Avec sa bouille et ses lunettes rondes, ses trois poils sur le caillou en guise de chevelure, Théodore Poussin est devenu l’archétype du héros malgré lui. Embarqué sur un bateau à Dunkerque il y a maintenant une paire d’années, 39 pour être tout à fait précis, il nous revient dans une quatorzième aventure insulaire pleine de révélations…
Les héros ne meurent jamais ! Les anti-héros non plus, à en croire la longévité de celui-ci. Trente-cinq ans d’aventures pour 14 albums seulement diront les mauvaises langues, oui mais 14 albums qui en valent 100 ou même 1000 car Théodore Poussin est un personnage unique et ses aventures se méritent.
Certes, il nous aura fallu attendre plus de dix ans entre le 12e et 13e volet, c’est beaucoup, mais à peine cinq entre le 13e et 14e, juste un moment nécessaire pour nous lecteurs de rêver la suite, une suite, un chemin forcément différent de ce qu’il allait finalement être sous le crayon et la plume du génial Frank Le Gall.
Et ce chemin là nous emmène à l’autre bout du monde, du côté de la mer de Chine où on retrouve Théodore Poussin, bien vivant, tel qu’il avait promis de l’être dans la dernière case du Dernier voyage de l’Amok paru en 2018. Bien vivant et en charmante compagnie.
Après avoir repris son île et sa cocoteraie au capitaine Crabb et à sa horde de pirates, Théodore Poussin se la joue « repos du guerrier » dans les bras de la ravissante Aro Satoe, ex-mannequin devenue par le plus grand des mystères trafiquante d’armes. Le calme avant la tempête car notre employé de bureau devenu aventurier est à la fois recherché par les autorités de Singapour et l’armée britannique pour actes de piraterie…
On présente souvent Théodore Poussin comme un fameux mélange de Tintin et de Corto Maltese. Il y a de ça, c’est certain, l’aventure, le monde marin, les pirates, tout ça, tout ça… mais avec le temps, avec l’âge, notre anti-héros national, ou non-héros comme le définissait l’auteur lui-même lors d’une interview à retrouver ici, a pris de la rondeur dans le trait et du caractère dans le fond, devenant un personnage à part entière, reconnaissable entre tous dans la profusion de héros que nous offre aujourd’hui le neuvième art avec des aventures au long cours iodées, romanesques, romantiques et poétiques.
Un bonheur ! Un bonheur qui fêtera en 2024 ses quarante ans avec, dit-on dans les milieux autorisés, un beau livre concocté par les éditions Dupuis. Certains l’imaginaient mort et enterré mais non, Théodore Poussin est plus que jamais en vie, prêt pour nombreuses aventures…
Eric Guillaud
Aro Satoe, Théodore Poussin tome 14, de Frank Le Gall. Dupuis. 16,50€