Il aurait fêté ses quatre-vingt dix ans en décembre prochain. Décédé en 2002, John Buscema fut un monstre de la culture comics, lui qui a rencontré dès 1948 Stan Lee et qui entra chez MARVEL en 1966, juste au moment où après des années de crise, l’industrie redécolle à nouveau, lui offrant un nouvel âge d’or auquel, véritable stakhanoviste, il contribuera largement. Cet épais ouvrage retrace son parcours.
Alors hagiographique, ce livre l’est (forcément ?) un peu mais c’est un peu la nature de l’exercice. Autre bémol, histoire de vider nos tiroirs d’entrée : une traduction pas toujours bien adaptée, certes réussie sur le plan grammaticale bien sûr mais dont certaines tournures de phrases un chouia rigides gâche parfois la lecture. Mais on chipote. Parce que pour le reste, à part ses toutes premières publications (pour d’obscures raisons de droit ?), visuellement c’est un véritable festin où planches définitives et colorisées et croquis plus ou moins finalisés du maître de toutes les séries par lesquelles il est passé se côtoient, parfois sur une pleine page. Et c’est du lourd.
Déjà, on retrouve cette exigence dans le choix du papier, bien épais, et dans les iconographiques. De plus, l’auteur connaît à fonds son sujet et cela se voit. On revient notamment sur son enfance, son entrée (difficile) dans le monde des comics et comment cet admirateur absolu de Michel-Ange et fils d’immigrés italiens s’est fait tout seul. Certes, le ‘style’ Buscema reste pour toujours attaché à un certain état d’esprit des années 70. Et on voit combien le grand manitou de l’esprit MARVEL des origines Jack Kirby l’a influencé, même s’il a su s’en détacher par la suite. Mais ses références culturelles (l’homme ayant toujours affirmé préférer les récits mythologiques à la BD traditionnelle), son style très emphatique et son sens du dramatique ont marqué toute une génération de lecteurs, surtout qu’il a dessiné bon nombre de personnages emblématiques, des Avengers aux Quatre Fantastiques, en passant par Spider-Man ou Captain America.
Mais tout l’intérêt de ce superbe objet, en plus de pouvoir mesurer sur plus de 300 pages comment ce boulimique de travail a évolué en près de 50 ans de carrière, est de pouvoir réévaluer certains de ses travaux, comme cette trop brève série sur Le Surfeur D’Argent écrite avec Stan Lee, abandonnée au bout de dix-huit numéros par manque de succès. Ou comment ses années en tant que graphiste dans la pub aux débuts des 60’s ou avec Roy Thomas sur la série Conan le Barbare lui a permis progressivement de s’affranchir du style parfois trop policé des super-héros (qu’il affirmait, apparemment, d’ailleurs détester !) pour quelque chose de plus brut, sensuel et sombre, bref adulte. On découvre même que pendant un temps, ce type qui visiblement ne savait pas dire non, a donné dans les romans graphiques à l’eau de rose… Alors certes, le terme est un peu galvaudé mais on peut vraiment parler d’ouvrage exhaustif. Ou, traduction un chouia moins lettrée, juste un truc foutrement d’indispensable pour tout fan de comics digne de ce nom.
Olivier Badin
Big John Buscema, collectif, Urban Comics, 328 pages, 39 euros