09 Mar

Crossroads : la confrontation de deux mondes créatifs par Paco Roca, auteur de BD, et Seguridad Social, musicien rock

Entre le rock et la BD, c’est une longue histoire d’amour. Mais pourquoi les deux univers sont-ils si proches ? Et le sont-ils vraiment d’ailleurs ? C’est à ces questions que répond le nouvel album de l’Espagnol Paco Roca, associé pour l’occasion au musicien José Manuel Casañ, aka Seguridad Social…

À ma droite Paco Roca, auteur de bande dessinée, reconnu dans son pays et bien au delà pour ses albums emprunts d’humanisme et de sensibilité, La Tête en l’air, La Nueve ou La Maison, pour ne citer que ces trois-là. À ma gauche, José Manuel Casañ, aka Seguridad Social, musicien qui connût un beau succès à l’international avec notamment les titres Chiquilla et Quiero tener tu presencia. Au centre, un album de bande dessinée, Crossroads, et un album de musique, La Encrucijada.

Ces deux projets ont germé dans l’esprit des deux hommes il y a plusieurs années, à la faveur d’une rencontre dans une émission de radio. Paco Roca voulait comprendre comment naît une chanson, comment on crée une mélodie, comment se font les arrangements, José Manuel Casañ voulait de son côté raconter l’histoire de la musique anglo-saxonne.

Leur projet a évolué au fil des discussions, Crossroads est à la fois l’histoire d’une rencontre humaine entre l’auteur et le musicien, un échange autour de leur expérience, de leur passion et de leur métier respectifs, un peu à la manière des Ignorants, l’album d’Etienne Davodeau qui mettrait en scène une initiation croisée, celle d’un vigneron à la bande dessinée et celle d’un auteur à la viticulture.

Ici, on ne parle pas de vin mais plutôt des affres de la création, du premier album, de la première signature avec une major ou un éditeur, de la répartition des droits, des ventes, des tournées, du succès, de l’industrie du disque et du l’édition, des producteurs, des éditeurs, des similitudes et des différences entre les deux univers… Et en bonus, les morceaux de l’album La Encrucijada (disponible sur les plateformes habituelles) mis en images par Paco Roca dans des styles graphiques variés.

Pour ceux qui ne sont pas espagnols et ne connaissent pas spécialement Seguridad Social, l’intérêt reste évident dans cet échange d’expériences entre un auteur de BD et un musicien. Comme toujours, le dessin de Paco Roca fait merveille, un univers graphique raffiné et serein. Coup de coeur !

Eric Guillaud

Crossroads, de Paco Roca et Seguridad Social. Delcourt. 21,50€

@ Delcourt / Paco Roca

05 Mar

Lily a des nénés : un regard tendre et drôle sur le début de l’adolescence signé Geoff

Pour faire un bon film, expliquait Henri-Georges Clouzot, « il faut premièrement une bonne histoire, deuxièmement, une bonne histoire, troisièmement, une bonne histoire ». En bande dessinée, c’est pareil avec en bonus un bon dessin. C’est le cas avec Lily a des nénés, première bande dessinée du réalisateur de films d’animations Geoff…

Attention talent ! Ce n’est pas la première bande dessinée à parler du passage délicat de l’enfance à l’adolescence mais Geoffroy Barbet-Massin, aka Geoff, le fait avec une telle modernité, une telle légèreté et un tel sens de l’humour, qu’on en oublierait presque tous les autres. Bon, j’exagère peut-être mais Lily a des nénés accroche résolument le lecteur dès la première page, dès la première case avec un très beau dessinréalisé au pastel à l’huile, avec des couleurs profondes, des dialogues et une voix off jubilatoires, et bien sûr un personnage, ou plus exactement des personnages littéralement à croquer.

@ Casterman / Geoff

Alors voilà, je m’appelle lily, j’ai dix ans, j’ai des seins et je suis fière…! Enfin, pas trop, mais j’me force

Voilà en une ligne la problématique posée. Lily est une gamine bien dans ses bottes, amoureuse du meilleur copain de son frère jumeau, Tituan. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où ce fameux frangin découvre qu’elle a des nénés.

Euh… là… J’ai plus envie de prendre le bain avec toi… ! On dirait un zombie, et j’trouve ça un peu dégoûtant!

Tituan est sous le choc. ça devrait lui passer. Pour Lily, il va falloir assumer ce corps qui change et accepter le fait qu’elle n’est plus tout à fait une enfant.

@ Casterman / Geoff

« J’ai deux filles, de 7 ans et 9 ans… », explique l’auteur, « je les regarde et les écoute beaucoup. Un jour, quand ma fille aînée était au CP, je lui ai demandé comment elle voulait s’habiller. Elle m’a répondu qu’elle ne voulait plus mettre de jupes ou de robes. J’ai été profondément choqué qu’une fille de 6 ans puisse déjà dire : « Je ne veux pas montrer mon corps parce que je ne veux pas être embêtée ». Le personnage de Lily est né de cette colère, de ce besoin d’acceptation ».

Je deviens une femme… enfin, je débute

Née d’un appel d’offres de France Télévisions pour un épisode animé de 26 minutes sur le thème d’une héroïne contemporaine, Lily nous embarque avec bonheur dans le monde de l’enfance, brisant au passage quelques idées reçues sur les filles, le tout dans le décor fabuleux et légèrement revisité de Portsall, localité côtière faisant partie de la commune de Ploudalmézeau, située dans le nord-ouest du Finistère (merci Wiki!). « la ville existe… », précise l’auteur, « mais elle est un peu réinventée, imaginaire, idéale ».

@ Casterman / Geoff

Ici, c’est la Bretagne, il pleut 150 jours par an, il bruine 100 jours, et le reste du temps, il fait juste pas beau

Elle exagère un peu notre héroïne, même si elle garde une grande partie du temps son ciré jaune et son bonnet rouge, les planches de Geoff donnent une idée plutôt joyeuse et lumineuse de ce petit coin de paradis breton. Bref, une belle bande dessinée, pardon, une première belle bande dessinée signée Geoff. Un deuxième volet est annoncé pour fin 2019. Hâte !

Eric Guillaud

Lily a des nénés, de Geoff. Casterman. 14€ (en librairie le 6 mars)

03 Mar

Dans un rayon de soleil : une histoire d’amour lumineuse signée Tillie Walden

Du haut de ses 22 ans, Tillie Walden fait figure de jeune prodige de la BD américaine avec cinq livres à son actif et déjà un Eisner Award dans la poche. Après l’autobiographique Spinning, lui-aussi publié en France aux éditions Gallimard, la jeune artiste fait son retour de ce coté-ci de l’Atlantique avec Dans un rayon de soleil (On a Sunbeam), une histoire d’amour futuriste, 500 pages de délice graphique et narratif…

C’est un livre magnifique de plus de 500 pages que nous offrent ici les éditions Gallimard et bien évidemment son auteure, l’Américaine Tillie Walden, 500 pages de virtuosité graphique et narrative, au service d’une histoire d’amour fascinante dans un futur qu’on ne parvient pas à dater. Existe-il encore une vie sur Terre ? On n’en sait rien, quoiqu’il en soit, ici, toute l’action se déroule dans l’espace et surtout sans l’ombre d’un homme, d’un mec. Amateurs de héros mâles, hétérosexuels, blancs de plus 50 ans, passez donc votre chemin ! Il faut dire que l’auteure ne fait aucunement mystère de son homosexualité et de son souhait d’aborder le sujet aussi fréquemment que naturellement.

« Je ne vois pas vraiment comment faire un travail qui ne traite pas de la question queer… », déclare-t-elle dans une interview accordée au site comicsverse, « Être lesbienne est aussi fondamental pour moi que de porter des lunettes et d’avoir les cheveux blonds. Donc, l’incorporer à mes bandes dessinées m’a toujours semblé très simple et clair ».

Publié à l’origine sous la forme d’un webcomic, toujours disponible dans son intégralité et gratuitement mais en anglais ici-mêmeOn a Sunbeam, Dans Un rayon de soleil pour la traduction française, nous embarque donc dans l’espace pour une histoire d’amour entre deux jeunes filles, une histoire d’amour contrariée bien sûr par la distance qui les sépare. Mia et Grace s’étaient rencontrées au pensionnat. Mais leurs routes se sont un jour écartées, Mia travaille désormais dans un vaisseau spatial avec pour mission de restaurer des structures architecturales ou des œuvres d’art délabrées qui pullulent dans l’espace. Grace, elle, est retournée vivre avec sa famille dans L’Escalier, une des zones les plus mortelles et les plus isolées de l’espace.

L’amour perdu, c’est ce dont parle ce nouvel album de Tillie Walden. En une succession de flashbacks, l’auteure raconte le passé de Mia, sa rencontre avec Grace, leur amitié qui se transforme en amour, puis cette séparation, brutale, insupportable. Mais l’amour donne des ailes, c’est bien connu, et bientôt Mia décide de retrouver Grace, même si elle doit risquer sa vie pour cela.

L’histoire, à priori assez simple et intemporelle, se distingue par le graphisme bien sûr et l’atmosphère générale de l’album, avec des planches d’une grâce, d’une subtilité et d’une pureté exceptionnelles, une palette de couleurs idéale, un contexte futuriste et spatial inhabituel pour ce genre d’histoire et des références graphiques et scénaristiques à l’architecture, une des grandes sources d’inspiration de Tillie Walden. Un très bel univers, un vrai rayon de soleil !

Eric Guillaud

Dans un rayon de soleil, de Tillie Walden. Gallimard. 29€

@ Gallimard / Tillie Walden

01 Mar

L’arche de Néo : Stéphane Betbeder et Paul Frichet n’ont pas attendu le déluge pour aborder la condition animale

C’est l’un des grands sujets de société actuels et même un enjeu de société. La condition animale. Doit-on mettre un terme aux élevages intensifs, fermer les abattoirs industriels, arrêter purement et simplement de consommer de la viande et du poisson, considérer toutes les espèces sur un plan d’égalité ? Le Nantais Stéphane Betbeder et le Lyonnais Paul Frichet tentent de nous sensibiliser sur le sujet à travers une fable en bande dessinée à paraître aux éditions Glénat….

Stéphane Betbeder en compagnie d’un ancêtre de Néo

Il était une fois quatre animaux domestiques, une vache, Renata, une poule, Ferdinand, une brebis, Soizic, et un cochon nain, le fameux Néo du titre. Tous vivaient en harmonie ou presque dans une ferme tranquille située quelque part dans un bocage qui pourrait ressembler à celui de Notre-Dame-des-Landes, là où l’état souhaitait il y a encore peu construire un aéroport.

Un jour, des hommes armés jusqu’aux dents débarquent dans la campagne, expulsent les paysans et emmènent les animaux à l’abattoir. Renata, Soizic, Ferdinand et Néo parviennent à s’enfuir et se réfugier dans la forêt proche, parmi les animaux sauvages.

Par cette fable, Stéphane Betbeder et Paul Frichet souhaitent nous sensibiliser à la cause animale, nous interroger sur le rapport que nous entretenons, nous les humains, avec les autres espèces. Ici pas de déluge en vue, pas d’anthropomorphisme déplacé, pas de militantisme exacerbé non plus, nous assurent-ils, mais une volonté de montrer que les cochons, brebis, poules, vaches… sont des animaux comme les autres dotés d’une sensibilité, d’une intelligence.

Alors bien sûr, cette bande dessinée, vous ne la trouverez pas chez votre boucher, dixit l’éditeur, par contre vous la trouverez facilement chez votre libraire préféré dès le 6 mars. En attendant, nous avons cuisiné le scénariste Stéphane Betbeder pour en savoir un peu plus…

@ Glénat / Betbeder & Frichet

Comment vous est venue l’idée de cette histoire ?

Stéphane Betbeder. Je répondrai par le petit texte argumentaire que j’ai envoyé à l’éditeur qui explique combien ce sujet remonte à loin dans mon histoire perso et est le résultat d’un long processus mental.

« J’ai vu ma grand-mère tirer sur la peau d’un lapin pendu par les pattes pour lui ôter son manteau, ou rompre le cou d’un poulet avant le repas dominical. J’ai vu mon grand père pleurer dans l’étable quand une vache partait chez le boucher ou qu’un veau mourait. Au cours des ans, j’ai vu les montagnes de bidoche sous cellophane grandir dans les supermarchés. Écœuré par tout cet étalage, j’ai supprimé la viande de mon assiette, le poisson a suivi peu après. J’ai été surpris de l’émoi suscité par les images de torture animale filmées à la dérobée aux abattoirs de Mauléon. Je me disais qu’il y avait des combats plus importants, plus urgents, plus nobles. Peu après, j’ai été intrigué d’apprendre qu’un article avait été ajouté à la constitution, reconnaissant les animaux comme « êtres sensibles ». J’ai appris que les poules savaient compter jusqu’à cinq, qu’un rat était capable d’empathie en venant au secours d’un camarade en mauvaise posture, qu’un cochon pouvait littéralement mourir de peur dans une salle d’abattage. Mon végétarisme, qui n’était au départ qu’une lubie passagère, s’est alors transformé en choix éthique L’animal est un être sensible. Il souffre comme nous et il a, lui aussi, conscience de lui-même. L’écriture de l’Arche de Néo s’est nourrie de ce vécu, de ces réflexions, de ce choix ; j’y donne la parole aux animaux en essayant d’imaginer la manière qu’ils ont d’appréhender le monde que nous, humains, leur imposons« .

Vu l’état de la planète, diminuer drastiquement notre consommation de viande est un pas qui me semble nécessaire, responsable

Dans l’Arche de Noé, il est question de sauver l’espèce humaine ainsi que l’espèce animale du déluge. Ici, il est question de sauver avant tout l’espèce animale de son plus grand prédateur, l’homme. Quel est votre objectif, la sensibilisation à la condition animale ou la conversion au veganisme ?

Stéphane Betbeder. Loin de moi l’idée de faire du prosélytisme, et j’espère que ce n’est pas la sensation qu’on a à la lecture de notre album, sinon c’est foiré. C’est bien sûr plus proche de la sensibilisation à la condition animale et la volonté qu’on puisse imaginer sortir peu à peu de notre anthropocentrisme. Maintenant, vu l’état de la planète (dernier rapport du GIEC, tribune des 15 000 scientifiques publiée dans le Monde il y a près d’un an etc…) diminuer drastiquement notre consommation de viande est un pas qui me semble nécessaire, responsable.

Et si ça peut amener les gens à se poser des questions sur leur consommation de viande et à considérer les animaux comme des êtres vivants avant de les considérer comme des produits ou des « robots » au sens cartésien du terme, ça me va. Ne nous méprenons pas, jamais je ne me serai lancé dans cette histoire si je n’avais pas d’affection pour les personnages, leur parcours, leur sensibilité. L’Arche de Néo est une fable et comme toute fable ça interroge une question sociétale du moment, mais aussi et surtout : ça raconte.

@ Glénat / Betbeder & Frichet

Dans les premières pages, il est fait allusion à l’antispecisme, c’est une philosophie que vous partagez ?

Stéphane Betbeder. Je considère qu’une œuvre militante fait toujours (ou alors je n’ai pas lu ou vu les bonnes œuvres) un mauvais bouquin ou un mauvais film. Je le répète, je n’ai pas fait un livre militant, j’ai raconté une histoire et il se trouve que celle-ci a pour thème l’une des questions essentielles pour notre avenir sur cette planète. je n’ai pas écrit cette BD dans le but de dénoncer ou de donner des leçons. Je garde toujours en tête ce que disait Orson Welles pour le ciné (que je paraphrase peut être mal, mais c’est le souvenir que j’en ai et qui m’a marqué) : « un bon film, c’est simple : c’est une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire ». C’est une recette que je garde toujours en tête quand je compose un scénario.

Certains voient dans l’antispecisme le mépris de l’homme. Qu’en pensez-vous ?

Stéphane Betbeder. Je pense aussitôt aux remarques des masculinistes qui voient dans le féminisme un mépris de l’homme. Ou des blancs qui voient dans les mouvements anti-racistes, un mépris des blancs. Réducteur et caricatural.

Pour revenir à l’antispécisme, je comprends cette réticence, même si je trouve que c’est un faux débat. Et je ne suis pas antispéciste. Peter Singer (je crois), chantre de l’antispécisme, disait qu’un animal en pleine santé avait plus de valeur à ses yeux qu’un enfant handicapé. je ne sais si c’est de la provoc ou s’il le pensait vraiment, mais ce genre d’argument me choque tout autant qu’une personne lambda omnivore. Ceci dit, ce qui me choque aujourd’hui c’est le mépris de l’animal. quand on pense que 60% des mammifères de la planète sont destinés à notre consommation alors qu’il ne reste que 4% de mammifères sauvages (les 36% restant sont les humains), il y a quand même quelque chose qui ne tourne pas rond.

@ Glénat / Betbeder & Frichet

Dans la majorité des bandes dessinées animalières, les animaux anthropomorphisés le sont généralement par leur morphologie ou leur comportement. Ce n’est pas vraiment le cas ici sauf qu’ils parlent, se comprennent et sont sensibles aux événements qui se déroulent dans leur environnement. Ils vont même se rebeller contre l’abattoir. Quelles ont été vos influences pour cet album ?

Stéphane Betbeder. C’était une volonté de ne pas anthropomorphiser les animaux, je voulais être au plus près de ce que je les imagine être. Là, je dois rendre hommage au travail de Paul, le dessinateur. C’est son graphisme et sa sensibilité qui ont su leur donner vie et les rendre touchants, expressifs, et qui permettent de se projeter dans leur aventure. Sans son talent le pari aurait été perdu.

Concernant les influences, je me suis inspiré de mes lectures sur la condition animale. Référence très importante, les deux derniers bouquins de Frans de Waal un éthologue qui étudie les primates depuis plus de 30 ans. « Sommes-nous trop « bêtes » pour comprendre l’intelligence des animaux ?» et « dernière étreinte ». Et aussi bien sur, le livre WaterShip down, dont je parle dans les remerciements de mon album, un livre des années 70 édité en france en 2016 sur une bande de lapins qui fuient leur garenne pour en reconstruire une autre. Ce bouquin qui fut un immense succès dans les pays anglo-saxons m’a bouleversé. En BD, je pense à Blanco de Taniguchi qui m’a marqué quand j’étais plus jeune, NOU3 la BD SF qui suit 3 animaux robots armes de guerre expérimentales, et en littérature encore L’appel de la forêt de Jack London. Encore un bouquin d’adolescence qui m’a énormément touché.

@ Glénat / Betbeder & Frichet

L’action se déroule dans une ZAD non identifiée. On pense bien évidemment à la ZAD de Notre Dame des Landes. C’est un combat que vous avez soutenu ? Vous vous y êtes déjà rendu ?

Stéphane Betbeder. Oui, j’y suis allé plusieurs fois. et j’y ai rencontré certains des habitants pour justement documenter L’Arche de Néo. Car le parcours physique qu’ils font est un vrai trajet, ils partent de la ZAD de NDDL pour aller à Châteaubriant où se trouve un abattoir. j’ai pris deux jours pour faire tout ce parcours et prendre des centaines de photos sur lesquelles Paul s’est appuyé pour dessiner les scènes. Dès le départ mon idée était claire : s’influençant du manga, je voulais des décors réalistes et des personnages archétypaux.

Oui, je soutiens ces initiatives comme les ZAD qui défendent une vision du monde qui prend en compte les problèmes auxquels nous commençons à être confrontés : accélération du changement climatique, hausse de températures, pénurie des ressources énergétiques. Je pense que ces initiatives encore marginales sont les « mauvaises herbes » qui augurent du monde de demain, quand le mode de vie et le confort que nous avons tous aujourd’hui ne sera concrètement plus possible.

@ Glénat / Betbeder & Frichet

À mort les vaches est le premier tome. Combien en prévoyez-vous ? Et qu’aborderont-ils comme thématique ?

Stéphane Betbeder. Il y en aura 6 pour une raison que je ne peux pas expliquer ici sans dévoiler le grand arc narratif du projet, mais je sais exactement où je vais et comment cette série se termine. 

Le prochain tome se nomme « remède de Cheval ». Néo et ses amis essaient de rejoindre Pig island, l’île aux cochons, et ils devront demander l’aide d’un cheval de race particulièrement égocentrique et imbuvable pour tenter de traverser l’atlantique. Ce tome aborde en filigrane le traitement des animaux dans les cirques et dans les concours équestres. Les prochains toucheront aussi des thématiques particulières liées au traitement des animaux et du rapport que nous entretenons avec eux.

C’est facile à vendre aux éditeurs ce genre de sujet ?

Stéphane Betbeder. Très. Je pense que Glénat y a même vu une aubaine. C’est un sujet dans l’air du temps qui a une résonnance chez beaucoup de gens, le thème et le traitement sont originaux et se démarquent de la production habituelle. Maintenant reste à voir si le pari qu’on a fait ensemble saura trouver son lectorat. En tous les cas, notre éditeur a joué le jeu, nous a soutenus tout au long de sa production jusqu’à sa commercialisation et je l’en remercie vivement.

Propos recueillis par Eric Guillaud le 28 février 2019. 

À mort les vaches, L’arche de Néo (tome 1), de Betbeder et Frichet. Glénat. 14,95€ (sortie de l’album le 6 mars)