Il fut un temps ou l’appeler Miguel de Cervantès aurait eu tendance à le mettre en colère. Son nom à lui, c’était, c’est toujours, Mike, Mike Cervantès. Aucun lien de parenté direct ou indirect avec le célèbre romancier espagnol. Après avoir perdu un tiers de son bras en Afghanistan, il compte bien revenir au pays avec un nom intact.
Malgré tout, au F.B.I., on pense que Mike a lu trop de bouquins, un peu comme Don Quichottte justement, le cultissime héros de Miguel de Cerventès. Des bouquins qui l’auraient rendu dingue. Et c’est vrai que depuis son retour de la guerre, Mike a décidé de se faire le « défenseur des faibles et de toutes les catégories d’opprimés », comme il dit lui-même. De quoi être vite submergé ! Tour à tour, Mike vandalise une banque, sauve un clandestin péruvien des griffes de bikers pas vraiment accueillants, empêche une vente aux enchères de maisons saisies, offre les clefs d’une bibliothèque à un SDF, agresse un révérend.. S’il pouvait trouver des moulins à vent sur sa route ou des géants, il serait capable de les combattre à mains nues.
Jeté sur la route au volant de sa Mustang, pardon de sa « Rossinante », tel un chevalier errant, Mike nous entraîne dans les coins et recoins de l’Amérique, pas l’Amérique des magazines pour touristes, non l’Amérique sans paillettes, celle des indiens Navajo, des travailleurs clandestins, des motels pouilleux, des alcolos sans limite, des sans logis, des taulards et ex-taulards… l’Amérique de John Wayne aussi, de John Ford ou encore de Scorsese, des décors fabuleux, des paysages en cinémascope.
Après L’écureuil du Vel’d’Hiv, Amère patrie ou encore Pain d’Alouette, Christian Lax signe ici un récit picaresque époustouflant qui sent la poussière et la révolte, autour d’un Don Quichotte des temps modernes jusqu’au boutiste, aussi fou que génial.
Eric Guillaud
Un certain Cervantès, de Christian Lax. Editions Futuropolis. 26 €