06 Fév

Cahiers Baudelaire d’Yslaire : suite et fin du work in progress

Attention collector ! Les éditions Dupuis viennent de sortir le troisième et dernier volet du work in progress d’un prochain album hommage à Charles Baudelaire signé Yslaire. De quoi nous faire amplement saliver en attendant sa publication dans trois petits mois…

Yslaire et Baudelaire, deux noms qui se marient rudement bien, deux noms connus et reconnus dans leurs arts respectifs à leurs époques respectives et qui se retrouvent associés sur la couverture d’un album de bande dessinée à paraître le 23 avril 2021, à l’occasion du bicentenaire de la naissance du poète.

Trois petits mois à trépigner mais les plus impatients peuvent d’ores et déjà avoir un avant-goût de la chose à travers trois magnifiques cahiers work in progress parus ces derniers mois aux éditions Dupuis. Le troisième vient tout juste de rejoindre les étagères de nos librairies préférées. Quarante huit pages ô combien sublimes, d’esquisses exquises, empreintes du fameux spleen baudelairien et guidées par la Vénus noire, Jeanne Duval, la mystérieuse muse de Baudelaire.

Dans un élan graphique bouillonnant, l’auteur de la mythique série Sambre y dépeint le poète maudit face à ses tourments, face à son génie aussi, un double plongeon au coeur de la création, la poésie et Les Fleurs du mal d’un côtéla bande dessinée et un album en travaux de l’autre.

Tirage limité à 2500 exemplaires, conception hyper soignée, un triptyque envoutant indispensable pour tous les amoureux de Baudelaire et/ou d’Yslaire.

Eric Guillaud

Cahiers Baudelaire, d’Ylslaire. Dupuis. 17,95€ le volume

Mademoiselle Baudelaire, album à paraître le 23 avril 2021

© Dupuis / Yslaire

04 Fév

Nouveauté 2021. Les amants d’Hérouvillle : une histoire un peu folle et complètement rock racontée par Yann le Quellec et Romain Ronzeau

On connaît tous plus ou moins la folle histoire du château d’Hérouville dans le Val d’Oise qui accueillit pour des enregistrements les plus grandes stars du rock dans les années 70. On connait finalement beaucoup moins l’histoire de ses hôtes, du compositeur Michel Magne et de sa femme Marie-Claude, les amants d’Hérouville. La voici…

La musique, ça les connaît et ça les titille. Yann le Quellec et Romain Ronzeau ont déjà collaboré autour d’un album sur l’air guitare, Love is in the air guitare, paru sous pavillon Delcourt en 2011 et aujourd’hui réédité.

Il n’est donc pas surprenant de les retrouver ici, réunis autour de cette histoire, un plongeon dans la mythologie rock avec l’un de ses lieux emblématiques, le château d’Hérouville.

Nous sommes dans les années 70, les studios d’enregistrement résidentiels, qui offrent le gite, le couvert et un supplément d’âme, ne sont pas monnaie courante à travers le monde. Celui-ci connaît très vite une notoriété internationale grâce à la détermination d’un homme, Michel Magne, grâce aussi à son sens de l’accueil et de la fête, grâce à sa générosité sans limite.

Le reste de la légende, ce sont les musiciens qui l’écrivent : Eddy Mitchell, David Bowie, Elton John, Bee Gees, Pink Floyd, Cat Stevens, T. Rex, Jethro Tull, Urah Heep… se succèdent entres ses murs pour enregistrer des albums aujourd’hui mythiques et donner des soirées à jamais gravées dans les annales comme ce fameux concert des Grateful Dead donné devant une centaine de convives dans les jardins du château en remplacement d’un concert que le groupe de rock américain devait donner à Auvers, annulé à cause de la météo.

Dans un bon format de plus de 250 pages, avec des planches colorées, dans un esprit tantôt pop, tantôt psyché, régulièrement agrémentées de photographies, de flash-backs sur la jeunesse et la carrière de Michel Magne, Les Amants d’Hérouville dépeint la folie du lieu et de ses habitants, des années de fête, de musique, d’énergie créative… un lieu de miracles.

Mais avant d’être l’histoire d’un lieu, aussi mythique soit-il, cet album raconte une histoire d’amour, de passion… entre un homme de quarante ans et une jeune femme de seize ans qu’il rencontre sur le bord d’une route de campagne, qu’il prend en autostop et finit par épouser en grande pompe.

Une histoire qui finit mal… forcément. Michel Magne était tout sauf un gestionnaire. Très vite, et malgré ses nombreuses musiques de films, le compositeur croule sous les dettes, les saisies et les regrets éternels. Tout vole en éclat, le studio, la musique, son bonheur… Michel Magne met fin à ses jours, un peu abandonné de tous…

Captivant sur le fond, attrayant par sa forme, Les amants d’Hérouville offre une belle histoire qui enthousiasmera les amoureux de la musique mais pas seulement. En bonus, un dossier réunissant postfaces de Costa-Gavras, Eddy Mitchell, Sempé et Bill Wyman (excusez du peu!), galerie de photos, reproductions d’oeuvres d’art signées Michel Magne, discographie complète et chronologie du château d’Hérouville entre gloire, abandon et renaissance.

Eric Guillaud

Les amants d’Hérouvillle, une histoire vraie, de Le Quellec et Ronzeau. Delcourt. 27,95€ (en librairie le 17 février)

© Delcourt / Le Quellec et Ronzeau

03 Fév

La série Mutafukaz se la joue western et on dit chapeau. Enfin plutôt Stetson !

À la tête de la série-phare de Label 619 et après une tentative de passage sur grand écran qui n’a hélas pas rencontré son public, les deux héros un peu foutraques de Mutafukaz reviennent sur leur côte ouest américaine adorée. Mais cette fois-ci cent trente-cinq ans en l’arrière, à l‘époque de la ruée vers l’or… et des aventures qui vont avec.

En plus de la culture hip-hop et de la société californienne, les deux créateurs de Mutafukaz n’ont jamais caché que l’une de leur grande source d’inspiration était ces fameux ‘buddy movies’ (littéralement, ‘films de potes’) qui ont fait le bonheur des vidéos clubs dans les années 80, vous savez ces paires souvent assorties de deux héros qui, a priori, n’ont rien en commun mais qui finissent quand même (toujours) par se trouver. Si vous ne voyez toujours, rematez vous pour la 67ème fois L’Arme Fatale ou 48 Heures et vous comprendrez…

Alors oui, le ressort dramatique entre Angelino l’éternel écorché vif à la recherche d’aventure et son acolyte gaffeur Vinz au visage de forme de crâne ultra-expressif a un goût de déjà-vu mais ça marche. En fait, cela marche même tellement bien qu’il peut être greffé sur n’importe quelle situation. Voire n’importe quelle époque… La preuve avec Mutafukaz 1886 dont le premier (sur cinq prévus, à un rythme mensuel) épisode sortira le 12 février. À la manœuvre, on retrouve encore une fois le scénariste Run, artiste multi-casquette (dessin, textes, business) à l’origine de Label 619, et cette fois-ci le dessinateur Hutt qu’on avait déjà repéré dans certaines aventures de Doggybags, la série ‘horrifique’ de Label 619.

© Label 619 – Run et Hutt

Cuisiné donc à la sauce ‘western’, Mutafukaz marche toujours aussi bien. Ce premier épisode fait pourtant bien attention à dévoiler juste ce qu’il faut pour allécher le chaland et le maintenir en haleine d’ici au prochain épisode : on y retrouve nos deux héros après qu’ils se soient improvisés chercheurs d’or. Après avoir (enfin) dégotté une petite pépite, le duo accompagné de leur âne décide d’aller dans la petite ville de Rias Rosas claquer leur pécule. Une séance de shopping et un duel dans la rue principale plus tard, ils croisent la route d’un étrange personnage qui s’intéresse de près à eux… 

Des références assumées au cinéma bis (notamment aux westerns spaghettis de Sergio Leone), une pincée de fantastique, un humour potache mais jamais vulgaire, des fausses pubs en forme de clin d’œil au récit… Tout ce qui fait la sève du Label 619 est présent, avec au dessin un vrai-faux nouveau venu qui se fond parfaitement dans le décor. C’est drôle, avec une vraie patte et ça joue à fonds la carte du périodique, jusqu’à son prix, très abordable. Bref c’est un peu comme si le film Cowboys Et Envahisseurs avait accordé ses violons avec un BO signée Snoop Dogg et ça donne juste envie de dévorer la suite, là tout de suite maintenant !

Olivier Badin

Mutafukaz 1886 – Chapter One de Run et Hutt. Label 619. 4,95€ (sortie le 12 février)

© Label 619 - Run et Hutt

© Label 619 – Run et Hutt

Brève de bulles. Love : quatre rééditions, un inédit et toujours le même souffle animal

À l’occasion de la sortie du cinquième tome de cette série animalière intitulée Love signée Bertolucci pour le scénario et Brrémaud pour le dessin, les éditions Vents d’Ouest ont réédité les quatre premiers volets parus initialement chez Ankama depuis 2011. L’occasion pour les amoureux de la faune de se délecter pleinement de ces histoires pas aussi love-love que pourrait le laisser penser le titre mais qui font partie de la vie sauvage. Après Le Lion, Les Dinosaures, Le Renard, Le Tigre, voici Le Molosse, une histoire muette de 88 pages qui nous embarque sur le continent australien au milieu des serpents, dingos, kangourous et autres ornithorynques locaux. Des récits entre documentaire et fiction. EG (Love, de Brrémaud et Bertolucci. Vents d’Ouest. 14,95€ le volume)

02 Fév

Quand Spider-Man dézinguait les (petites) bulles au quotidien

Outre-Atlantique, le format strips (BD sous forme de trois ou quatre cases maximum paraissant de façon quotidienne) était une énorme institution. Publié parfois simultanément dans une centaine de journaux à travers le pays, son lectorat se chiffrait en millions. Mieux : coincé en général dans les dernières pages entre le sport et la culture, il permettait surtout de toucher un public ultra-large, dont un bon nombre de gens qui, sinon, n’achetait jamais de BD. Le Tisseur ne pouvait laisser lui échapper toutes ses proies potentielles…

Alors bien sûr, lorsqu’on pense strips, on pense surtout à ces petites vignettes souvent humoristiques se savourant en trente secondes d’une traite, un genre à part entière qui permis à des séries stars telles que SNOOPY, CALVIN & HOBBES ou encore THE FAR SIDE de percer. Mais la tentation étant trop grande pour les éditeurs de comics de super-héros de ne pas s’y mettre non plus, surtout au moment ù les ventes de leurs sorties hebdomadaires ont commencé à sérieusement s’éroder. Et oui, quitte à reformater pour l’occasion certaines de leurs plus grosses stars…

MARVEL n’échappe bien sûr pas à la règle. Certes, ses éternels rivaux de DC les avaient déjà précédés trois décennies avant avec BATMAN et SUPERMAN sur un terrain déjà dominé par FLASH GORDON ou TARZAN mais pas grave, à la guerre comme à la guerre – surtout que la maison des idées met les petits plats dans les grands en convoquant ses héros les plus populaires du moment, dont CONAN, STAR WARS et donc SPIDER-MAN.

© Comics/Marvel / Stan Lee & John Romita Sr.

On en apprend d’ailleurs pas mal sur l’enjeu que tout cela représentait dans la très intéressante introduction de cette belle réédition, pour l’instant disponible en deux volumes couvrant la période allant de 1977 à 1981, avec un troisième a priori prévu. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le célèbre Stan Lee, qui avait pourtant délaissé le tisseur des années auparavant, s’est remis pour l’occasion à en écrire les scénarios, tout en faisant le forcing pour convaincre le grand dessinateur John Romita Sr de faire partie de l’aventure, malgré le rythme frénétique de travail que cela signifiait.

En France, la série fut parue pendant un temps dans Télé-Poche ( !) puis avait eu droit en 2007 à une première réédition aujourd’hui uniquement trouvable à prix d’or sur internet. Grâce à cette nouvelle version améliorée (notamment au niveau des couleurs et du contenu), on retrouve ici tout ce qui fait le charme, mais aussi le défaut majeur pour ses détracteurs, de ce format si atypique.

La contrainte principale ici, c’est bien sûr son rythme de parution. Avec quatre cases maximum (sauf le dimanche, où on avait alors droit à une pleine page), impossible de ne pas tomber dans un certain manichéisme. Il faut de l’action à tous les coins de rue, des ressorts dramatiques assez basiques et des histoires à la fois simples et en même temps permettant de nombreux rebondissements. En fait, le strip est un style en soit, alors on aime ou on n’aime pas, point.

© Comics/Marvel / Stan Lee & John Romita Sr.

Mais pour ceux qui aiment, c’est un régal. Déjà parce que le style très réaliste de Romita Sr est aussi très ancré dans cette période de la seconde moitié des années 70 et la ville de naissance de SPIDER-MAN, New York avec toutes les clins d’œil qui vont avec, plus en bonus un certain nombre de cameo de people de l’époque, répertoriés dans l’introduction. Ensuite, vu que cette série est totalement indépendante des séries dites ‘principales’ avec sa propre chronologie, Stan Lee s’est permis de rappeler plusieurs des grands méchants de l’écurie MARVEL – du DOCTEUR FATALIS (éternel rival des 4 FANTASTIQUES) en passant par le DOCTEUR OCTOPUS, le CAÏD ou KRAVEN LE CHASSEUR – histoire d’attirer le chaland. Un vrai casting quatre étoiles donc, allié à une restauration de haute volée avec papier épais et couverture couleur tout en respectant le format d’origine en horizontal…

En lançant en 2006 de superbes rééditions, publiées année par année, de la série SNOOPY, l’éditeur DARGAUD avait sans le savoir lancé de façon officieuse la réhabilitation du format strip en France. Un an après la sortie du premier volume des strips du BATMAN de Bob Kane chez URBAN COMICS (à quand le deuxième volume, tiens ?) et celui de STAR WARS chez DELCOURT, PANINI COMICS leur emboîte le pas et met la barre bien haute avec ces deux gros volumes (plus de 300 pages chacun) indispensables aussi bien pour les fans les plus mordus du Tisseur que pour les amateurs de ‘pop art’ populaire.

Olivier Badin

Amazing Spider-Man : Les Comic Strips 1977 – 1979 & 1979 – 1981 de Stan Lee et John Romita Sr. Panini Comics/Marvel. 39,95 euros.