Dans un décor de fin du monde, des enfants tentent de survivre tout en découvrant leur vraie nature… et le prix qu’ils vont devoir payer pour l’accepter complètement. Malgré un cadre a priori vu et revu, le scénariste Jeff Lemire réussit à imposer sa patte avec un récit à la fois minimaliste et mystique.
Un monde en ruine, ravagé par on ne sait quelle catastrophe et aujourd’hui peuplé uniquement de fantômes. Des enfants laissés pour compte, se débrouillant comme ils peuvent. Un noir et blanc classieux, où les seules traces de couleur sont rouges, rouges comme le sang des rares survivants de ce monde post-apocalyptique lorsqu’ils se font dévorer par ces enfants faussement innocents dormant le jour et vivant la nuit. Des vampires. Tous n’acceptent pas forcément leur destin mais tous attendent le retour de l’Ancien, qui a promis de revenir les chercher. Jusqu’au jour où l’un d’eux goûte, enfin, au sang humain…
Ces images-là, on les connaît. La désolation régnant partout et les vestiges d’un monde qui a vécu où des auteurs s’amusent à pervertir l’image de l’innocence même, des enfants, pour plus nous plonger dans l’horreur. De Sa Majesté Des Mouches publié en 1954 à certains personnages de la série The Walking Dead, le procédé est connu. Sauf qu’aux manettes de ce premier volume, on retrouve le dessinateur Dustin Nguyen et surtout le scénariste Jeff Lemire, soit le duo déjà derrière le très réussi pavé de SF Descender.
Bien sûr, comme premier volet d’une série, celui-ci sert avant tout d’introduction, permettant de poser un à un les personnages et les décors. Mais il fait sans jamais se presser. Or même si on voit assez arriver le twist attendu autour de la vraie nature des personnages, toute la force de Lemire est de prendre son temps pour humaniser ces ‘petits monstres’, d’où le titre.
À travers divers flashbacks et des présentations individuelles, on ne voit plus forcément ici des buveurs de sang mais des enfants abandonnés dans un monde hostile et gris, recherchant à tout prix une nouvelle famille mais aussi leur place. Le tout donne un récit mélancolique, aussi bien sur le plan graphique que scénaristique. L’atmosphère y est crépusculaire et hivernale, traversée par des flashs de violence froide saisissants. Et malgré une fin trop abrupte (le second volume est attendu pour la rentrée), Little Monsters réussi l’exploit de mélanger vigoureusement deux univers, post-apocalyptique et vampirique, tout en les dépoussiérant au passage.
Olivier Badin
Little Monsters, tome 1 de Jeff Lemire et Dustin Nguyen. Urban Comics. 10 €.