02 Fév

Quand Spider-Man dézinguait les (petites) bulles au quotidien

Outre-Atlantique, le format strips (BD sous forme de trois ou quatre cases maximum paraissant de façon quotidienne) était une énorme institution. Publié parfois simultanément dans une centaine de journaux à travers le pays, son lectorat se chiffrait en millions. Mieux : coincé en général dans les dernières pages entre le sport et la culture, il permettait surtout de toucher un public ultra-large, dont un bon nombre de gens qui, sinon, n’achetait jamais de BD. Le Tisseur ne pouvait laisser lui échapper toutes ses proies potentielles…

Alors bien sûr, lorsqu’on pense strips, on pense surtout à ces petites vignettes souvent humoristiques se savourant en trente secondes d’une traite, un genre à part entière qui permis à des séries stars telles que SNOOPY, CALVIN & HOBBES ou encore THE FAR SIDE de percer. Mais la tentation étant trop grande pour les éditeurs de comics de super-héros de ne pas s’y mettre non plus, surtout au moment ù les ventes de leurs sorties hebdomadaires ont commencé à sérieusement s’éroder. Et oui, quitte à reformater pour l’occasion certaines de leurs plus grosses stars…

MARVEL n’échappe bien sûr pas à la règle. Certes, ses éternels rivaux de DC les avaient déjà précédés trois décennies avant avec BATMAN et SUPERMAN sur un terrain déjà dominé par FLASH GORDON ou TARZAN mais pas grave, à la guerre comme à la guerre – surtout que la maison des idées met les petits plats dans les grands en convoquant ses héros les plus populaires du moment, dont CONAN, STAR WARS et donc SPIDER-MAN.

© Comics/Marvel / Stan Lee & John Romita Sr.

On en apprend d’ailleurs pas mal sur l’enjeu que tout cela représentait dans la très intéressante introduction de cette belle réédition, pour l’instant disponible en deux volumes couvrant la période allant de 1977 à 1981, avec un troisième a priori prévu. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le célèbre Stan Lee, qui avait pourtant délaissé le tisseur des années auparavant, s’est remis pour l’occasion à en écrire les scénarios, tout en faisant le forcing pour convaincre le grand dessinateur John Romita Sr de faire partie de l’aventure, malgré le rythme frénétique de travail que cela signifiait.

En France, la série fut parue pendant un temps dans Télé-Poche ( !) puis avait eu droit en 2007 à une première réédition aujourd’hui uniquement trouvable à prix d’or sur internet. Grâce à cette nouvelle version améliorée (notamment au niveau des couleurs et du contenu), on retrouve ici tout ce qui fait le charme, mais aussi le défaut majeur pour ses détracteurs, de ce format si atypique.

La contrainte principale ici, c’est bien sûr son rythme de parution. Avec quatre cases maximum (sauf le dimanche, où on avait alors droit à une pleine page), impossible de ne pas tomber dans un certain manichéisme. Il faut de l’action à tous les coins de rue, des ressorts dramatiques assez basiques et des histoires à la fois simples et en même temps permettant de nombreux rebondissements. En fait, le strip est un style en soit, alors on aime ou on n’aime pas, point.

© Comics/Marvel / Stan Lee & John Romita Sr.

Mais pour ceux qui aiment, c’est un régal. Déjà parce que le style très réaliste de Romita Sr est aussi très ancré dans cette période de la seconde moitié des années 70 et la ville de naissance de SPIDER-MAN, New York avec toutes les clins d’œil qui vont avec, plus en bonus un certain nombre de cameo de people de l’époque, répertoriés dans l’introduction. Ensuite, vu que cette série est totalement indépendante des séries dites ‘principales’ avec sa propre chronologie, Stan Lee s’est permis de rappeler plusieurs des grands méchants de l’écurie MARVEL – du DOCTEUR FATALIS (éternel rival des 4 FANTASTIQUES) en passant par le DOCTEUR OCTOPUS, le CAÏD ou KRAVEN LE CHASSEUR – histoire d’attirer le chaland. Un vrai casting quatre étoiles donc, allié à une restauration de haute volée avec papier épais et couverture couleur tout en respectant le format d’origine en horizontal…

En lançant en 2006 de superbes rééditions, publiées année par année, de la série SNOOPY, l’éditeur DARGAUD avait sans le savoir lancé de façon officieuse la réhabilitation du format strip en France. Un an après la sortie du premier volume des strips du BATMAN de Bob Kane chez URBAN COMICS (à quand le deuxième volume, tiens ?) et celui de STAR WARS chez DELCOURT, PANINI COMICS leur emboîte le pas et met la barre bien haute avec ces deux gros volumes (plus de 300 pages chacun) indispensables aussi bien pour les fans les plus mordus du Tisseur que pour les amateurs de ‘pop art’ populaire.

Olivier Badin

Amazing Spider-Man : Les Comic Strips 1977 – 1979 & 1979 – 1981 de Stan Lee et John Romita Sr. Panini Comics/Marvel. 39,95 euros.