Le Bleu est une couleur chaude par Julie Maroh - Glénat
Le saviez vous ? Le bleu est une couleur chaude, celui de l’amour entre une adolescente et une jeune femme.Sous le titre La vie d’Adèle chapitre 1 & 2 (Blue is the warmest colour), cetteBD remarquée de Julie Maroh a été adaptée au cinéma par Abdellatif Kechiche, avec Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux dans les rôles principaux. Le film se retrouve en sélection officielle au Festival de Cannes 2013. Salué par la critique, il est en bonne place dans la course à la palme d’or.
« – Quand tu tomberas amoureuse, ce mec sera le plus chanceux de toute la terre. – Comment as tu pu me dire ça, Emma ? Ce mec, c’est toi. »
Le Bleu est une couleur chaude par Julie Maroh - Glénat
C’est une première oeuvre réussie que nous livre là Julie Maroh. Un roman graphique sensible sur l’homosexualité. Comme souvent après l’échange d’un premier regard, Clémentine, lycéenne de 15 ans, tombe amoureuse d’une fille différente, Emma 30 ans. Les Anglais utilisent l’expression poétique « out of the blue » pour décrire des moments de grâce comme celui-ci. D’ailleurs, coïncidence ou non, Emma a les cheveux bleus (clin d’oeil peut-être aussi à Bilal et son héroïne Jill Bioskop, elle aussi à la chevelure couleur bleu intense, dans la trilogie Nikopol Froid Equateur). Emma va faire découvrir à Clémentine toutes les facettes du désir.
Dans la version cinéma du réalisateur Abdellatif Kechiche (L’esquive, La Graine et le Mulet), Clémentine devient Adèle, du nom de son interprète principale Adèle Exarchopoulos. Cette native de la région parisienne a grandi à Clichy (92). Pas encore connue, Cannes la découvre et lui rêve déjà un prix au palmarès 2013. Elle partage l’affiche avec l’actrice reconnue Léa Seydoux. Selon le cinéaste, le film est « une très libre adaptation de la BD » :
« Je n’avais rien à dire de militant sur l’homosexualité. Je ne cherchais pas à la définir et durant toute la fabrication du film je ne me suis jamais posé la question : « ah oui, ce sont deux femmes… ». J’avais plus le sentiment de traiter, de raconter l’histoire d’un couple, du couple. La problématique de l’homosexualité, je ne voyais pas pour quelles raisons je l’aborderai spécialement, car la meilleure façon, si je devais avoir un discours sur ce sujet, ce serait de ne pas en avoir, de filmer cela comme n’importe quelle histoire d’amour, avec toute la beauté que cela comprend. »
Le film est en lice pour la 66ème palme d’or à Cannes.
Le Bleu est une couleur chaude par Julie Maroh - Glénat
Pour en revenir au graphisme de l’oeuvre initiale, les traits du visage, comme celui des corps à corps, sont dessinés avec une grande finesse. Ils illustrent parfaitement les sentiments contrastés propres à l’adolescence et à la découverte de son homosexualité. Le récit tend vers l’aquarelle au fur et à mesure que la jeune héroïne doit faire face à l’homophobie de certains lycéens et à l’hostilité de ses parents. Cet album a reçu la récompense la plus forte du festival d’Angoulême en 2011 : le Grand Prix du Public.
Une oeuvre forte sur une histoire d’amour absolue entre deux femmes, à lire ou relire en attendant la sortie du film le 9 octobre 2013.
Pablo (t3) par Julie Birmant et Clément Oubrerie - Dargaud
Le Rouge est de mise dès la couverture. Le sang chaud de l’ibère, l’amour viril, les braises … Pour patienter jusqu’à la réouverture de son musée fin 2013 à Paris, découvrez comment un jeune espagnol nommé Pablo, fraîchement arrivé dans la capitale française à 19 ans, est devenu Picasso. 10 ans plus tard il aura inventé l’Art Moderne et le Cubisme. Le tome 3 de cette aventure en 4 volets vient de paraître.
Comme pour les deux précédentsalbums, la qualité graphique de Clément Oubrerie, amplifiée par le talent de sa coloriste Sandra Desmazières, se confirme – tout comme le point de vue original choisi par la scénariste Julie Birmant : le récit des premières années parisiennes de Pablo à travers le regard de son modèle, son premier grand amour Fernande Olivier. La grande absente des biographies de Picasso a pourtant partagé pendant près de 10 ans, une période charnière de sa vie : ses années de formation.
Pablo (t3) par Julie Birmant et Clément Oubrerie - Dargaud
Chaque volume est ponctué par une rencontre qui lie le futur Picasso à un grand nom de l’art moderne. Après Max Jacob et Guillaume Apollinaire, c’est au tour d’Henri Matisse surnommé C.M., Cher Maître. Mais cette fois-ci le défi est de taille. Fernande est sous le charme de l’auteur du Nu Bleu et de La Danse. Henri Matisse devient le rival et le modèle à dépasser. Pablo part à la chasse à l’inspiration jusqu’au fin fond de sa Catalogne natale. Il en revient avec l’idée de peindre un bordel : celui des Demoiselles d’Avignon, la toile fondatrice du cubisme. Pour s’opposer à l’idéal esthétique de Matisse, il peint une œuvre provocante, choquante et délibérément inachevée. Sous ses pinceaux jaillit l’Art Moderne, sous l’influence de vestiges anciens et de statues africaines.
Pablo (t3) par Julie Birmant et Clément Oubrerie - Dargaud
Au final ce nouvel opus continue d’être une magnifique description du mécanisme de création à travers le regard d’une femme amoureuse. L’art est en marche et l’aventure n’est pas terminée : de grandes oeuvres restent à être inventées.
Julie Birmant & Clément Oubrerie - Dargaud/Cécile Gabriel
Quel est le point commun entre le romancier Honoré de Balzac, le cinéaste Henri-Georges Clouzot et la scénariste Valérie Mangin ? Un abîme, ou plutôt une mise en abyme : ce jeu de miroir qui permet un enchâssement d’un récit dans un autre récit. Cette figure de style nous offre le projet BD le plus enthousiasmant de cette année, publié dans la prestigieuse collection Air Libre. Comme l’héroïne, partez vous aussi à la recherche de cette trilogie dans les rues de Paris.
Valérie Mangin (Alix Senator, le Fléau des Dieux), la scénariste de cette série, développe son histoire en trois tomes avec la complicité de trois dessinateurs différents. Dans le dernier tome, elle se met elle-même en scène (et en auto-fiction ?) avec son mari, le dessinateur Denis Bajram (Trois christs, UW1).
Pour le 1er album de la série, elle a fait appel au talentueux Griffo (SOS Bonheur, Petit Miracle). Honoré de Balzac apparaît dans sa vie personnelle comme un personnage balzacien riche en turpitudes, mais il goûte peu de lire la description de ses vices, publiée chaque jour en feuilleton.
Pour le second tome, avec Loïc Malnati (Du Plomb pour les Garces, Apocalypse) au dessin, c’est le cinéaste Henri-Georges Clouzot qui est décrit à la fois comme le cinéaste le plus doué de sa génération mais aussi comme un tyran sans coeur. Lui aussi voit sa vie et sa dernière oeuvre, Le Mystère Balzac, un film sur le romancier éponyme, éclater de chausse-trappes en fausses révélations dans le piège de la mise en abyme.
Abymes (t1) par Mangin & Griffo - Dupuis
C’est vraiment avec le 3ème et dernier épisode que l’intrigue se boucle sur elle-même dans un vertige sidérant pour le lecteur tout en permettant de questionner le statut de l’oeuvre, principe même de la mise en abyme. Aussi réelle soit elle, une oeuvre n’est pas la réalité mais une création. Dans le Paris des années 90, la scénariste Valérie Mangin et le dessinateur Denis Bajram, racontent leur rencontre, de leur vie étudiante à la création de cet album, en ménageant un à un tous les effets de suspense et de révélations propre au thriller. Le récit est truffé de références au monde de la BD, des « private joke » souvent réservés aux initiés, mais nécessaires pour la mise en abyme.
Abymes (t2) par Mangin & Malnati - Dupuis
L’effet de trouble s’avère étourdissant pour le lecteur, d’autant que le final, aussi délirant soit-il, est réussi. L’important dans ce genre d’élucubration fantastique est bien sûr de retomber sur ses pieds sous peine de perdre son lecteur en route.
Le Jeangot guitariste du titre c’est Django Reinhardt, l’inventeur du Swing de Paris, l’artiste de génie qui a donné à la capitale sa bande-son idéale. Qui mieux pour lui rendre un hommage truculent en 3 volumes que Joann Sfar ? L’auteur du Chat du Rabin sait aussi le mieux rendre la substantifique moëlle d’une biographie, en toute liberté, sans hagiographie ni fidélité historique à la lettre (Gainsbourg, Chagall, Pascin ..). Le malicieux dit être parti de la pochette du premier 78 tours enregistré, celle où le nom du musicien a été transformé en « Jiango Renard, Banjoiste ! » Le style réinventé de Clément Oubrerie (Pablo, Aya de Yopougon) permet de récréer le Paris de l’entre-deux-guerres. Sous ses crayons, ce goupil de Jeangot prend vie, entouré de tout un bestiaire digne du célèbre fabliaux du moyen-âge, le Roman de Renart. Une vie de manouche riche en péripéties et facéties, à suivre dès 13 ans. Une magnifique initiation au jazz dont les notes surgissent des pages au fil des cases et des bulles.
Lou ! L’Age de Cristal (t6) par Julien Neel – Glénat
« Tout change, tout reste pareil » … est-il dit pour ce nouvel épisode des aventures de la jeune Lou. Cette héroïne est une des rares dans le monde du 9ème art à avoir la particularité de grandir à chaque nouvel album. Nous la retrouvons cette fois-ci dans l’année de ses 16 ans, deux années se sont écoulées depuis le précédent album. La série, multiprimée pour ses qualités, dont le Prix Jeunesse du Festival d’Angoulême en 2005 et 2010, rassemble des dizaines de milliers de fans ((400 000 exemplaires du tome 1 ont été vendus), des filles surtout, mais aussi des garçons, qui évoluent avec Lou depuis près de 10 ans (1,6 million d’albums de la série au total).
Qu’est ce que devenir adulte ? Quelles peurs et angoisses cela suscite-t-il ? Tel est le thème de cet opus. L’auteur Julien Neel, fait le choix de dérouter totalement ses lecteurs habituels et peut-être d’en séduire de nouveaux. Une sensation ouateuse, un flottement incertain, ainsi est décrite l’entrée dans la vie adulte du personnage, à l’image du décor étrange de cristaux roses qui envahissent de façon anarchique la ville. Cela peut être aussi vu comme un hommage appuyé à L’écume des Jours de Boris Vian, tout comme l’incursion du fantastique dans le réel présent dans l’oeuvre du romancier japonais Haruki Murakami (Kafka sur le rivage, 1Q84), deux auteurs de chevet pour Julien Neel.
Ne manquez pas la séquence très réussie graphiquement de la boîte de nuit, pendant laquelle la mise en couleurs alternées respecte la rythmique à 4 temps de la musique électro. Gageons que cette histoire prendra tout son relief et son sens avec les tomes suivants. Patience donc ! L’auteur a d’ores et déjà annoncé qu’il y aurait 8 albums au total et qu’il sait où il va (« Je sais déjà ce qu’il y aura dans les deux dernières pages du tome 8. »), même si le chemin pour y parvenir reste à inventer pour lui.
Lou ! (t6) par Julien Neel - Glénat
La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir :
Le point de vue de la presse spécialisée :Du9PlanéteBD
Spirou et Fantasio - Les Pirates du Silence - A.Franquin - Marsu Productions
Spirou et Fantasio : Les Pirates du Silence (t10) de Franquin & Maurice Rosy – Marsu Productions
Pépite mal connue, cet album est à découvrir par tous les amateurs de belles voitures et de courses poursuites. A l’occasion des 75 printemps de son célèbre groom, Marsu Productions, récemment repris par Dupuis, publie dans la série « Version Originale« , l’intégrale des planches de travail du génial Franquin. Du crayonné à la couleur, toute l’évolution de sa palette est là, en format XXL. Un régal pour découvrir le maître à l’oeuvre pour sublimer par son dessin la vitesse. Ce qui ne gâche rien, le véritable héros de cette aventure, c’est bien le marsupilami qui nous dévoile un talent jusque-là bien caché, une nouvelle source de gags.
A ne pas manquer pour tous ceux qui ont ont connu ces années-là, les années 50, et qui souhaitent les faire découvrir à leurs enfants et petits enfants.
Spirou et Fantasio - Les Pirates du Silence - A.Franquin - Marsu Productions
J'aurai ta peau Dominique A - O.Balez & A Le Gouëfflec - Glénat
« Il ne faut pas souhaiter la mort des gens, ça n’est jamais assez méchant » chantait en 1996 Dominique A dans l’album La mémoire neuve. Depuis, l’auteur-compositeur, qui a grandi en Seine et Marne à Provins, a fait du chemin avec même une récente Victoire de la musique. Mais voilà la figure de proue indépendante de la chanson française, tout à son bonheur d’une nouvelle tournée, victime d’une lettre Anonyme. Comment va réagir ce nouveau personnage de papier et héros d’une BD à la frontière de deux arts ?
Voilà un polar graphique original et de belle tenue, à lire et à écouter avec la playliste dessinée par Olivier Balez et Arnaud Le Gouëfflec. Les amateurs de Dominique Ané et de son compère et ami dans la vie, le plus célèbre Philippe Katerine, apprécieront ce récit bien mené, avec juste ce qu’il faut de références musicales et de belles inventions graphiques. Ne manquez pas les bois de cerf qui poussent sur le front de Dominique quand il se sent pourchassé ou bien cette empreinte digitale sur son visage quand il se demande qui il est vraiment, lui ou son sosie qui finira par prendre sa place. Un style graphique proche du collage ; c’est une bonne idée pour une histoire qui démarre par un courrier avec des lettres découpées.
J'aurai ta peau Dominique A - O.Balez & A Le Gouëfflec - Glénat
« J’aurai ta peau, Domonique A … » proclame la lettre anonyme. Et pourquoi diable on lui en voudrait à lui ? Qui peut vouloir la peau d’un inoffensif chanteur originaire de Provins, comme il le raconte dans son livre Y revenir récemment paru chez Stock, et même pas si célèbre que ça ?
J'aurai ta peau Dominique A - O.Balez & A Le Gouëfflec - Glénat
Pas si célèbre ? Faut voir ! En 20 ans de carrière et déjà 9 albums, le crâne chauve est devenu une référence dans le monde musical pour son absence de compromis. Vers les lueurs, son dernier album unanimement salué par la critique, éclaire d’un jour plus joyeux sa carrière.
J'aurai ta peau Dominique A - O.Balez & A Le Gouëfflec - Glénat
Et si vous rêvez de voir disparaitre d’autres chanteurs français, regardez ce clip réalisé par Julie Gavras pour la chanson d’Armand Mélies Mon plus bel incendie. Dans le viseur : Christophe, Benjamin Biolay, Julien Doré, Joseph d’Anvers et bien d’autres que vous reconnaîtrez peut-être …
Ce beau voyage est tout d’abord un voyage intérieur, un de ceux qui m’a transporté dans un maelström d’émotions. C’est un récit bouleversant à travers la quête d’identité d’une jeune femme. Un récit signé Zidrou, un auteur à découvrir ou plutôt à redécouvrir sous un jour nouveau pour ceux qui le connaissent déjà.
Depuis toujours, Léa poursuit sa vie plus qu’elle ne la construit. Trentenaire aux goût sexuels multiples, elle mène la vie décousue de présentatrice de show TV. Son quotidien bascule le jour où elle apprend la mort de son père. Pour elle, c’était à la fois un homme qu’elle idéalisait et un médecin plus présent pour ses patients que pour elle-même. Le retour à la maison familiale fait remonter les images du passé et le secret de cette piscine vide, autant de bulles de souvenirs qui éclatent une à une comme autant d’épreuves surmontées : la mort de la mère, le premier avortement, la maladie, la perte d’un enfant.
Le Beau Voyage - Springer/Zidrou - Dargaud
C’est d’ailleurs par cette image envoutante que démarre le récit : une pleine page avec un enfant tout habillé flottant entre deux eaux. Le récit est rythmé par les paroles d’une chanson, celle de Boby Lapointe, Le beau voyage, une chanson qu’appréciait le père de l’héroïne.
Zidrou - Dargaud / Rita Scaglia
L’auteur, Zidrou, de son vrai nom Benoit Drousie, nous fait découvrir depuis plusieurs albums (Les Folies Bergères, La peau de l’Ours) une nouvelle facette de son talent. Reconnu pour les gags de L’élève Ducobu (2,3 millions d’exemplaires vendus), c’est cette fois-ci un récit subtil et intimiste qu’il développe. Le parti pris de départ, très distancié et très cru (public adulte), amène par petites touches vers des sentiments vrais, ceux d’une jeune femme face à son passé.
Dans une autre partie de sa vie, Zidrou était un instituteur en Belgique. Il a gardé en mémoire une peinture d’enfant, celle d’une « maison qui pleure », « une maison triste, noire et rouge, sur laquelle s’acharnaient de grosses gouttes de pluie ». A l’époque il n’a pas su ou pas pu interprété le sens caché de ce dessin. Aujourd’hui avec Benoit Springer (Les funérailles de Luce, On me l’a enlevée) aux crayons, il en donne une magnifique et bouleversante signification.
Le Beau Voyage - Springer/Zidrou - Dargaud
Un album à lire et à offrir, pour faire un beau voyage. Et qui sait, peut-être, un album qui aidera à trouver « la force de vider et nettoyer sa piscine, puis de la remplir d’une eau fraiche et cristalinne. »
Le Beau Voyage - Springer/Zidrou - Dargaud
Le Client - Man/Zidrou - Dargaud
Post-Scriptum : un nouvel album de Zidrou vient de paraître, Le Client, avec l’espagnol Man, Manolo Carot (Mia, En sautant dans le vide) aux dessins.
Une histoire dans le milieu de la prostitution en Espagne (là même où vit Zidrou depuis quelques années), une histoire comme on aime à croire qu’elle puisse arriver, aussi incroyable puisse-t-elle être. Celle d’un client amoureux, qui réussit à extraire son « ange déchu » de cet univers. Un récit bien mené avec des dessins fluides.
Dans l’atelier Manjari de Paris 11e, un vent nouveau souffle sur le manfra. Le manga à la française, comme nous avons pris l’habitude d’appeler cette BD hybride depuis 2005, renaît avec l’expérience Lastman. Cette série pourrait bien réussir là où les autres tentatives avaient échouées. Derrière la tablette graphique (exit la gomme et le crayon), pas un auteur, mais un trio : Balak, Michaël Sanlaville & Bastien Vivès.
Des trois, Bastien Vivès est le plus connu du grand public depuis ses multiples succès en solitaire ou en groupe, du Goût du Chlore à Polina, et jusqu’au récent La grande Odalisque. Comme pour ce dernier album multiprimé, l’artiste, en perpétuelle évolution, tente l’expérience du travail à 6 mains, mais cette fois-ci en atelier selon la méthode japonaise.
Lastman de Balak, Vivès & Sanlaville - KSTR
Depuis le 11e ardt de Paris, la triplette détourne avec humour leur aventure façon télé-réalité, à suivre en ligne. Des coulisses qui révèlent comment produire les centaines de planches nécessaires en un temps record pour suivre le rythme imposé par les mangakas des titres phares comme Naruto ou One Piece plébiscités par les amateurs.
Balak (Lord of Burger) s’occupe du story-board et du découpage des planches, alors que Michaël Sanlaville (Le Fléau vert, Rocher rouge et Hollywood Jan) se partage le dessin avec Bastien Vivès, qui dirige aussi l’écriture. Objectif : exécuter un chapitre, soit vingt planches par semaine qui ont été prépubliées sur le site Delitoon. Et c’est la seconde clé du succès potentiel. Après déjà plus de 120 000 vues sur le net, le tome en version papier se vend maintenant très bien en librairie : l’ impression initiale de 30 000 exemplaires est déjà augmentée de 10 000 albums.
Lastman de Balak, Vivès & Sanlaville - KSTR
L’histoire est simple : celle d’un gamin de 12 ans qui rêve de participer au tournoi annuel de combat organisé dans une ville indéterminée, à une époque qui ressemble à celle du Moyen-Age. Sans partenaire, il se retrouve à faire équipe avec un homme solitaire de passage, une brute plus attirée par les femmes et l’argent que par la défense d’un garçonnet dont tous se moquent. Le regard de cet étranger changera avec la découverte du personnage féminin central, la jolie mère de l’enfant.
Lastman de Balak, Vivès & Sanlaville - KSTR
Un simplisme assumé, comme la rapidité des dessins produits – le copié-collé de certaines cases pourrait agacer les plus exigeants – pour une aventure au long cours sur 12 à 58 tomes comme les shônen, les mangas destinés aux ados (comme Dragon Ballou Yu-Gi-Oh!).
Les auteurs promettent d’apporter de la profondeur dans les prochains albums, avec le développement de la relation mère fils, de la notion d’apprentissage … Ce premier tome se lit avec un plaisir accrocheur; le lien avec les personnages est immédiat, l’humour présent jusque dans les scènes de combat, comme l’apparition des mentons des frères Bogdanov, armes redoutables. Cette nouvelle série pourrait bien se révéler créatrice de nouvelles oeuvres originales, mi-européennes, mi-asiatiques : le 9e art n’a plus de frontières !
Fred de son vrai nom Frédéric Othon Aristidès - Dargaud
Les éditions Dargaud nous font part du décès de Fred, Othon Aristidès, hier soir à l’âge de 82 ans. Il était depuis plus de 60 ans l’un des plus grands artistes, un créateur et un poète hors du commun. Aujourd’hui, l’ensemble de la bande dessinée est en deuil. Les éditions Dargaud, ainsi que tous les auteurs, s’associent à l’immense tristesse de sa famille.
Celui qui vivait à Paris venait de publier le dernier album de sa série la plus connue Le Train où vont les choses, le tome 16 de Philémon.
En mars et avril 2011, la galerie Martel, à Paris, a présenté une grande exposition consacrée à ce monstre sacré de la bande dessinée, Fred. Le père de « Philémon » et du « Corbac au basket » nous plonge dans un univers enchanté, qui a bercé les jeunes années de millions de personnes. Parmi ses amis, le dessinateur Bilal et Thomas Dutronc qu’il a connu enfant quand il écrivait des chansons avec son père Jacques Dutronc, comme Le fond de l’air est frais.
Pour revoir le reportage de France Télévisions :
Voici sa biographie publiée par Dargaud. Une autre façon de la découvrir est de picorer au hasard dans son oeuvre : chaque planche a bien souvent un lien avec sa vie…
Othon Aristidès, dit Fred, naît le 5 mars 1931 à Paris. Tout môme, il remplit des cahiers entiers de bandes dessinées bourrées de « fôtes d’ortografe ». Il publie son premier dessin humoristique dans le courrier des lecteurs d’un journal pour enfants. Un peu plus tard, il fait ses premiers pas vers l’absurde, l’envers du décor et le dérapage contrôlé en dévorant Edgar Poe, Charles Dickens et Oscar Wilde.
Fred - editions Dargaud
Vers 18 ans, il fait timidement le tour des rédactions. À sa grande fierté, il finit par placer un dessin à Ici-Paris ; à sa grande déception, sa signature est coupée. À son retour de l’armée, il dessine pour France Dimanche,Paris Match, Le Hérisson et Quartier latin, un modeste journal vendu à la sauvette par Georges Bernier, connu plus tard sous le nom de Professeur Choron. C’est avec le même Georges Bernier et François Cavanna (rencontré à Ici-Paris) que Fred crée Hara-Kiri en septembre 1960. Promu directeur artistique, il exécute les soixante premières couvertures, touche un peu à tout, s’aperçoit qu’il aime bien écrire, et revient à la bande dessinée avec Les Petits Métiers, Le Manu-Manu, Tarsinge, l’homme Zan et Le Petit Cirque.
En 1966, après six mois de labeur, il propose quinze planches d’une nouvelle histoire au journal Spirou, qui les refuse : le dessin n’est pas bon, l’histoire non plus… À la lecture des mêmes planches, René Goscinny, alors rédacteur en chef de Pilote, s’enthousiasme et publie La Clairière des trois hiboux, premier épisode des aventures de Philémon. Mais cette fois-ci, ce sont les lecteurs qui n’apprécient pas le dessin. Fred décide donc de s’en tenir à l’écriture ; il propose toute une série de scénarios qui seront mis en images par d’autres – ce qui ne l’amuse pas du tout… sauf quand il imagine Time is Money pour Alexis. Et puis il commence à ruminer dans ses moustaches l’idée d’envoyer Philémon sur les lettres de l’océan Atlantique – idée qui lui est venue dans son bain : où va-t-on quand on se laisse aspirer par le tourbillon de la baignoire qui se vide ? (Fred trouve toujours ses idées dans son bain. Quand l’idée ne vient pas, il prend cinq bains par jour ; il est donc très propre…) Il écrit le scénario, le fait lire à Goscinny et déclare assez fermement qu’il veut le dessiner lui-même. Goscinny accepte, et la grande aventure de Philémon, dont le quinzième album paraîtra en 1987, commence.
Dans les années 1970, tout le monde s’arrache Pilote, même Jacques Dutronc qui demande à Fred de lui écrire des chansons. Fred tente le coup avec une fraîcheur absolue, à l’instinct : Le fond de l’air est frais entre très vite au hit-parade. Devenus copains, ils composent ensemble deux livres-disques pour enfants : La Voiture du clair de lune et Le Sceptre. En 1993, après quelques expériences autoéditées, dont le magnifique Magic Palace hôtel, Fred imagine pour l’imagerie Pellerin d’Épinal La Magique Lanterne magique, puis pour Futuropolis un superbe portfolio intitulé Manège. C’est alors que Le Matin de Paris lui offre une pleine page hebdomadaire qu’il occupe avec Le Journal de Jules Renard lu par Fred, une histoire qui sera publiée en 1988 chez Flammarion.
En 1991, Fred signe trente-cinq scénarios de courts-métrages, réalisés, entre autres, par Daniel Vigne (Le Retour de Martin Guerre), Jacques Ruffio et Gérard Zingg. Tournés en trente-cinq millimètres dans des conditions extrêmement luxueuses – pour deux minutes de pellicule, ils partent par exemple à trente personnes dans le désert avec des Land Rover –, courts films sont des merveilles de poésie et d’humour. Pris au jeu, Fred signe ensuite pour Gérard Zingg le scénario d’un long-métrage, L’Autobus de la haine. Le projet est malheureusement abandonné.
Le petit Cirque de Fred - Dargaud
Après Philémon – réédité en trois gros volumes dans une édition millésimée en mars 2011 – , Fred explore d’autres univers et signe plusieurs albums considérés (à juste titre) comme des chefs-d’œuvre : L’Histoire du corbac aux baskets, L’Histoire de la dernière image et L’Histoire du conteur électrique. À la fin de l’année 2010, Dargaud regroupe d’ailleurs ces trois albums dans un coffret, auquel est ajoutée l’Histoire du Magic Palace hôtel, pour la première fois mise en couleurs !Deux recueils de dessins d’humour – Le Noir, la couleur et lavis et Fredissimo – voient également le jour. Mais Fred se fait rare ; il se prête pourtant au jeu de la confidence dans une rubrique régulière, « Un magnéto dans l’assiette de Fred », publiée dans La Lettre (l’officiel de la BD). Cet auteur majeur de la bande dessinée a tant de choses à raconter que Dargaud lui consacre une biographie ; l’ouvrage, intitulé L’Histoire d’un conteur éclectique, sort au mois de mars 2011.
Rédigée par Marie-Ange Guillaume, cette monographie de deux cents pages rassemble de nombreux documents inédits, dont les toutes premières pages du prochain Philémon, un épisode auquel Fred travaille depuis plusieurs années. En attendant la sortie de ce nouvel album, Dargaud réédite toute la série sous la forme de trois intégrales, mais présente aussi une nouvelle édition du superbe Petit Cirque. Cette version, remasterisée à partir des originaux et agrémentée de quatre pages supplémentaires, paraît en janvier 2012, à l’occasion de la grande exposition rétrospective que le festival d’Angoulême consacre à Fred. En février 2013, Fred publie son dernier Philémon, Le train où vont les choses, le tome 16 de la série qu’il avait commencée vingt-cinq ans plus tôt.
Mais l’aventure n’est pas finie : le producteur Roger Frappier travaille en ce moment à l’adaptation cinématographique de la série, ce que l’auteur avait, jusqu’à présent, toujours refusé. En mai 2013 paraîtra Un magnéto dans l’assiette de Fred, un recueil de l’ensemble des entretiens présentés dans La Lettre.
Le petit Cirque de Fred - Dargaud
Fred fait partie des géants de la bande dessinée et a influencé toute une génération d’auteurs. Dans chacune de ses œuvres – de Philémon au Petit Cirque – l’auteur accomplit un numéro de funambule dans lequel son génie éblouit. Son langage résolument novateur, son inventivité, son imagination foisonnante ont ouvert une nouvelle voie à la bande dessinée.
Philémon - Le Train où vont les choses - Fred/Dargaud"
« Si le train où vont les choses est immobilisé, les choses ne vont plus où elles devraient aller ! »
La métaphore est belle, autant que l’imaginaire de son dessinateur. Voilà 26 ans que le parisien Fred avait mis sur pause les aventures de Philémon. Un quart de siècle sans nouvelle du héros au pull rayé et enfin son ultime histoire arrive en gare.
Depuis 1965, Philémon, le héros lunaire, a passé sa vie dans le monde des lettres, celles de l’ O C E A N A T L A N T I Q U E, qui sont autant d’îles autonomes dans un monde avec deux soleils. L’auteur raconte que l’idée lui vint en s’évadant dans la contemplation des cartes de géographie qui ornaient les salles de classe de son enfance. Avec une tendresse rêveuse et une poésie psychédélique, Philémon, au fil des albums, a surmonté une à une les épreuves depuis sa chute au fond d’un puits, première étape de son aventure.
Un puits sans fond que le dessinateur connait trop bien. Quinze albums, un par lettre de l’ O C E A N A T L A N T I Q U E. Le cycle semblait achevé après Le Diable de Peintre, paru en 1987. Pourtant Fred avait dessiné depuis vingt premières pages d’un seizième tome, jamais terminé car il a cumulé les épreuves comme le suggère avec subtilité sa biographe Marie-Ange Guillaume, qui signe une préface pour cet ultime album : « quelques problémes de santé l’ont fait dévier (coté âme) ce qui nous a donné l’extraordinaire Histoire du Corbac aux Baskets (à relire pour en savoir plus) … et puis d’autres problèmes de santé sont venus se greffer (coté corps) et Philémon à continué d’attendre ». Il revient avec une loco à pattes, la Lokoapattes qui carbure à la vapeur d’imagination et tire le train où vont les choses. La machine s’est embourbée à l’image de son dessinateur, faute de nouvelles idées. Il lui est aussi impossible de retourner dans le tunnel imaginaire, l’entrée est perdue, et gare, l’araignée du matin y a tissé sa toile.
Philémon - Le Train où vont les choses - Fred/Dargaud
Fred - Dargaud
C’est là que, pour retomber sur ses pattes et retourner sur l’île du A de l’océan Atlantique, le dessinateur tire sa révérence sur une boucle en forme de ruban de Möbius, un salto arrière du dessin qui laisse songeur et dubitatif … le fond de l’air est frais, effraie … Bien vite heureusement un désir irrépressible nous saisi de relire l’histoire à son commencement. Cela titillera celles ou ceux qui avaient choisi ce seul ou premier ami (Philemon en grec) . Signe supplémentaire s’il était nécessaire de la pérennité de l’oeuvre de ce drôle de moustachu, la qualité de son dessin demeure du premier à cet ultime album …
Boule et Bill – Un Amour de Cocker – t34 – Dargaud
Un amour de Cocker : deux attitudes possibles face à un tel titre.
Soit vous aimez les animaux et vous avez gardé la nostalgie de vos premières lectures franco-belges. Vous découvrirez alors que le dessinateur Laurent Verron est digne de prendre la succession de Jean Roba. L’ex-assistant du créateur de la série Boule et Bill s’est glissé dans les traces de son maître. L’illusion est parfaite au niveau graphique et l’esprit des gags originaux conservé par les scénaristes Pierre Veys et Cric, aidés de Diego Aranega.
Soit vous êtes allergique aux opérations commerciales bien orchestrées et vous n’irez pas voir le film sorti sur les écrans ce mois ci. Une consécration cinématographique que Jean Roba n’aura pas vu, il est décédé en 2006.
Jean Roba - Dargaud
Ce 34e album de la série reprend les codes du cinéma avec un humour grand public et familial. Une BD qui plaira sans nul doute aux plus jeunes de vos enfants.
Spirou et Fantasio – Dans les Griffes de la Vipère – t53 – Dupuis
Crise de la presse oblige, le Journal de Spirou va mal et il vient de perdre un procès. Inscrit dans l’actualité, le scénario de cette nouvelle aventure donne du sens à l’habituelle course poursuite du sympathique héros. Lorsque le journal est renfloué par un mystérieux investisseur VIPER, Spirou ne s’appartient plus à lui-même. Sa quête pour reconquérir sa liberté permet de retrouver des personnages qui l’ont déjà aidé depuis 75 ans : Seccotine, le maire et le comte de Champignac.
Une bonne idée des auteurs Yoann et Fabien Velhmann (Green Manor et Seuls). Après avoir affûté leurs crayons sur le 1er tome de la série parallèle Le Spirou de …, les deux compères réussissent à donner un souffle nouveau à la série originale à leur 3ème tentative (Alerte aux Zorkons, La Face Cachée du Z). Une modernisation du style tout en respectant une certaine tradition mise en place par Franquin, tel est le point d’équilibre que semble avoir enfin trouvé ce nouveau duo, pour perpétuer le plaisir de lire les aventures du célèbre groom.
Spirou et Fantasio t53 - Dupuis
Même si le dénouement de l’histoire est bien trop rapide (Ah la contrainte des 48 pages !!!), ce nouvel opus reste un album de qualité avec une couverture surprenante, à acheter et à offrir à tous, en attendant la suite déjà annoncée à la fin en guise de « à suivre » …
La Véritable Histoire de Spirou - Dupuis
Pour le plaisir, les nostalgiques comme ceux qui souhaitent retourner au code source de La Véritable Histoire de Spirou et de son journal, il y a 75 ans du coté de Charleroi en Belgique, Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault ont réalisé une enquête fouillée et richement documentée sur 312 pages à partir des archives de l’entreprise familiale Jean Dupuis.
Vous en saurez plus sur son créateur Rob-Vel, de son vrai nom Robert Velter, et comment, dans les années 20, il a eu l’idée de ce personnage quand il était lui-même groom sur de grands paquebot, le transatlantique Ile-de-France notamment où ceux qui apportaient les messages et cigarettes aux passagers étaient vêtus de rouge.
Des gags en 3 cases : l’essence du strip. Un format qui convient bien à Nelson, ce diablotin orange, compagnon de Julie, une jeune trentenaire aussi perdue que son loustic est excité. Pour avoir volé au bureau un rouleau de papier toilette, elle a été condamnée à vivre avec ce diable immature et farceur, qui ne pense qu’à remplir sa panse… Les qualificatifs manquent en fait pour décrire cette mini calamité ambulante… Bêtises et galères sont les deux ressorts de l’humour du suisse Christophe Bertschy.
Au départ publié dans le journal helvète Le Matin, donc pour un public plutôt adulte, c’est en étant édité par les éditions Dupuis, que Nelson est devenu tout public.
Nelson t13 - Mini Cataclysme - Dupuis
Ce 13e album ne décevra pas les fans qui retrouveront le naïf labrador Floyd, souffre douleur de Nelson ainsi que Stupidon, une version drôle et stupide de Cupidon. Les nombreuses références cinématographiques et littéraires permettent un plaisir de lecture pour tous. A l’instar du diable, le comique se cache aussi dans les détails.