Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, et particulièrement celle-ci, Clyde Fans du Canadien Seth, un véritable bijou d’écriture, de graphisme et de conception…
Vingt ans, oui vingt ans auront été nécessaires à Seth pour venir à bout de ce projet. Et même un peu plus si l’on remonte au moment précis où l’auteur colle son nez sur la vitrine du magasin Clyde Fans quelque part dans une rue de Toronto, aperçoit malgré l’obscurité deux portraits accrochés sur le mur du fond, et commence à imaginer l’histoire de ce lieu, fermé depuis belle lurette, et de ses habitants.
Clyde Fans a donc existé. Pour le reste, Seth a tout imaginé faisant de ce magasin le siège d’une entreprise de ventilateurs électriques créée par un certain Mr Matchcard, reprise et emmenée à la faillite par ses deux fils, Abe et Simon, qui n’ont pas anticipé l’arrivée de l’air conditionné. Un peu comme un réalisateur de films muets qui n’aurait pas cru au cinéma parlant.
« Je disais peut-être à l’époque que j’avais choisi cette devanture par goût du passé… », explique l’auteur, « ou parce qu’elle m’évoquait le progrès et l’échec. A posteriori, il me paraît évident que c’était plus simple que cela. J’ai été séduit par l’univers clôt de ce commerce disparu ».
Dans cet « univers clôt », Seth élabore un monde figé, un monde qui aurait pris la patine du temps, à l’image de la devanture du magasin, un monde en noir et bleu, désuet et triste.
« Ce que j’y ai vu, et a nourri mon intérêt durant ce long projet, c’est un monde autonome. un petit monde tranquille, sombre et isolé, meublé des reliquats de l’après guerre morne de mes parents. Un monde de solitude peut-être, mais qui attirait parce qu’il existait distinctement de notre monde agité ».
Seth déroule une histoire familiale sans réelle intrigue, sans faits marquants, mais qui pourtant nous absorbe du début à la fin, sur près de 500 pages. Et c’est là tout le talent d’écriture et de narration de l’auteur associé à un sacré coup de crayon. Chaque planche est une petite merveille de précision et d’élégance, on pense bien évidement par la méticulosité du dessin et par l’attention portée à la conception même du livre au Jimmy Corrigan du multi-primé Chris Ware (Une référence !), lequel a d’ailleurs écrit : « Seth est l’un des meilleurs auteurs de bande dessinée qui ait jamais vu le jour et Clyde Fans est l’un des meilleurs romans graphiques jamais écrits. Que vous faut-il d’autre ? »
Rien. Il ne nous faut rien d’autre, juste un peu de temps pour le lire et le savourer, et juste un peu d’argent pour l’acheter, plus qu’un peu d’ailleurs, c’est le seul hic de l’histoire, Clyde Fans est affiché à 50€. En période de fêtes, ça peut faire mal au porte-monnaie…
Eric Guillaud
Clyde Fans, de Seth. Delcourt. 49,90€