Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, sortie en septembre dernier, Il était 2 fois Arthur ou la trajectoire de deux boxeurs dans un monde qui ne prenait pas de gants…
On peut détester Trump pour diverses raisons mais on doit lui reconnaître une certaine faculté à déstabiliser son monde, à être là où ne l’attend pas du tout, par exemple lorsqu’il réhabilite un champion de boxe noir victime de racisme. C’était en mai 2018 et ce champion en question n’était autre que Jack Arthur Johnson, sacré champion du monde de boxe en 1908, condamné à de la prison en 1913 pour avoir eu des relations avec une femme blanche.
Jack Arthur Johnson est l’un des deux boxeurs dont on peut croiser les destinées – et dont les destinées se croisent – dans cet album signé Carlé et Antico. Le second étant Arthur Cravan, poète et boxeur, considéré par les dadaïstes et les surréalistes comme un des précurseurs de leurs mouvements respectifs.
Les deux hommes se rencontrèrent une fois, en 1916 à Barcelone, pour un combat que l’on présente comme la première performance de l’histoire de l’art.
La boxe, un art ? En tout cas, pour beaucoup, un moyen d’échapper à sa condition. Jack Johnson l’a espéré en plongeant à corps perdu dans ces combats synonymes pour lui de liberté. Mais s’il eut le droit de monter sur les rings, Johnson s’aperçu très vitre que pour le reste, rien n’était gagné. Le champion restait un champion noir dans une Amérique ségrégationniste et raciste qu’il fuit un temps avant d’y revenir et de purger une peine de prison pour avoir épousé une femme blanche.
Arthur Cravan, lui, était blanc. Pourtant, lui aussi dérangeait les bonnes moeurs, faisant du scandale une véritable stratégie. Fuyant pour sa part l’Europe en guerre, Cravan rejoignit l’Espagne avant d’embarquer pour New York et finalement disparaître mystérieusement au large du Mexique.
Malgré des options narratives à mon sens discutables, Carlé et Antico nous offrent ici une double biographie singulière et prenante doublée d’un regard lucide sur le monde de la boxe et plus largement sur le monde occidental de ce début du XXe siècle.
Eric Guillaud
Il était 2 fois Arthur, de Carlé et Antico. Dupuis. 28,95€