12 Oct

Interview d’Alain Dodier à l’occasion de la sortie du 23e album de la série Jérôme K. Jérôme Bloche, « Post Mortem », et de sa venue à la 25e Heure du livre au Mans

Dodier – D.R.

30 ans d’aventures, 23 albums, des centaines de planches, des milliers de cases et un héros qui crève la page, à la fois unique et ordinaire, un anti-héros répondant au doux nom de Jérôme K. Jérôme Bloche, détective privé de son état, un look à la Bogart avec imper et chapeau mou, un solex pour les longs trajets et des intrigues à lire le soir bien au chaud sous la couette… Aux manettes, quelqu’un qui lui ressemble, Alain Dodier, l’un des piliers de la bande dessinée franco-belge, un auteur discret qui aime son personnage, son métier, les gens. Rencontre…

Bonjour Alain Dodier. Bon, autant vous le dire tout de suite, vous êtes un de mes auteurs préférés. Si si ! Comme pour des milliers, voire des millions de personnes, donc rien d’original. Passons…. Tout de même à ce sujet, quelles relations entretenez-vous avec vos lecteurs ? Les avez-vous vus grandir, vieillir, se renouveler, se reproduire ? Personnellement, ça me fait drôle de voir ma fille de 7 ans se jeter sur vos albums aujourd’hui…

A.D. Merci. Je ne suis jamais aussi heureux que lorsque j’apprends que des enfants lisent mes Bd. Alors, être lu par des enfants ET des adultes, là c’est le top !.

23 albums, 30 ans d’aventures. N’avez-vous jamais eu envie de prendre la fuite, de tout faire exploser, de partir pour des îles lointaines, de lancer un western ? Ou une série de science fiction ?

A.D. Je préfère laisser le western ou la science fiction à plus compétent que moi . Mon

domaine, c’est le quotidien et je trouve qu’il y a suffisamment à faire puisque, par définition, le quotidien change tous les jours.

Rassurez-nous, il y a quand même des changements en 30 ans d’aventure ?
A.D. L’avantage d’une série, c’est qu’elle permet d’installer des personnages sur la longueur et de les étoffer petit à petit.

Et d’un point de vue graphique ?
A.D. Il y a évolution, c’est certain . Mais attention de ne pas confondre évolution et progrès : ce qu’on gagne d’un côté ( trait plus maitrisé, meilleure lisibilité ) on le perd de l’autre ( perte de spontanéité, encrage moins “généreux” ). Mais tout ceci se passe à l’insu de l’auteur. De la même façon qu’on ne sent pas vieillir.

Sincèrement, pensiez-vous que votre personnage irait aussi loin ?

A.D. Je ne me suis jamais posé ce genre de question : un pas devant l’autre, c’est l’idéal pour avancer.

crayonné © Dodier

J’ai l’impression que pour nous lecteurs, il y a quelques chose de rassurant dans cette « stabilité » ? Un espèce de cocooning scénaristique ? Un peu comme si on était en famille. Et pour vous ?

A.D. Idem pour moi. J’espère faire le genre de bouquin qu’on a envie de retrouver le soir, sur sa table de chevet, au moment du coucher.

Jérôme K Jérôme Bloche est un détective privé mais un détective privé un peu spécial, un détective de quartier, de proximité. Comme France 3 est une télévision de proximité ! Et vous qui vous définissez souvent comme l’alter ego de votre personnage, seriez-vous aussi un auteur de quartier, dans le sens humain, proche du quotidien, des gens ?
A.D. C’est vrai que j’aime la vie de quartier, le plaisir d’échanger quelques mots avec les voisins dans le hall de l’immeuble, de rencontrer des gens en faisant mon marché. Peut-être tout simplement parce que je suis un gens, moi aussi.

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lire la chronique de l’album Post Mortem ici

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On parlait plus haut de « stabilité ». Pourtant, à chaque nouvelle aventure, vous parvenez à vous renouveler et à nous surprendre. Comment fait-on pour trouver de nouvelles idées, de nouvelles intrigues ?
A.D. Trouver une nouvelle idée de scénario me demande beaucoup de temps et d’efforts . Ca ne vient pas tout seul, malheureusement . Mais quel bonheur quand, après 2-3 mois de recherche obstinée, l’idée finit par tomber, lumineuse, évidente, simple !

Post Mortem est le 23e album de la série. Il y a une intrigue policière forte mis on y parle aussi de famille, de culpabilité, de maladie, de solidarité. Des thèmes graves abordés avec légèreté. C’est ça aussi la marque JKJ Bloche ?

crayonné © Dodier

A.D. Je ne décide pas de traiter à priori d’un thème, mais quand l’idée se fait jour, comme par magie un thème se dégage. Ce qui permet de donner une orientation à l’histoire ! Mais le but premier est de distraire le lecteur.

Est-ce que le Fauve d’Angoulême obtenu en 2010 a changé quelque chose dans votre vie et dans celle de votre personnage ?

A.D. Un prix comme celui-là a quelque chose de rassurant pour un auteur : le sentiment que sa grammaire est comprise et partagée. Idem pour les séances de dédicaces, dans la rencontre avec les lecteurs.

Quel a été votre premier coup de cœur BD et quel a été son influence sur votre travail ?
A.D. Franquin, Uderzo, Morris, Tillieux, Herman, Tibet, De La Fuente, Jiji, Peyo, Jijé, Mézières… Je peux en citer des dizaines et des dizaines d’autres ! Tous les auteurs BD des années 50, 60 et 70 m’ont apporté quelque chose, à commencer par le bonheur de les lire.

Post Mortem © Dodier/Dupuis

Vous sentez-vous plus dessinateur que scénariste ou l’inverse ?
A.D. je me sens plus dessinateur. Je suis un dessinateur qui adore faire ses scénarios.

.Jérome K Jérome Bloche : est-ce vraiment que du bonheur ?

A.D. YES !

.Quels sont vos projets ?

A.D. Faire le 24ème Jérôme dont le scénario est déjà prêt. Il ne me reste qu’à le dialoguer pour, enfin, recommencer à dessiner.

Merci beaucoup Alain Dodier

Interview réalisée par mail le 11 octobre 2012 par Eric Guillaud. © toutes illustrations Alain Dodier – Dupuis