Parce qu’il mérite le paradis et que le curé refuse de monter au village pour célébrer l’office, des administrés vont transporter à dos d’hommes le corps de leur maire décédé d’une crise cardiaque pour une dernière bénédiction plus bas dans la vallée. Un cortège funèbre qui va réserver bien des surprises…
Tout à l’air paisible dans ce petite village du département de l’Aude perché sur les contreforts des Pyrénées. Nous sommes en 1864, Joseph le maire fait tout pour rendre service à ses administrés, il trouve des acheteurs pour le bois de l’un, s’occupe de vendre un bijou pour soulager les finances de l’autre, prête main forte aux champs…. Mais à vouloir être partout, il est bientôt nulle part notre bon Joseph ou plutôt si, allongé à même le sol, le nez dans la terre. Crise cardiaque.
Aimé de tous et toutes, Joseph a bien mérité le paradis. Mais pour y accéder, faut-il encore un curé et une ultime bénédiction. Hélas, de curé, il n’y en a point depuis que le toit de l’église s’est effondré. Et celui de la vallée refuse de monter tant que les réparations n’auront pas été engagées.
Qu’à cela ne tienne, puisque le curé ne veut pas venir au cadavre, le cadavre viendra à lui, porté dans son cercueil par une poignée de villageois qui n’imaginent pas un instant leur calvaire. Sur le chemin de la descente, pour le moins escarpé, nos villageois vont d’abord souffrir du poids du cercueil, puis de l’odeur du cadavre, le tout sous un violent orage qui va provoquer des éboulis. Mais le plus pesant, ce sont ces vieilles histoires de famille qui vont ressurgir entre les porteurs, des rancœurs qui viennent de loin et trouvent dans la tourmente matière à rebondir…
De loin, j’ai un instant cru voir la couverture d’un nouveau Chabouté mais non. Charogne est signé Borris (Lutte Majeure…) et Benoît Vidal (Pauline à Paris…) et raconte une histoire pas tout à fait vraie mais inspirée de faits et de lieux ayant existé. Dans des notes en fin d’ouvrage, les auteurs expliquent : « Le village dépeint dans la bande dessinée est réellement situé dans le département de l’Aude sur un territoire appelé le pays de Sault. C’est là que sont racontées les histoires qui ont initié cette fiction… ». L’éditeur parle de thriller rural, j’évoquerai surtout une histoire d’hommes, avec ses forces et ses faiblesses… Bon scénario, bon dessin. Recommandé !
Eric Guillaud
Charogne, de Borris et Benoît Vidal. Glénat. 19€