Après le très beau et légitime succès rencontré par Ces jours qui disparaissent paru aux éditions Glénat, nombreux sont ceux à attendre de pied ferme le nouvel album de Timothé le Boucher tant il est censé apporter une réponse à une question essentielle : l’auteur aurait-il été victime d’un coup de génie sans lendemain ou est-il capable de récidiver et donc de s’inscrire comme une nouvelle grande signature de la bande dessinée ? Réponse ici et maintenant.
Et la réponse est sans détour. A star is born, dirait-on dans le milieu du cinéma ou de la musique. Un auteur est né dira-t-on plus sereinement et modestement ici. En une poignée d’albums, deux seulement signés chez un grand éditeur, Timothé le Boucher est devenu l’une des nouvelles grandes signatures de la bande dessinée.
Dans Ces Jours qui disparaissent publié en 2017 chez Glénat, l’auteur raconte l’histoire d’un jeune acrobate, Lubin, dont le corps est habité par deux personnalités différentes, l’une prenant peu à peu le dessus sur l’autre. Un récit fantastique dans lequel il est question de dissociation identitaire et de schizophrénie.
Avec Le Patient, toujours chez Glénat, Timothé Le Boucher nous offre un thriller psychologique littéralement époustouflant, au dessin toujours aussi joliment épuré et au scénario hitchcockien à souhait, comme le suggère la magnifique illustration de couverture.
L’histoire ? Celle de Pierre Grimaud, un jeune-homme de 21 ans qui se réveille après 6 ans de coma et découvre que toute sa famille a été massacrée. « Il n’a plus rien dans la vie et doit réapprendre à vivre, se reconstruire, et il va être aidé en cela par une psychologue… », explique Timothé.
La psychologue, c’est Anna Kieffer, spécialisée sur les questions de criminologie et de victimologie. Avec elle, le jeune Pierre parvient à se remémorer peu à peu les circonstances du drame. Il se révèle être aussi une personnalité attachante qui ne laisse pas Anna insensible. Entre les deux naîtra une relation ambiguë.
Raconter une relation comme celle-ci a été le point de départ du Patient. D’abord imaginée dans le milieu universitaire, Timothé Le Boucher décide finalement de transposer l’histoire dans le milieu hospitalier à la suite d’une balade dans un hôpital.
« C’était un dimanche, les longs couloirs étaient déserts, ça créait une atmosphère assez terrifiante. J’ai imaginé de longs travellings en plan-séquence à la manière de Stanl dans Shining ou Gus Van Sant dans Elephant… C’est comme ça que j’ai décidé de transposer mon histoire dans le milieu hospitalier. J’ai ensuite eu l’idée de ce personnage qui se réveille après 6 ans de coma suite à un drame, et c’est en mélangeant ces trois points de départ qu’est née l’histoire du Patient ».
Ancré dans le réel, Le Patient partage avec Ces Jours qui disparaissent des personnages d’une grande profondeur psychologique et quelques thématiques chères à l’auteur. « Il y en a plusieurs qui s’imbriquent. Quand j’écris une histoire, c’est comme si je réalisais un tissage de toutes les thématiques qui m’intéressent ». Et de fait, le nouvel album de Timothé Le Boucher est une oeuvre dense qui aborde une fois encore les thématiques de l’identité, de la mémoire ou du rapport à l’autre.
Bref, Le Patient est comme Ces Jours qui disparaissent un chef d’oeuvre, n’ayons pas peur des mots, qui nous maintient sous tension de la première à la dernière page et plus encore, révélant au passage un auteur complet au talent immense. Gros gros coup de coeur !!
Eric Guillaud
Le Patient, de Timothé le Boucher. Glénat. 25€