Et voilà ! Le périple de Nicolas de Crécy et de son cousin Guy s’achève comme prévu en Turquie, du côté d’Antalya sur la côte méditerranéenne. Un troisième volet qui à l’instar des deux premiers, nous parle certes de voyage mais aussi de mémoire…
Une Visa Club en fin de vie, un coffre rempli de livres, des petits rideaux pour l’intimité et un radar 2000 en guise de GPS, on retrouve Nicolas de Crécy et son cousin Guy dans leur conquête de l’Est, un peu comme un remake de la croisière Citroën, mais avec la mémoire pour carburant.
Toute cette histoire a commencé au fond d’un jardin en région parisienne en 1986, le jardin d’un oncle où rouille doucement une Citroën Visa Club en fin de vie. Une épave. Plutôt que de l’emmener à la casse, Nicolas de Crécy et son cousin décident de la mettre à l’épreuve. Ils changent les bougies, l’essuie-glace, les feux arrière, les câbles de freins et direction l’est, le plus loin possible, la Turquie en ligne de mire, Istanbul au moins, Ankara peut-être et au-delà si affinités.
Et ils y parviennent en Turquie, à Istanbul d’abord qu’ils fuient très rapidement, à Ankara ensuite où Guy retrouve pour quelques heures sa douce et tendre venue rejoindre ses parents expatriés et logés dans un des quartiers chics de la capitale.
Mais l’aventure ne pouvait se terminer dans « une sorte d’enclave française » avec tout le confort nécessaire. En dignes aventuriers, Nicolas et Guy reprennent la route pour aller encore plus loin. Ce sera finalement Antalya leur dernier point de chute, encore quelques centaines de kilomètres, quelques heures de conduite, quelques nuits « pourries » à dormir dehors directement sur le sol ou recroquevillés dans le Visa, et quelques souvenirs qui reviennent à l’esprit de Nicolas comme cette maladie qui lui a été diagnostiquée à 22 ans, une spondylarthrite ankylosante, un nom à dormir debout, une pathologie qui ne se guérit pas mais se soigne. « Je n’avais pas d’autre choix que de m’y habituer ».
Peu adepte des récits réalistes et encore moins des autofictions, Nicolas de Crécy nous offre pourtant ici un récit passionnant de bout en bout en parvenant comme il le dit lui-même à rendre assez fidèlement « ces petits morceaux de vie vieux de 35 ans ». Mais ce récit n’est pas un récit de voyage comme les autres. Pas ou peu de rencontres, pas de visites de monuments, Nicolas et Guy refusent jusqu’au bout de jouer les touristes moyens même s’ils ne résistent pas à un petit plongeon dans la mer à la fin de leur périple.
À travers cette épopée motorisée, l’auteur nous amène à réfléchir sur la problématique de la mémoire, ces instants qu’on imprime à vie, les autres qu’on oublie plus ou moins vite. Il en profite aussi pour nous raconter son enfance, sa jeunesse, un voyage au coeur du passé et de ce qu’il en reste avec une touche de poésie amenée par les multiples apparitions du poète Henri Michaux.
Eric Guillaud
Visa Transit tome 3, de Nicolas de Crécy. Gallimard. 23€