Cette aventure-là ne relève en rien de la science-fiction ou de l’uchronie, genres dans lesquels le scénariste Fred Duval s’est fait une belle réputation, non Les Porteurs d’eau publié ce mois-ci sous pavillon Delcourt, est une fiction qui nous embarque au coeur du dopage cycliste dans les pas de deux Pieds nickelés de l’EPO…
Vous souvenez-vous de ces images sidérantes du Tour de France à l’arrêt, des coureurs en grève, des descentes de police dans les hôtels, de Richard Virenque en larmes devant les caméras ? C’était en 1998, tiens… il y a tout juste 20 ans.
Cette édition de la grande boucle a marqué les consciences et fait beaucoup de mal au sport en général. Le dopage se révélait à la face du monde comme étant au coeur même de la logique du sport. Et rien ne dit qu’il ne l’est plus !
Tout ça pour dire que l’histoire de cet album ne sort pas de nulle part. Il y un fond de réalité sur lequel le scénariste Fred Duval, un fondu de la petite reine et un téléspectateur assidu du Tour de France, s’est appuyé pour l’écrire. Mais attention, Les Porteurs d’eau n’est pas une bande dessinée documentaire, c’est une fiction intelligemment construite autour d’une cavale, celle de deux gamins, Jérôme Pignon et Florian Cornu, licenciés au Cyclo du Lyonnais, plus bêtes que méchants, désireux de se faire du fric facile en achetant et revendant des produits dopant. Des Pieds nickelés du dopage en quelques sortes qui vont avoir à faire à de vrais et dangereux pros de la chose.
Et forcément, l’affaire tourne mal, la police intervient au moment où les deux gamins sont sur le point de récupérer le matos. Les vendeurs sortent les flingues, des coups de feu éclatent, Jérôme et Florian en profitent pour se débiner avec la dope mais aussi le fric renversant un policier au passage. Très vite, leur signalement est donné, commence alors une cavale qui va les mener de Maubeuge au Mont Ventoux en passant par Dieppe, Rennes et Volvic, un tour de France par étapes mais en bagnole qui les fera travailler du ciboulot à défaut des mollets. Il faut dire que le père de Jérome Pignon, coureur professionnel, est mort à 37 ans d’une embolie pulmonaire. Au cas où il l’aurait oublié, sa mère compte bien lui rappeler et le ramener dans le droit chemin…
Le scénariste de Carmen Mc Callum, Travis, Hauteville House ou encore Jour J s’offre ici une belle échappée en compagnie de Nicolas Sure, un dessinateur au trait fin, élégant et racé. Admirez cette planche d’étape dans la montagne, tout y est, la fougue, le dépassement de soi, la passion… et même le diable avec sa fourche. Une fiction qui nous apporte l’air de rien un éclairage bienvenu sur le milieu du dopage, ses ramifications et ses effets.
Eric Guillaud
Les Porteurs d’eau, de Duval et Sure. Delcourt. 17,95€