Qui a dit que les auteurs de BD étaient fauchés ? Celui-ci l’est particulièrement. Plus un radis pour payer son loyer, du pain rassis en guise de repas… Et la spirale infernale ne fait que commencer. D’ailleurs, le dernier magazine à publier ses dessins vient de le remercier. Il ne ferait plus rêver les enfants…
Il est obèse, sans argent, sans boulot et depuis peu sans amour, sa maîtresse ayant préféré aller voir ailleurs. Bref tout va mal madame la marquise et les factures continuent de s’accumuler. La solution ? Signer un projet d’album chez un éditeur. Et pourquoi pas une bande dessinée documentaire sur les réfugiés bloqués à Sangatte, comme lui suggère un ami scénariste. Ni une ni deux, les voilà partis tous les deux dans le Nord avec l’espoir d’intéresser une maison d’édition.
« L’album de bande dessinée que nous pourrions réaliser racontera ce que nous avons vu (…) Notre projet comportera donc un fort aspect social… », écrivent-ils aux éditeurs. Est-ce l’aspect trop social ou le graphisme pas assez abouti, toujours est-il que personne ne veut du projet. Nos deux compères n’ont plus qu’à retourner à leur morne quotidien.
Mais après la pluie vient – parfois – le beau temps. Et de fait, notre dessinateur désargenté reçoit à sa grande surprise une proposition de travail dans une société de graphisme publicitaire où il sera chargé de former la fille du patron. Ce n’est pas vraiment son univers mais c’est mieux que rien et c’est plutôt bien payé. De quoi lui changer sa vie.
C’est surtout la fille du patron qui va lui changer sa vie. Éléonore, c’est son prénom, est une jeune fille un peu déjantée et totalement anorexique. Tout les oppose ou presque et pourtant le courant finit par passer entre ces deux personnages cintrés…
Une jeune écorchée vive d’un côté, un quarantenaire désabusé de l’autre, des blessures de part et d’autre et de l’amour au milieu… après Les Mangeurs de cailloux et La Boîte à un franc qui racontaient son enfance ch’ti, Jean-Luc Loyer s’attaque à un autre épisode de sa vie, Cintré(e) est une autobiographie romancée parfois drôle, souvent sombre, toujours tendre.
Eric Guillaud
Cintré(e), de Jean-Luc Loyer. Futuropolis. 20€