Attention talent ! Alex W. Inker à qui l’on doit déjà trois albums aussi remarquées que remarquables aux éditions Sarbacane revient avec l’adaptation du premier roman de Virginia Reeves, Un Travail comme un autre, une histoire dans l’Amérique des années 20, à la fois belle et tragique…
Terminé le confinement ! Sans reprendre le cours d’une vie tout à fait normale, nous allons enfin pouvoir vaquer à quelques-unes de nos occupations habituelles, notamment retrouver nos librairies préférées et découvrir les nouveautés que nos amis auteurs et éditeurs nous ont concoctées pour ce printemps étrange.
Parmi celles-ci, Un Travail comme un autre, première véritable lecture post-confinement et premier coup de coeur. Il faut dire que l’album a tout pour séduire : une fabrication hyper-soignée, ce qui est souvent le cas chez Sarbacane, près de 180 pages en quadrichromie, un papier de très belle qualité, une couverture magnifique, une dessin savoureusement rétro et légèrement burlesque qui rappellera à certains la bande dessinée américaine du milieu du XXe siècle, et une histoire de caractère signée de l’Américaine Virginia Reeves et magnifiquement adaptée par le Français Alex W. Inker dont c’est ici le quatrième album de bande dessinée après Apache, Prix polar SNCF 2016, Panama Al Brown et Servir le Peuple, tous publiés aux éditions Sarbacane.
L’histoire justement. Un Travail comme un autre nous embarque dans l’Amérique des années 20. Ce n’est pas encore la Grande Dépression, laquelle débutera avec le krach boursier de 1929, mais déjà, à cette époque, de nombreux fermiers endettés pour assurer la modernisation de leurs exploitations ne parviennent plus à honorer leurs emprunts et sont jetés sur les routes du pays, errant à la recherche d’un nouveau boulot.
Roscoe T Martin aurait pu être un de ces paysans ruinés s’il n’avait pas eu l’idée, l’audace ou le courage, appelez ça comme vous voulez, de détourner une ligne électrique de l’Alabama Power. Non seulement, lui, l’ancien électricien devenu fermier contre son grès lorsque sa femme hérita de l’exploitation familiale, évite la faillite mais trouve le moyen de développer son activité agricole, au point de devenir un homme des plus respectable et respecté des environs.
Jusqu’au jour où un employé de la compagnie d’électricité en question s’électrocute sur l’installation illicite de Roscoe. Pour lui, c’est le début de la fin. Á défaut de connaître l’errance sur les routes comme nombre de ses pairs, Roscoe T Martin va connaître les affres de l’emprisonnement dans un pénitentier d’état. Vingt ans de prison, abandonné par sa femme, violenté par les geôliers, vingt ans… et toute un vie qui fout le camp.
Beau et tragique, sensible et violent, Un Travail comme un autre trouve illustration à sa juste mesure sous le pinceau d’Alex W. Inker. Plus de 180 pages à dévorer, une immersion totale dans l’Amérique des années 20 avec son cortège de douleurs et d’injustices, de brutalités et de lâchetés. Indispensable pour les amoureux de Steibeck, fortement conseillé pour les autres. Du super boulot !
Eric Guillaud
Un Travail comme un autre, d’Alex W. Inker. Sarbacane. 28€ (en librairie le 27 mai)