I hate Pink Floyd ! Ce n’est pas moi qui le dit mais un des personnages de l’album, un message clair et précis inscrit en grosses lettres noires sur un tee-shirt blanc. Forcément, ça vous rappelle quelque chose ! Nous sommes en 1977 quelque part dans la banlieue de Londres. Et ici plus qu’ailleurs, les temps ne sont plus au rock progressif ou autres pop gentillettes. Non, les punks ont pris le pouvoir, au moins sur scène, et leurs dieux s’appellent The Clash, The Damned, et, bien entendu les Sex Pistols, véritables emblèmes du mouvement naissant. Droits dans leurs Creepers et la crête impeccable, les punks déferlent alors sur la capitale britannique avec la ferme intention de faire trembler les petits bourgeois pétris de bonnes manières et pourquoi pas de faire vaciller le pouvoir en place, à commencer par la sacro-sainte reine qui se prépare à célébrer son jubilé d’argent. Les Sex Pistols, interdits d’antenne et de concerts, ont décidé eux-aussi de fêter l’événement en donnant un concert à bord d’un bateau sur la tamise. La police est sur les dents ! Et pendant ce temps là, l’une des plus grosses cargaisons d’héroïne, 367 kilos purs à 97%, est sur le point d’être revendue quelques part dans le port de Londres…
On ne présente plus les Rouennais Fred Duval et Christophe Quet. Tous deux sont aux commandes de la série Travis depuis maintenant 13 ans, le premier comme scénariste, le second comme dessinateur. Avec cet album paru dans la collection Le Casse, dirigée par David Chauvel, le tandem de choc change radicalement de genre et de style, délaissant - provisoirement bien-sûr - la SF pour le polar avec une fiction plongée dans un bain de réalité pure et dure : l’Angleterre de l’année 1977. « La période punk se prête bien au polar… », explique Fred Duval, « car c’est une époque de rupture sociale. Au-delà de l’intrigue, le roman noir a toujours cherché à décrire la société, alors que la science-fiction permet de mettre en scène nos rêves, nos utopies, nos angoisses. J’ai situé le récit en 1977 car le mouvement punk m’a concerné de près et a nourri mon analyse politique… ». Et La Grande escroquerie, bien que truffée de clins d’oeil et de références à toute cette époque, n’est à aucun moment caricatural. « Nous avons surtout voulu aller au-delà de l’image caricaturale véhiculée par les médias. Les punks étaient d’authentiques intellos venus des facs d’arts plastiques et proches du mouvement situationniste. le punk n’était rien d’autre qu’une radicalisation de certaines idées de Mai 68. C’était une rupture musicale et politique mais beaucoup plus radicale car la société anglaise était devenue bien plus violente…. ». Côté graphisme, Christophe Quet négocie un virage avec un trait beaucoup plus nerveux, moins léché, un peu punk quelque part. « Les punks jouaient fort et parfois un peu faux… », constate Christophe, « mais avec une énergie et une rapidité que j’ai voulu retrouver en dessinant cet album ». Un récit à découvrir au son du seul et unique disque des Sex Pistols, Never mind the bollocks. E.G.