À priori, les mangas et les héros Marvel ne sont pas faits pour cohabiter. À priori. Sauf lorsqu’on s’appelle Deadpool et que de toutes façons, que cela soit face à des super-méchants en plein cœur de New York ou au Japon aux côtés d’une star de télé-crochet, on n’en fait qu’à sa tête…
Deux systèmes de valeurs, deux types de narration et surtout, deux styles graphiques différents. Non vraiment, sur le papier, on ne voyait pas comment les mangas avec leurs personnages stéréotypés aux grands yeux et aux expressions surjouées pouvaient s’accorder avec la norme comics américaine, beaucoup plus ancrée dans le réel et plus sombre. D’ailleurs, on grimace d’abord ici franchement un peu lorsqu’on croise (brièvement) dans ce premier tome (sur deux) les personnages de Captain America, Loki ou encore du docteur Bruce Banners (alias Hulk) méconnaissables et ressemblant désormais aux héros de dessins animés qui occupaient nos mercredi après-midi dans les années 80. Sauf que le vrai coup de génie de cette OPA de la Maison des Idées sur le marché asiatique est d’avoir choisi le très déglingué Deadpool en guise de figure centrale. Et contre toute attente, ça marche.
Déjà, d’une façon purement pratique, il ne se défait ici jamais une seule fois de son masque, pirouette qui lui permet de voir son visage refait à la sauce manga. Autre énorme avantage apporté par le anti-héros : en plus de son humour foutraque, il a pour habitude de briser régulièrement et d’une façon complètement décomplexée le quatrième mur. C’est-à-dire qu’il s’adresse souvent directement aux lecteurs, tout en vannant les autres protagonistes de l’histoire, le scénariste ou même la maison d’édition. Pirouette qui rend non seulement le tout très drôle mais qui, en plus, lui permet de sortir de ses rails et donc de ne pas trop donner l’impression de vouloir à tout prix dans une case sinon trop contraignante pour lui.
Surtout que le scénario est ici volontairement simpliste, une succession de scénettes où le ‘mercenaire disert’ (surnom qu’il a gagné à force de déblatérer sur tout, tout le temps) est surtout là pour en faire des caisses. Et souvent au détriment de ses compagnons du jour – une jeune chanteuse vivant, à l’instar de Venom, avec un symbiote extra-terrestre dévorant tout sur son passage, ou Sakura Spider, sorte de Spider-Woman locale. Le résultat est bourré de clins d’œil – autant du côté des super-héros que des célèbres anime japonais comme Dragonball Z – quitte à parfois perdre le fil. Mais c’est quand même drôle, très drôle même et complètement survolté. Et même dans ce petit format en noir et blanc, Deadpool Samurai se révèle être une bonne tentative (réussie) de convertir les fans de MARVEL aux joies du manga.
Olivier Badin
Deadpool Samurai, de Sanshiro Kasama et Hikaru Uesugi. Marvel/Panini Comics. 7,29€