05 Avr

Les Petites distances : Véro Cazot et Camille Benyamina revisitent le mythe de l’homme invisible dans une subtile comédie sentimentale

N’avez-vous jamais ressenti la désagréable sensation d’être transparent ? De n’exister pour personne ? Max, lui est tellement transparent qu’il le devient réellement, du jour au lendemain. Plus fort encore, les souvenirs qu’il aurait pu laisser ici ou là se sont eux aussi évaporés. Même ses parents n’ont souvenir de son existence…

Max n’a certes jamais été du genre m’as-tu-vu, mais devenir transparent à ce point de non-existence, il a du mal à se l’expliquer. Nous aussi. Mais quitte à être invisible, à ne plus avoir sa place nulle part, que ce soit sur son lieu de travail, chez ses parents ou dans sa coloc, autant en profiter et s’installer là où ça lui chante, et pourquoi pas chez la belle Léonie qu’il a croisé une fois dans la cage d’escalier de son immeuble. Et de partager son quotidien, ses repas, ses soirées, ses nuits, ses moments les plus intimes.

Et Léonie dans tout ça ? Bien qu’elle ne ressente aucune présence à ses côtés, la jeune femme finit par s’épanouir, son caractère change, elle qui avait peur de tout et de tout le monde, qui se faisait sans cesse des films avec des fantômes, gagne en assurance…

Récit fantastique ? Comédie sentimentale ? Les deux mon capitaine. L’album de Véro Cazot et Camille Benyamina mélange les genres et bouscule les codes pour mieux nous surprendre et nous interroger.

« J’avais envie d’écrire une histoire fantastique très ancrée dans le réel, dans le quotidien et sous forme de comédie sentimentale… », explique la scénariste Véro Cazot, « Mon homme invisible n’est pas victime d’une expérience scientifique ou d’un phénomène spectaculaire. C’est juste quelqu’un qui n’arrive pas à s’affirmer, à trouver sa place dans le monde et qui sombre peu à peu dans l’oubli jusqu’à disparaître totalement de la vue et de la mémoire des gens (…) C’est comme ça qu’est née l’idée de départ : comment un homme effacé va apprendre à s’affirmer et se connaître en devenant invisible. Et comment une femme qui a peur de tout et de tout le monde va prendre confiance en elle et en l’Autre au contact de cet homme invisible… ».

© Casterman / Cazot & Benyamina

Cette histoire a connu moult versions et rebondissements, un accouchement un peu difficile, reconnaît la scénariste dans un post Facebook. Il faut dire que dessiner ce qui ne se voit pas en le rendant visible pour la bonne compréhension du lecteur relève d’un pari un peu fou. Mais réussi dans ce cas! Car tout fonctionne, on y croit, on se glisse même facilement dans la peau des protagonistes, et notamment dans celle de l’homme invisible.

« Le vrai casse-tête a été de rendre compréhensible ce principe de monde dédoublé dans lequel notre homme invisible évolue. Il a fallu établir des règles strictes sur ce qu’il peut faire ou ne pas faire pour que tout tienne et reste crédible. Je pars du principe que Max a basculé dans un monde superposé au monde réel ».

Comédie légère en apparence, Les Petites distances aborde de façon très originale le thème de l’existence et de l’amour. Un récit subtil et séduisant !

Eric Guillaud

L’interview complète de Véro Cazot est à retrouver ici

Les Petites distances, de Benyamina et Cazot. Casterman. 20€