai lu, cela débroussaillait le sujet ; et puis de toute façon, comme dit toujours mon grand-père, tout a été dit et redit ; c’est pour ça qu’il ne voulait pas s’y coltiner avec moi ;alors moi je me suis attaché à des choses que dans la plupart des cas je n’ai jamais entendues ailleurs que dans mon village par des gens que je connais. Soit parce que ce sont des choses qui ne se disent pas, soit parce qu’on a le sentiment que cela n’intéresse pas les gens, et à tort bien souvent. Je ne suis pas rassuré depuis très longtemps, à dire vrai. Le livre est sorti il y a une semaine et aujourd’hui je peux affirmer : non cela n’intéresse pas que les gens du cru. En le faisant je me posais la question. Mais j’étais super motivé parce que je le faisais à la fois pour mon grand-père et les gens qui sont dedans. C’est intime mais c’est assez universel en fin de compte. Tout ce qui tourne autour du vin, et ce sont les plaisirs de la vie en général qui sont traités, avec beaucoup de recul du point de vue de mon grand-père qui a 90 ans. Il a l’art de s’amuser des choses et un recul que moi je n’ai pas … pas encore.

–       Cela semble venir si nous suivons votre création depuis les livres jeunesse jusqu’à vos derniers romans graphiques ?

–       J’apprends beaucoup de lui, et je l’écoute attentivement. Il m’amuse et il me fait rire. Tout ce qu’il dit me fait rire. Ma grand-mère n’est plus là, mais jusqu’à la fin de ses jours, elle a ri à la moindre de ses blagues, qu’elle a entendues mille fois. A chaque fois cela m’épatait parce qu’à chaque fois il les tourne autrement.

–       Et pour vous cela fonctionne de la même façon ?

–       Oui, et moi je l’ai toujours fait parler le plus possible. Sur moi il ne pose pas beaucoup de questions.

Chroniques de la Vigne, Fred Bernard – Glénat

–       Votre grand-père connaît-il vos albums ?

–       Oui, il les a lus parce qu’il lit de la bande dessinée depuis longtemps. J’ai retrouvé ses vieux Félix le Chat des années 30 ; a grand-mère lisait Bécassine et lui d’autres livres comme Quick & Flupke d’Hergé. Mes parents n’en ont pas lu, ou très peu, mais cela a sauté une génération ! Mes grands-parents en lisaient. Oui, il a donc lu les miennes … au moins les miennes. Je me souviens, une fois, je lui avais offert les Petits Ruisseaux de Pascal Rabaté. Je me suis dit : « ça passe ou ça casse ». Et bien cela ne lui a pas plu. Une BD sur le quatrième âge et ce qui arrive aux protagonistes cela me plaisait bien, mais pas à lui. Il est prude, trop prude. Il parle beaucoup, mais en fait il est très pudique.

–       Comme beaucoup de bourguignons peut-être ?

–       Oui, ce sont des coquillages bivalves, durs à ouvrir. Mais une fois qu’ils sont ouverts, c’est super ! Moi, dans le village de Savigny-lès-Beaune, je vois par hasard des gens qui me disent :  » J’habite là depuis 5 ans, j’ai un peu du mal à rencontrer des gens ». Cela ne m’étonne pas. Moi déjà en étant parti c’est un peu cuit, je ne suis plus vraiment du village. Je suis un peu le Parisien. En revanche, pour moi c’est chez moi là bas.

Fred Bernard et ses Chroniques de la Vigne

Fred Bernard et ses Chroniques de la Vigne

–       Pour revenir aux dessins, vous êtes conscient de votre évolution graphique pour cet album-là ?

–       Ce n’est effectivement pas du tout dans la lignée des précédents. J’avais déjà fait un album couleur, il y a deux ans, qui se passait aussi en Bourgogne en grande partie, et qui s’intitulait Ursula cers l’amour et au-delà. J’avais donc déjà utilisé la couleur mais je voulais véritablement traiter cela de façon enfantine. J’avais fait des dessins aux crayons de couleur et un peu d’aquarelle aussi. Un peu moins jeté mais plus brut.

–       A l’image de l’héroïne ?

–       Oui, et pour contre balancer le propos, qui n’était pas rigolo du tout en revanche ! Là pour cet album, vu que j’ai beaucoup fait de croquis de voyages, mais finalement assez peu dans mon secteur, puisque par définition je suis devant presque tous les jours, et là j’ai eu envie de le faire. L’éditeur connaissait mes carnets de voyages, et là je lui ai dit : « C’est un voyage chez moi, c’est une ballade avec mon grand-père. Je vais le traiter comme ça : jetés et aquarelles. » Et j’ai donc essayé de faire couler cela comme les dialogues, de façon très légère, comme si cela n’allait pas devenir un livre. En fait, sans me mettre de pression. Les seuls moments où je travaille comme cela c’est en voyage, c’est que pour moi. Et ici, c’est comme si c’était pour moi et les amis. Là, je me suis autorisé à ne pas dessiner tous les détails et à être plus impressionniste. Il y a dix ans, je n’aurais pas osé faire cela.

–       Vous qui revendiquez de ne vous attaquer qu’à des sujets qui vous passionnent, quel est votre prochain projet ?

–       Je travaille sur une biographie de Charles Nungesser, le pilote qui a disparu avec François Coli sur « L’oiseau blanc » en essayant de traverser l’Atlantique, deux semaines avant Charles Lindbergh. Je ne vais pas le dessiner, j’écris le scénario. C’est une commande de  Casterman, et je me suis dit : « Ah ouais !!! » (rires pétillants d’enfant). J’adore le sujet, et en plus la fin est mystérieuse ; la vie de ce type, je la connaissais très peu, seulement dans les grandes lignes. C’était un beau taré, il était génialement fou et casse-cou.

 

Cet album a été déjà salué par les bourguignons et les vignerons : Prix du Clos Vougeot 2013. Ce qui n’est pas une mince affaire pour un livre qui parle en dilettante du monde du vin.

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Le site de Fred Bernard

Les premières planches : Glénat

La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Pigalle – Le Bar Tabac de la Rue des Martyrs (le chanteur François Hadji-Lazaro est devenu ami avec son grand-père)

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