Chez les super-héros, il y a toujours eu des super-méchants (forcément). Mais maintenant, il y a des super-super-méchants. Effrayants, sadiques, surpuissants et carrément flippants. Dont Carnage, monstre peu connu du public français mais ici mis à l’honneur à l’occasion de sa première apparition cinématographique.
Maintenant que le géant Marvel a au cinéma quelques sagas bien établies (Spiderman, Avengers…) mais aussi sur le petit écran (Loki, Wanda Vision), il a désormais les coudées franches et peut se permettre de tenter des ‘coups’, quitte à se planter. Même en cherchant bien, vous aurez par exemple du mal à trouver un spectateur ayant vu l’adaptation ciné des nouveaux Mutants par exemple mais bon, ils retentent ici leur chance avec un personnage a priori mineur de la mythologie maison. Sur les écrans depuis le 20 Octobre dernier, Venom : Let There Be Carnage est donc non seulement le deuxième film tournant autour de l’antihéros Venom mais aussi le premier à faire entrer dans la danse Carnage, son demi-frère en quelque sorte et l’un des méchants les plus sadiques jamais engendrés par la Maison des Idées. Cela valait donc bien quelques petites rééditions et sorties opportunes, histoire que le public français se souvienne à qui il a affaire.
Déjà, commençons par le commencement, c’est-à-dire par Venom lui-même. Â la base, tout est parti du premier gros crossover de Marvel au milieu des années 80, ces fameuses Guerres Secrètes où, transportés dans un lointain univers, toute une ribambelle de héros et de super-méchants s’écharpaient sous l’œil amusé du Beyonder, être omniscient. Spiderman était de la partie bien sûr et vu que la série était alors en perte de vitesse, ses créateurs en avaient profité pour lui refiler un nouveau costume plus ‘seyant’ noir et blanc, lui offrant aussi au passage des pouvoirs supplémentaires. Sauf qu’avec le temps, cette nouvelle enveloppe s’être révélée être une entité extra-terrestre vivant en symbiose avec son hôte pour mieux le ronger de l’intérieur, comme une sorte de super parasite. Lorsque Spiderman réussit enfin à s’en débarrasser, la bestiole jette alors son dévolu sur un journaliste raté du nom d’Eddie Brock. Ensemble, ils deviennent Venom, reflet hypertrophié et toutes dents acérées de son modèle. Le seul but sur terre de ce monstre schizophrénique parlant toujours de lui-même à la première personne du pluriel ? Tuer le monte-en-l’air.
Une confrontation qui donne lieu à quantité d’aventures, jusqu’à ce que Brock se retrouve finalement sous les verrous. C’est en prison qu’il rencontre alors un dangereux tueur-en-série, Cletus Kasady. Infecté à son tour, Kasady devient une espèce de démon à l’agressivité décuplée du nom de Carnage. Voilà. Oui, on sait, niveau pitch on a déjà fait largement plus inspiré mais au final, cette volonté d’aller droit au but et de ne pas donner de grandes explications sur les motivations de ce méchant XXL leur a permis de concentrer leurs efforts sur ces exactions. Et c’es là où Carnage, beaucoup plus que son ‘papa’ Venom en somme, tranche avec ses collègues.
Pour faire simple, Marvel n’avait jamais fait avant, ou depuis, de bad guy aussi pervers et violent. Carnage, c’est le monde des super-héros passé en mode Seven. Ou encore le Joker mais sans les vannes et avec plus de rouge dedans. Sorte de vision cauchemardesque de Spiderman et un être uniquement intéressé par la violence et dont l’alter-ego, le dénommé Cletus Kasady, paraît finalement presque fade.
Comme avec chaque sortie de film, l’éditeur Panini a compilé plusieurs de ses apparitions dans Je Suis Carnage, livre ne cachant d’ailleurs pas ses débuts un peu hésitants. Le hasard fait que la même année (1992) Todd McFarlane avait dégainé de son côté Spawn à qui Carnage fait d’abord invariablement penser et la comparaison penche alors clairement du côté du premier (tiens d’ailleurs, qui retrouve t’on d’ailleurs au dessin sur la série Venom au milieu des années 90 si ce n’est McFarlane lui-même ?). Mais rendons à César ce qui lui appartient. Progressivement, le symbiote a pris de l’épaisseur en devenant plus pernicieux, plus complexe, moins caricatural et surtout de plus en plus effrayant. L’ouvrage collectif se termine d’ailleurs par l’histoire d’introduction de l’excellente mini-saga Absolute Carnage : Le Roi Du Sang publiée il y a quelques mois et qui en 2019 a remis les choses à plat. D’abord en faisant revenir sur scène un Eddie Brock désormais passé du côté des bons. Puis en introduisant Knull, dieu des symbiotes et véritable père en quelque sorte de Carnage. Le tout donne une dimension cosmique dantesque à l‘ensemble, parfaitement mise en valeur par le trait de Ryan Stegman. Au point que le ‘Marvel-Verse’, ces livres à petit format et petit prix piochant dans les archives une poignée d’histoire autour du même personnage, consacré à Venom paraît bien gentillet en comparaison. Bref, si vous aimez les bad guys XXL et vous n’avez pas peur de l’hémoglobine…
Olivier Badin
Je Suis Carnage, collectif, 26€. Absolute Carnage : Le Roi Du Sang de Danny Coates et Ryan Stegman, 22€. Marvel-Verse : Venom, collectif, 6,95€. Panini Comics/Marvel.