27 Avr

Ultraman, le super-héros intergalactique japonais de retour en BD

Avant Bioman, Ultraman a envahi dès les années 60 les petits écrans japonais, pionnier d’un genre depuis devenu très codifié, les tokusatu – abréviation des mots ‘effets spéciaux’ en japonais. À l’occasion de sa résurrection en animé, une nouvelle adaptation BD tente le grand écart entre nostalgie et nouveauté.

Il faut être né dans la seconde moitié des années 70 pour avoir connu ça : San Ku Kaï (avec son générique en partie écrit par Didier Barbelivien !), X Or, Bioman… Autant de séries japonaises aujourd’hui délicieusement kitsch et donc complètement cultes ont alors déferlé sur les écrans français au début des années 80 avec toujours plus ou moins le même postulat : un super-héros au costume bariolé parfois aidé par des extra-terrestres bienveillants, des monstres de plastiques tout méchants (‘kaijû’ en japonais) et, invariablement, un combat final au corps au corps plein de pétards au milieu d’un Tokyo de carton-pâte ou dans une carrière désaffectée…

Or ce que les petites têtes blondes ne savaient pas alors, c’est que le premier à avoir défendu la veuve et l’orphelin à coups de rayons laser piou-piou et foutu la pâtée à des gros lézards verdâtres s’appelait Ultra-Man. Création du réalisateur Eiji Tsuburaya, déjà à l’origine de Godzilla en 1954, cette série a été diffusée entre 1966 et 1967 au pays du soleil levant. Bien qu’elle ait précédé à un autre série du même auteur (Ultra Q) avec déjà plein de monstres dedans, elle fut la première à mettre en scène un héros récurrent. Allez jeter un coup d’œil sur youtube, vous y retrouverez d’ailleurs certains épisodes (dont le premier) en VF car elle a été diffusée au Canada (mais pas en France). Même si Tsuburaya est décédé en 1970, son héritage a été très bien géré et le héros a eu droit à plein de nouvelles incarnations depuis les années 60, maintenant ainsi une popularité qui n’a jamais faibli au Japon et parmi les fans de mangas.

© Marvel/Panini Comics / Kyle Higgins, Mat Groom, Francesco Manna et Espen Grundetjern

Justement, la deuxième saison d’un nouveau portage de la saga en animé sur un célèbre site de streaming américain est disponible depuis ce mois-ci. L’occasion étant trop belle, Marvel a donc décidé de mettre en branle son pendant comics en essayant de marcher sur la très fine frontière entre respect de la série d’origine et innovation. Ce premier volume en français réunissant les cinq premiers épisodes de cette série lancée aux USA en 2020 en porte d’ailleurs les marques.

Oui, on sait, l’équation ‘mec en costume’ plus ‘grosses tatanes’ plus ‘monstres en plastoc’, cela fait très cheap sur le papier. Mais c’est justement ce côté quasiment régressif qui donnait tout son charme à la série originale – ça plus le côté très 60’s à la Thunderbirds.

Or en essayant d’intellectualiser entre guillemets à tout prix le propos et de donner une explication scientifique à tout – par exemple si la Terre est envahie par des ‘kaijü’ venus d’une autre dimension, c’est qu’ils sont attirés par l’énergie négative dégagée par les êtres humains – on se retrouve avec des pages entières de dialogues un peu abscons, obligeant le novice à s’accrocher, trop même.

© Marvel/Panini Comics / Kyle Higgins, Mat Groom, Francesco Manna et Espen Grundetjern

Ce qui est un peu dommage car en recentrant l’intrigue autour d’un duo homme/femme et en ayant choisi le jeune et très dynamique Francesco Manna (Amazing Spider-Man) aux dessins, les auteurs ont réussi à moderniser en quelque sorte la série sans la dénaturer. Surtout qu’ils ont intelligemment choisi de conserver l’action au Japon et, donc, des personnages japonais. Sans compter que parmi les quelques bonus présents dans cette édition (dont une biographie de Tsuburaya), on retrouve une petite aventure en simili-noir et blanc en forme de clin d’œil à Ultra Q et dont l’action se déroule sur les quais à Paris, preuve d’une vraie volonté de ‘bien faire’. 

Ce premier volume essuie donc un peu les plâtres, avec cette obligation de ‘poser’ l’univers comme on dit, quitte à en laisser quelques-uns sur le bas-côté avec son côté rébarbatif. Mais cela reste malgré tout pour moins de vingt euros une bonne porte d’entrée sur ce héros encore trop confidentiel en France, aussi bien pour les fans de mangas que pour les amateurs de science-fiction à l’ancienne.

Olivier Badin

Ultraman de Kyle Higgins, Mat Groom, Francesco Manna et Espen Grundetjern. Marvel/Panini Comics. 18 .