Bon, pour être tout à fait honnête, vu le tapage médiatique organisé autour de l’album depuis plusieurs jours, je dois avouer que j’ai tout fait pour reculer l’instant où je devrais tourner ses pages et forcément constater que pour être apprécié de tout le monde, Une Histoire d’hommes se devait d’être consensuel, fade et finalement sans grand intérêt. Honte sur moi ! Oui honte sur moi car Une Histoire d’hommes n’est pas le résultat d’un coup de folie, d’un caprice de star, d’un Zep qui aurait juste besoin de se dégourdir les jambes et les doigts sur autre chose que son enfant terrible du Neuvième art, le blondinet Titeuf. Non, Une Histoire d’hommes est un récit intelligent tant dans la forme que dans le fond, une histoire où s’entremêlent pas mal de sentiments et pas uniquement chargés à la testostérone, non des sentiments tout simplement humains. Et putain, comme dirait Arno, c’est quand même vachement bien ! Zep, qui a lui-même joué dans quelques groupes imagine ici les retrouvailles d’anciens copains, membres d’un même groupe de rock qui aurait sévi il y a quelque chose comme 18 ans. L’un deux a réussi, est devenu une star au pays de la pop, les autres galèrent ou ont pris une voie beaucoup plus sage au pays du camembert. Ils se retrouvent donc un week-end, invités par la star, refont l’histoire, imaginent ce qu’aurait été le groupe s’il n’avait pas explosé en vol, établissent la liste des regrets éternels et découvrent au détour d’une discussion une sombre vérité, un secret enfoui qui va expliquer pas mal de choses sur les uns et les autres.
Alors oui, tous les grands médias de notre pays en parlent, même le Huffington Post et Les Echos c’est dire. Mais cette fois, c’est avec raison et non par simple mimétisme. Alors faut-il acheter Une Histoire d’hommes ? La question ne se pose même pas. Courrez chez votre libraire le plus proche !
Eric Guillaud
Une histoire d’hommes, de Zep. Editions Rue de Sèvres. 18 euros
Ok, la couverture est rose, très rose, et ne laisse donc aucun doute quant à la population visée : les jeunes filles ! Et les premières pages ne font pas plus de mystères : bienvenue à l’académie artistique Yazawa, section stylisme. Mikako Kôda est en première. Son rêve ? Ouvrir sa chaîne de boutiques et créer sa propre marque. En attendant, Mikako doit apprendre le métier et découvrir la vie, l’amour… En parlant d’amour, Mikako partage le même immeuble que Tsutomu, un ami d’enfance. Un simple ami d’enfance pense-t-elle jusqu’au jour où Tsutomu revient chez lui avec une fille. Les sentiments qu’elle éprouvait alors jusqu’ici pour lui changent radicalement…
Le premier volume de cette réédition contient les deux premiers tomes de la série. Une édition luxe d’un manga signé Aï Yazawa, auteure par ailleurs du cultissime Nana, de Je ne suis pas un ange ou encore de Last Quarter. Un histoire sur l’éveil des sentiments ! Eric Guillaud
Gokinjo, une vie de quartier, de Aï Yazawa. Editions Delcourt. 16,99 euros
L’été lui aura été profitable. Le magazine de la franche rigolade revient avec quelques grammes en plus, l’équivalent de 16 pages. Vous retrouverez bien entendu les habitués de l’endroit, Binet, Goossens, Edika, Larcenet, Sattouf et cie, le tout sous une maquette « reconditionnée ». Au menu, de nouvelles rubriques (tests, conseils, jeux…), des cahiers spéciaux (guides touristiques, suppléments en tout genre…), des thématiques fortes et osées (l’art (con)temporain, le made in France, le football…) et même un hommage à Gotlib pour ses 80 ballets en juillet prochain. Que du bon en somme à découvrir le 19 septembre en kiosque… EGuillaud
A première vue, Gisèle et Béatrice ressemble à n’importe quel autre album des éditions Dupuis. La couverture est sobre : un homme et une femme les yeux dans les yeux. Non, vraiment rien d’extraordinaire ! Sauf qu’il s’agit là de l’illustration du fourreau, visible par tous. L’album, quant à lui, une fois extrait de ce fourreau, donne la véritable couleur du récit. Sur un fond rouge passion, ce sont maintenant deux femmes dont une en petite tenue qui s’embrassent langoureusement. Et là, la chose est déjà moins courante chez Dupuis. Encore moins courantes sont les scènes très chaudes qui ponctuent les 100 pages du récit. Vous ne vous trompez pas, Gisèle et Béatrice est bel et bien un album érotique mais avec un petit truc en plus, histoire peut-être pour l’éditeur de garder image honorable : l’histoire de sexe est doublée d’une satire sociale !!
L’histoire justement. Béatrice, harcelée par son patron, décide un soir de l’inviter chez elle où elle lui fait boire un breuvage magique qui le transforme en femme. Patron devient Gisèle, objet sexuel, accessoirement femme de ménage, et Béatrice en profite pour lui ravir son poste dans l’entreprise inversant ainsi les rôles prédéfinis. Au delà de la sexualité, de la transexualité, Gisèle et Béatrice aborde la question de la place de la femme dans l’entreprise et plus largement dans la société. Surprenant ! Eric Guillaud
Gisèle et Béatrice, de Benoît Feroumont. Editions Dupuis. 18 euros
2 ans de travail, 228 pages d’enquêtes de reportages et de documentaires, bref d’informations en BD pour croquer le monde à pleines dents. Le magazine trimestriel La Revue dessinée, fondé par Franck Bourgeron, Olivier Jouvray, Sylvain Ricard, Virginie Ollagnier, Kris et le journaliste David Servenay, sera disponible en version papier, 15 euros dans toutes les bonnes librairies, et en version numérique sur l’AppStore pour 3,59 euros. Au menu de ce premier numéro : les pionniers du gaz de schiste, les marins des terres australes, les coulisses du zoo du jardin des plantes, Allende… chaque histoire associant un auteur BD et un journaliste d’investigation. Pour en savoir plus c’est ici…
Très franchement, à découvrir un peu plus chaque jour le programme éditorial que nous ont concocté cette année les différentes maisons d’édition, on ne va pas regretter très longtemps nos plages ensoleillées. Un seul livre suffirait même à nous convaincre définitivement que l’été est un désert culturel dont on pourrait se passer et que la rentrée est un bienfait pour l’humanité. Et ce livre s’appelle Tyler Cross, un récit de 104 pages emmené par le tandem Fabien Nury – Brüno, oui oui celui-là même qui a réalisé autrefois Atar Gull ou le destin d’un esclave modèle, album ô combien remarquable et remarqué jusque dans les plus hautes sphères du Neuvième art. Et pour ce nouvel album, Fabien Nury et Brüno changent totalement d’univers. Exit le XIXème siècle et la traite négrière, bonjour l’Amérique des années 50, 1950, et l’univers impitoyable des gangsters, mafieux et autres shérifs ripoux. Vous l’aurez compris, Tyler Cross est un polar, un polar rouge sang, violent, radical, explosif. Ici, même les belles poupées se font descendre, c’est dire !
Au centre de l’affaire, Tyler Cross, un gangster à sang froid chargé par un premier mafieux de voler 17 kilos d’héroïne pure à un second mafieux. Un contrat simple en apparence mais qui finit bien sûr par déraper et envoyer valdinguer notre homme du côté de Black Rock, un bled paumé habité par une bande de péquenauds tenus en laisse par la famille Pragg qui va elle-même donner du fil à retordre à notre gangster, du fil à retordre et de la poudre blanche à sauver de la fosse septique.
Inutile de compter les morts, vous n’aurez pas assez de vos deux mains et deux pieds, Tyler Cross est un as de la gâchette, un gars qui ne se laisse pas faire, un gars malin aussi, un mélange de Jack Palance et Humphrey Bogart. Résultat des courses, le récit est un long filet de sang canalisé par un scénario en béton armé, un graphisme épuré, minimaliste, éblouissant de clarté et d’expressivité, et des couleurs sublimes signées Laurence Croix ! Sérieusement, laissez tomber toutes activités anecdotiques et jetez-vous sur cet album qui a tout du miracle ! EGuillaud
Tyler Cross, de Fabien Nury et Brüno. Editions Dargaud. 16,95 euros
Mercredi 4 septembre, le Tribunal de commerce de Paris a désigné Glénat comme repreneur du catalogue de la maison d’édition 12Bis, placée en redressement judiciaire depuis le 30 avril 2013.
Une centaine d’auteurs pour environ 250 titres rejoignent ainsi le catalogue Glénat, accompagnés d’une « belle liste de nouveautés », précise l’éditeur historique dans un communiqué de presse daté du 6 septembre !
Au programme : la suite de L’Or et le sang, la fameuse série de Fabien Nury, Merwan et Fabien Bedouel, le lancement de Red widow, une nouvelle bande dessinée signée Xavier Dorison et Terry Dodson et le prochain diptyque de François Dermaut : Rosa.
Que choisir ? Que lire ? Qu’offrir ? Chaque année, c’est à la fois la jubilation devant la profusion de titres, puis le questionnement, le doute : sur quel(s) album(s) placer sa préférence, fixer son choix ? Voici un florilège de treize BD et morceaux choisis dans le dessus du panier.
Le Coup de Coeur : Chroniques de la Vigne par Fred Bernard – Glénat
Si vous ne deviez ne lire qu’un seul album, ce serait assurément celui-ci. Fred Bernard nous livre une conversation avec son grand-père vigneron, à déguster sans modération. Entre les ceps de son village natal, Savigny-lès-Beaune en Bourgogne, tous deux parcourent leurs souvenirs communs : in vino veritas ! Ce grand-père entre en bonne place dans notre panthéon des hommes au franc-parler, de ceux que l’on aimerait connaître. Sa règle de vie est des plus simples : « Pour moi un vin c’est : 1- un vin rouge ou blanc, 2- il est jeune ou il est vieux, 3- tu l’aimes ou tu l’aimes pas. Point Barre. Vrai ou Faux ?! Oh bien sûr ! On peut y déceler des tas d’arômes … Des petits fruits rouges, du silex, du cuir… Chacun son cépage. Chacun son terroir. Bon dieu que c’est bon ! » Comment ne pas être d’accord avec ce grand goûteur qui avoue n’avoir jamais recraché un vin en dégustation et estime avoir bu 40 000 bouteilles dans sa vie. Il a aujourd’hui 90 ans. Si vous ne connaissez pas encore le talent graphique de son petit-fils, il est temps de vous en délecter. Ces chroniques de la Vigne sont un excellent millésime. Bonne dégustation !
Les surprises détonnantes : Amorostasia par Cyril Bonin – Futuropolis, Une Histoire d’Hommes par Zep – Rue de Sèvres, Jack Joseph Soudeur sous-marin par Jeff Lemire – Futuropolis, Stalingrad Khronika (t 1&2) par Bourgeron & Ricard – Air Libre, Paco les mains rouges par Vehlmann & Sagot – Dargaud, Bandonéon par Jorge Gonzàlez – Air Libre
Amorostasia par Cyril Bonin – Futuropolis
Paris est sous le choc : une nouveau mal très étrange est apparu, l’Amorostasia. L’alerte est lancée : « Tomber amoureux nuit gravement à la santé »
Une Histoire d’Hommes par Zep – Rue de Sèvres
Zep sait raconter des histoires d’hommes, à n’en pas douter. Vous avez peut-être grandi avec son personnage fétiche à la mèche rebelle. Les albums de gags mis sur pause, le voici avec une histoire à hauteur d’hommes, celle d’un groupe de quatre potes, qui se retrouvent le temps d’un week-end, à Londres. Auparavant – mais était ce vraiment il y a si longtemps ? – ils formaient un groupe de rock (un des rêves de l’auteur, fan de Led Zeppelin). Que s’est-il passé depuis leur séparation ?
Jack Joseph Soudeur sous-marin par Jeff Lemire – Futuropolis
Il s’appelle Jack Joseph, il a 33 ans Son métier est hors du commun : il est soudeur en eau profonde sur une plateforme pétrolière… Cet album est sorti au milieu de l’été et mérite pour autant d’être dans cette sélection de rentrée car ce roman graphique est une plongée en eau profonde. Par un auteur canadien à découvrir, et à suivre : Jeff Lemire.
1942 : Imaginez une équipe envoyée par Staline pour filmer la grande bataille dans la ville symbole qui porte son nom : Stalingrad. Face à l’armée d’Hitler, échouer ce serait bien plus que perdre une bataille …
Stalingrad Khronika par Bourgeron & Ricard – Air Libre
Paco les mains rouges par Vehlmann & Sacot – Dargaud
Son surnom, c’est Paco les mains rouges. Ce jeune instituteur doit cette dénomination au crime de sang qu’il a commis. Son châtiment : le bagne de Cayenne, à perpétuité. Un univers qui n’a rien de policé, cela va sans dire. Paco va devoir apprendre à survivre, au milieu d’autres bagnards et de la société fortement hiérarchisée qu’ils mettent en place. Un récit à la première personne qui parvient à représenter, avec beaucoup de pudeur et de retenue, la violence et l’oppression de l’univers carcéral. Nous attendons la suite avec impatience.
Les récits politiques :Charles Charles Profession Président par Marc Dubuisson & James – Delcourt
La force de cette satire jubilatoire, c’est de ne pas parodier un seul président mais de reprendre les traits saillants de plusieurs de nos chefs d’Etat pour composer un nouveau président, avec un slogan : Unis pour l’Union. De François Mitterrand à François Hollande, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, chacun y verra les références politiques qu’il entend … A feuilleter sans modération pour rire aux éclats …
Charles Charles Profession Président par Marc Dubuisson & James- Delcourt
Les mystères de la 3e République par Philippe Richelle avec Pierre Wachs – Glénat
Les mystères de la 3e, 4e et 5e République par Philippe Richelle avec Pierre Wachs, Alfio Buscaglia & François Ravard – Glénat
Le mélange de la politique et du fait divers sur la trame de polars, tel est le moyen original que ces auteurs ont choisi afin de proposer une relecture de nos trois dernières Républiques : des ligues d’extrême-droite des années 30 au pétrole de la France-Afrique, les sujets politiques sensibles ne manquent pas. Les trois séries sont indépendantes et publiées en parallèle. A vous de choisir la période historique qui vous intéresse le plus.
Les récits pour adultes :Gisèle et Béatrice par Benoit Feroumont – Air Libre, Le Singe par Milo Manara & Silverio Pisu – Glénat (réédition)
Gisèle et Béatrice par Feroumont – Air Libre
Avant le patron de Béatrice ne s’appelait pas Gisèle, mais cela c’était avant, quand il était encore patron et qu’il se permettait de harceler sexuellement son employée. Par un enchantement, il devient une femme soumise, sans papier, sans statut, et sous la dépendance de Béatrice. Un conte érotique et social entre fantasmes et pouvoir, pour public averti.
Le Singe par Milo Manara & Silverio Pisu – Glénat (réédition)
La réédition du premier récit majeur de Manara est la très bonne nouvelle de cette rentrée. Parue initialement en 1980, cette adaptation d’un conte chinois, Le Roi des Singes, était déjà une très grande réussite. On y retrouvera avec plaisir tout le talent graphique de l’auteur du Déclic et du Parfum de l’invisible.
Panda aime beaucoup, énormément, à la folie. Panda aime Hellboy, les Fiat Panda, Pac-Man, croquer la Lune, casser les cases avec son derrière, faire pipi du haut des falaises de Calais, Corto Maltese, piquer un somme, manger les nuages, le saut à l’élastique, faire la bombe dans le chocolat chaud, aller dans le futur… et on pourrait en faire des lignes et des lignes comme ça, ce qui n’aurait pas vraiment d’intérêt, vous en conviendrez, tant les aventures de Panda aime… sont avant tout visuelles. Panda est donc un panda à tendance transformiste. Il se déguise, se métamorphose, se fait plus gros, plus petit, plus rond, plus carré, plus animal, plus humain, plus farceur et renouvèle la chose depuis des centaines – pour ne pas dire des milliers – de strips
visibles depuis 2008 sur le web, ici-même, et depuis ce mois de septembre dans un bel album des éditions Delcourt.
Inspirées d’une scène mythique du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, en l’occurrence la scène « Amélie aime… » que vous pourrez revisionner à volonté ci-dessous, les histoires de notre panda adoré se lisent sans fin. On n’aime pas, on adore… EGuillaud
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Panda aime… de Keison. Editions Delcourt. 14,95 euros
Impossible pour l’auteur de BD Jaime Martin de ne pas connaître l’histoire de son père. Combien de repas de famille se sont en effet achevés par le récit de sa vie et plus particulièrement de son service militaire dans le Sahara espagnol. Beaucoup, beaucoup trop, de quoi ne plus vraiment écouter. Il faudra que l’auteur se retrouve en manque d’inspiration et bloqué sur une page blanche depuis des jours, pour qu’il y prête à nouveau attention lors d’un repas dominical et la juge finalement assez intéressante pour être adaptée en bande dessinée.
Et pour nous lecteurs, cette vie se révèle effectivement très intéressante. D’abord parce qu’elle nous ramène dans l’Espagne des années 50, une Espagne meurtrie par la guerre civile, bâillonnée par le franquisme, tenue d’une main de fer par les institutions, l’armée, la religion, ensuite parce qu’elle nous parle d’une autre guerre, une guerre que très peu de gens connaissent, la guerre d’Ifni, qui opposa l’Espagne au Maroc. Avec un graphisme élégant et clair, qui tend parfois vers le minimalisme, et l’intégration modérée de quelques photos anciennes, l’auteur de Ce que le vent apporte et de Toute la poussière du chemin, également parus aux éditions Dupuis, nous dresse ici un tableau réaliste et fort de l’Espagne d’hier et d’aujourd’hui. La rentrée s’annonce bien… EGuillaud
Les Guerres silencieuses, de Jaime Martin. Editions Dupuis. 24 euros