Je commencerai cette chronique par une confidence : ça fait quelques années que je n’ai pas écouté un album de Daho, depuis en fait un concert insipide donné au Zéntih de Rouen il y a 11 ans. Et puis, je tombe sur ce documentaire « Etienne Daho, un itinéraire pop moderne » diffusé sur Arte le 21 novembre suivi d’un concert au Koko à Londres. Et là je me dis que j’ai du louper quelque chose, au moins son dernier album studio « Les chansons de l’innocence retrouvée » que j’écoute une première fois, puis une deuxième, puis en boucle. J’avais effectivement loupé quelque chose, un album incroyable et un artiste comme on en voit peu. L’album tournant en boucle sur ma platine, je pouvais maintenant me jeter sur la BD de Chauvel et Alfred qui traînait sur ma pile de choses à lire depuis des jours, pour ne pas dire des semaines. Et cette BD traitait justement de Daho…
Daho, l’homme qui chante n’est pas une biographie, pas vraiment un documentaire, non, il s’agit d’une rencontre, une belle rencontre entre deux auteurs de bande dessinée, Alfred et David Chauvel, et un chanteur musicien connu de tous, Etienne Daho. Et quand je dis connu de tous, ce n’est pas pour faire bien. Etienne Daho a réussi à réunir devant une scène un public extra large, depuis les fans de rock indé jusqu’aux amoureux de variété française.
Pendant trois ans, de 2012 à 2015, Alfred et David Chauvel ont suivi l’élaboration du dernier album studio du chanteur, depuis l’écriture des chansons jusqu’à la mise en place de la tournée, en passant par la sortie de l’album, l’enregistrement, le choix des visuels, la promo, les moments d’euphorie, les moments de doute aussi.
« J’ai réalisé que j’ignorais comment on fait un disque… », explique le scénariste David Chauvel, « et qu’un regard candide et précis pourrait donner un côté documentaire et technique, intéressant pour le lecteur, qu’il soit fan de Daho ou pas ».
Et de fait, peu importe que vous soyez un inconditionnel du chanteur ou pas. De page en page, on suit le travail de l’artiste mais aussi celui des producteurs, du directeur artistique, de l’ingénieur du son, du manager, du photographe, des musiciens… Chacun évoquant son travail, son apport au projet, par l’intermédiaire d’interviews ponctuant le récit.
On y parle création, inspiration, mais aussi marketing, image. « On peut rarement évoquer et montrer cela… » confie Etienne Daho, « Le travail mystérieux de la création, l’énergie folle que l’on y consacre, intéressent assez peu les médias, hors médias musique. L’axe est bien différent du traditionnel livre sur un artiste : ce livre saisit des instants avec beaucoup d’acuité, d’intimité sans voyeurisme ».
Et c’est vrai, il y a beaucoup d’intimité dans cet album et aucun voyeurisme. Même lorsque le chanteur se retrouve à l’hôpital. Avec beaucoup de finesse, les auteurs abordent le pépin de santé qui le cloue dans un lit d’hôpital pendant de longues semaines retardant la sortie de l’album et de la tournée. « Je pensais rester deux jours à l’hôpital et j’y suis resté deux mois (…) Je sentais la mort rôder, me frôler… mais je ne voulais pas mourir. Je ne pouvais pas laisser ce disque, cette tournée ».
Même si l’option choisie par Alfred pour le graphisme, majoritairement réalisé au crayon de couleur dans un esprit « carnet de notes » peut vous dérouter, faîtes un effort, laissez-vous emporter par l’histoire et vous serez finalement conquis. Un album et un artiste absolument passionnants !
Eric Guillaud
Daho, l’homme qui chante, de Chauvel et Alfred. Editions Delcourt. 18,95 €