05 Mar

De la guerre civile à la dictature : l’Espagne dans la tourmente

Avec la Seconde Guerre mondiale, la guerre d’Espagne fait partie des thématiques prisées dans le neuvième art depuis quelques années. En voici une nouvelle démonstration avec ces deux albums – dont une réédition – parus aux éditions Dupuis. De la guerre civile à la mort de Franco, deux destins, deux histoires humaines au cœur de la grande histoire…

Montpellier, un jour de novembre 1975. Angelita reçoit un appel de son beau-père. Sa mère a fait une crise cardiaque et est hospitalisée à Barcelone. Alors que tout le monde la croyait en Auvergne ! Pourquoi Barcelone, elle qui s’était jurée de ne plus mettre les pieds en Espagne tant que Franco serait vivant ? Mystère ! Angelita est la fille de réfugiés espagnols arrivés en France en 1939. Sa mère et elle ont depuis refait leur vie, son père est mort en déportation, du moins le pensait-elle jusqu’à ce jour…

Inspiré par le propre passé familial du dessinateur Eduard Torrents, Le Convoi nous plonge au cœur des années noires, depuis la guerre civile espagnole jusqu’à la Seconde Guerre mondiale en passant par ce qu’on appelle la retirada, l’exode de près de 500 000 républicains espagnols vers le territoire français à compter de décembre 1938, des réfugiés entassés dans des camps souvent improvisés avant d’être, pour certains, déportés dans les camps de concentration nazis. Dans ce contexte fort et douloureux, Eduard Torrents et Denis Lapière développent une très belle histoire de famille. Initialement publié en deux volumes, en mars et avril 2013, Le convoi est aujourd’hui réédité en intégrale, augmentée d’un dossier historique réalisé par la spécialiste du genre, Christelle Pissavy-Yvernault. Captivant de bout en bout !

Le Convoi, de Torrents et Lapière. Dupuis. 27,95€

© Dupuis / Torrents & Lapière

Pour cet autre album, inédit celui-ci, Eduard Torrents et Denis Lapière sont rejoints par Gani Jakupi, Martín Pardo et Rubén Pellejero, deux scénaristes et trois dessinateurs, rien que ça, pour ce qui devait être à l’origine une saga en six volumes et n’est au final qu’un one shot de 148 pages, Rubén Pellejero étant entre-temps parti sur les aventures de Corto Maltese. Mais peu importe la quantité pourvu qu’on ait la qualité. Et de ce côté-là, pas de souci, Barcelona, âme noire est un petit bijou de fiction qui prend vie au cœur lui aussi des années noires espagnoles.

Au centre de tout, Carlitos, un jeune orphelin de Barcelone, dont la mère a été tuée dans un bombardement pendant la guerre d’Espagne et le père, tueur en série, éliminé par la police de Franco. Recueilli et protégé par un riche ami de la famille, Carlitos fait ses armes dans le marché noir et devient don Carlos, un industriel mais surtout le maître de la pègre barcelonaise sous la dictature franquiste. Jusqu’à ce que tout s’arrête…

Plus que le destin d’un homme, Barcelona, âme noire raconte une ville, un pays, un monde, dans la tourmente, quatre décennies d’histoire, un récit dynamique et intense porté par un graphisme et des décors somptueux, des personnages de caractère et un cadre historique terriblement dramatique mais forcément passionnant !

Barcelona, âme noire, de Jakupi, Lapière, Pardo, Pellejero et Torrents. Dupuis. 27,95€

© Dupuis / Pellejero, Torrents, Pardo, Lapière & Jakupi

Eric Guillaud