Derrière ce titre hitchcockien se cache une histoire courte de Spirou et Fantasio dessinée par l’une des plus belles signatures de la bande dessinée franco-belge : Franquin. Initialement publié dans le journal Spirou au début de l’année 1959, La Peur au bout du fil est un petit bijou injustement méconnu ou moins connu. Tout y est : le trait de génie du maître bien sûr mais aussi le scénario malin et gentiment déjanté de Greg, les décors de Jidehem, la modernité de la fameuse Turbotraction, beaucoup d’humour et un brin d’irrévérence.
L’histoire ? Simple comme un coup de fil. Alors qu’il est au téléphone avec Spirou, le comte de Champignac, distrait, boit un résidu toxique à la place de son café. Résultat des courses, notre scientifique d’ordinaire si gentil et poli se transforme en un être machiavélique et grossier bien décidé à mettre sans dessus dessous la petite communauté de Champignac. Certains voient dans ce personnage la préfiguration du méchant Zorglub qui apparaîtra quelques mois plus tard dans l’aventure Z comme Zorglub.
Dans cette réédition publiée à l’occasion des 75 ans de Spirou, les éditions Dupuis proposent de retrouver les quatorze pages du récit dans une version « director’s cut », fidèle à la publication dans le journal, et remasterisée grâce au travail de fond de Frédéric Jannin notamment sur les couleurs. De la même façon que Bravo les Brothersou La Foire aux gangsters, précédemment réédités dans cette collection patrimoniale, La Peur au bout du fil est largement commenté et replacé dans son contexte de création par Jean-Louis Bocquet et Serge Honorez. Un très beau travail et une lecture passionnante ! EGuillaud
La Peur au bout du fil, de Franquin, Greg et Jidéhem. Editions Dupuis. 24 euros
Avec son long manteau noir, son chapeau noir, son regard noir et son chien tout aussi noir, Amos Laughton n’a vraiment rien d’un enfant de coeur. Et pas seulement d’un point de vue physique. L’homme qui prétend être pasteur et apporter une parole de réconfort à ses semblables, ne fait que répandre la mort sur son chemin. Et lorsqu’il arrive dans le petit village de Promise, au pied des Rocheuses, c’est le diable en personne qui s’invite dans la vie tranquille de la petite communauté…
Des paysages somptueux, un graphisme efficace, une narration dynamique, un personnage et un récit à faire trembler la ménagère de moins de 50 ans… voici un premier volume plus que prometteur qui devrait ravir tous les fans de western et de fantastique. Aux manettes, deux auteurs peu connus, le dessinateur Mikaël (Félice et le Flamboyant bleu…) et le scénariste Thierry Lamy (Le Père Goriot, Contes et légendes du pays celte en BD…). EGuillaud
Le Livre des derniers jours, Promise (tome 1), de Thierry Lamy et Mikaël. Editions Glénat. 13,90 euros
Joe pourrait prendre le bus pour rejoindre son école mais ce matin, comme tous les matins, le jeune garçon préfère s’y rendre à pied en coupant à travers les bois. Il préfère surtout éviter Jason, sa bête noire, sa hantise, son bourreau. Depuis des mois, Joe encaisse les coups, les humiliations, les menaces, le sadisme de ce « camarade » de classe. Alors, ce petit moment de marche entre la maison et l’école est aussi pour lui un moment d’évasion, de liberté, de bonheur et de contemplation. Jusqu’au jour où Jason décide de le suivre…
Initialement publié en anglais sous la forme d’un fanzine alors que Max de Radiguès se trouvait en résidence à Montréal, Orignal aborde le thème particulièrement sensible de la violence et du harcèlement à l’école. Un nouveau plongeon dans le monde de l’adolescence après L’âge dur (éd. L’Employé du moi) ou Frangins (Sarbacane), deux de ses ouvrages précédents. Si le thème est dur, difficile, le graphisme est lui léger, épuré, quasi-enfantin comme pour mieux aller à l’essentiel. Un auteur à découvrir ! EGuillaud
Orignal, de Max de Radiguès. Editions Delcourt. 13,95 euros
Certes, Daniel Saboutet n’est pas du genre fonceur, à écumer les petites annonces, à harceler Pôle emploi ou à faire du porte à porte pour trouver un job. Il faut dire qu’entre les sorties avec les potes et sa passion dévorante pour le modélisme, il lui reste finalement peu de temps. De toute façon, Daniel attend les résultats d’un concours aux PTT…
Et c’est un peu pareil avec les filles, pas vraiment le courage de les aborder. Il y a bien la voisine quand son mari n’est pas là… mais rien de vraiment sérieux. Et puis un jour, c’est le gros lot. Daniel apprend qu’il a réussi son concours. Il est postier. Adieu la banlieue parisienne, direction le petit village d’Azet où il distribuera désormais les bonnes et mauvaises nouvelles…
Je ne sais pas vous mais moi les problèmes des bobos parisiens en mal de reconnaissance et d’amour, à un moment ça lasse. Heureusement, Pascal Rabaté est là pour nous remettre régulièrement les pieds sur terre, les pieds dedans même comme le revendiquait un de ses albums publié bien avant le célèbre Ibicus. Et c’est un nouveau morceau de vie, de vraie vie, qu’il nous propose ici, le quotidien ordinaire de gens normaux, comme dirait notre président, mais avec un sens de l’observation et de l’humour sans équivalent dans la bande dessinée francophone. Biscottes dans le vent est en fait à la fois la reprise et la suite d’un récit sorti en 2001 et intitulé Tartines de courant d’air. Un peu plus de dix ans séparent donc la première et la deuxième partie mais le trait de Bibeur-Lu déjà remarquable a gagné en lisibilité et en élégance. Un p’tit bonheur. EGuillaud
Biscottes dans le vent, de Bibeur Lu et Pascal Rabaté. Editions Vents d’Ouest. 25,50 euros
Troisième et dernière partie des Essentielles de la saison estivale. Plongez dans cette sélection de quatre albums pour les plus jeunes … Visitez également la sélection des 20 indispensables, par l’ACBD, l’Association de Critiques et journalistes de Bandes Dessinées … « C’est l’été, lisez des BD ! »
En ces temps de canicule qui fait transpirer l’Europe, un vent frais souffle depuis une petite ville d’Amérique du Nord. Orignal, c’est le titre de roman graphique ; c’est aussi le nom d’un animal superbe, une sorte d’élan qui vit au Canada et ponctue ce récit peu commun.
Joe est un adolescent qui, comme tous ceux de son âge, se rend à l’école. Mais lui est tous les jours en retard. Il prend des chemins buissonniers à travers la forêt enneigée. Sa façon à lui d’éviter son tortionnaire, un garçon de sa classe qui le rackette et le martyrise jusqu’à l’extrême. Il y a ceux qui ferment les yeux (les copains, les infirmières), ceux qui devinent (le professeur) et ceux qui s’interrogent ( les parents). Tous seront toutefois impuissants à l’aider.
OrignalL par Max de Radiguès – Shampoing
Par petites touches et avec peu de dialogues, l’auteur fait évoluer son récit hors des sentiers battus. A l’image de son héros, il est un fin observateur de la nature et des beautés qu’elle recèle. Le trait est limpide, dans un noir et blanc simplifié, pour toucher droit au but le lecteur. Le thème abordé est fort et jusqu’à la chute finale traité sans manichéisme. Max de Radiguès (Frangins, 520 Km) est sans conteste un auteur à découvrir – et à suivre pour ceux qui ne le connaissent pas encore.
Dès qu’elle apparaît, les hommes, qu’ils soient roi ou simple manant, sont aimantés. Par la force d’un puissant charme, la jeune fille, que tout son village avait coutume d’appeler Morue – en raison de l’odeur de poisson qui lui colle à la peau – est devenue la Reine Beauté. Physiquement elle n’a pas changé, son visage manque toujours de grâce; mais c’est la perception que chacun a d’elle qui s’en trouve modifiée.
C’est une magnifique fable morale que nous livre là le tandem Hubert et KerascouëtEn fait ils sont trois puisque les Kerascouët sont deux, il s’agit d’un nom de plume partagé par deux dessinateurs Marie Pommepuy et Sébastien Cosset. Après le très drôle Miss Pas Touche, ils récidivent, toujours avec humour, pour nous conter les bonnes et mauvaises fortunes de cette Reine, ivre du succès et du pouvoir qu’elle obtient avec ses nouveaux attraits.
Beauté par Kerascoët & Hubert – Dupuis
Ce conte, prévu au départ pour un public adulte, s’est assagi dans sa forme quand le magazine Spirou a souhaité le pré-publier. Mais comme le confirment les auteurs, le fond n’a pas changé et c’est toute la force de cette trilogie de jouer sur plusieurs registres, de la douceur de l’enfance à la cruauté du monde adulte. Cette richesse se retrouve dans la narration graphique, tant le talent du couple Kerascouët est grand et multiforme. Pour accentuer la beauté de leur héroïne, elle est dessinée tout en courbes, avec un trait fin et épuré, et avec de grands yeux noirs.
Beauté par Kerascoët & Hubert – Dupuis
La Reine Beauté rend fous les hommes et jalouses les femmes, mais Beauté est à lire par tous car c’est tout simplement un merveille graphique qui s’inscrit dans la grande tradition des contes jusqu’à son dénouement plus que réussi.
Cela fait déjà bientôt 30 ans que ce drôle de détective existe. Il agit dans nos mémoire comme une madeleine de l’enfance. Jérome K. Jérome Bloche est une sorte d’éternel adolescent qui se déplace dans Paris en vélo solex et qui mène des enquêtes de proximité. Cet album nous relate sa 23ème enquête. Cette fois-ci, il a affaire à un maitre chanteur qui demande à être payé en chèque ! Le secret des confessions de l’église de Clignancourt, à coté du domicile du détective, est en jeu. Habillé à la façon d’un privé américain des années 40, ce jeune « Bogey », nonchalant et lunaire, surprend toujours le lecteur par la subtilité des thèmes abordés (racisme, intégrisme, parentalité …).
Jérôme K. Jérôme Bloche – Post Mortem t23 par Dodier – Dupuis
Sans à priori, et sans porter de jugement sur ses clients, comme sur ceux qu’il finit toujours par arrêter, ce personnage est à l’image de son auteur Dodier : un héros très discret qui mérite sa place, après tant d’années, au Panthéon du 9ème art.
Ces ados, ce sont les nôtres, les vôtres, celui ou celle que tout un chacun a un jour été. Des adolescents, Françoise Dolto disait qu’ils sont « comme le homard pendant la mue, sans carapace, confronté à tous les dangers et à la nécessité d’en «suinter» une autre. Vulnérable à toute sortes de sollicitations, l’adolescent(e) tend alors parfois à compenser son manque de défense par des changements d’attitudes soudains et variés, des comportements excessifs, voire déviants. »
Cette intégrale de la grande Florence Cestac (elle nous a réjoui récemment avec sa soixantaine héroïque dans son Démon du Soir), reprend les planches publiées toutes les semaines depuis 2002 dans Le Monde des Ados. Rassemblées en un unique album, cela devient une sorte de mode d’emploi pour les ados et leurs parents, un manuel de survie dans ce qui peut devenir un ouragan familial, laissant peu de monde intact.
Les Ados Laura & Ludo (l’intégrale) par Florence Cestac – Dargaud
Cette BD de Cestac veut fêter la force de vie des adolescents, comme Dolto en son temps, lorsqu’ elle s’adressait directement à eux plutôt que de parler sur eux. Elle croyait en leur capacité à inventer l’avenir, car, disait elle : «la société changera sous la pression des jeunes ».
Avant d’être auteur de bande dessinée, Aurélien Ducoudray était journaliste et notamment photographe de presse pour un quotidien de province. C’est justement dans les colonnes de celui-ci qu’il prend connaissance du départ imminent d’un camion humanitaire pour la Bosnie. Nous sommes en 2004. Aurélien entre immédiatement en contact avec les bénévoles de la mission et parvient à se joindre à eux. 56 heures de route, 1700 kilomètres et 4 frontières plus loin, Aurélien découvre un pays encore profondément marqué, traumatisé, par la guerre…
Bien sûr, dès les premières pages,Clichés de Bosnie ne peut que nous faire penser à la trilogie du Photographe (éd. Dupuis)d’Emmanuel Guibert et de Didier Lefèvre sauf qu’ici, le travail du photographe, en l’occurrence d’Aurélien, n’est pas réellement au centre des préoccupations, même si Aurélien se met en scène dans le récit et même si quelques-une de ses photographies sont réunies dans un cahier spécial en fin d’album. L’idée de départ était bel et bien de réaliser un reportage sur la Bosnie pour son journal. Huit ans après, le reportage se transforme en bande dessinée-reportage sous la plume d’Aurélien et le pinceau de François Ravard. Suivant les préconisations du grand Robert Capa qui disait « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près » ou encore « Aime les gens et fais leur savoir », Aurélien Ducoudray et François Ravard nous offrent un témoignage particulièrement fort sur la Bosnie, les Bosniaques, la guerre et ses conséquences… le tout avec beaucoup de proximité, d’humanité et d’humour. EGuillaud
Clichés de Bosnie, d’Aurélien Ducoudray et François Ravard. Editions Futuropolis. 27 euros
Une intégrale se termine, une autre démarre ! Avec ce treizième volume, l’intégrale consacrée au tandem de choc Tif et Tondu s’achève en effet. 60 ans d’aventures, 45 albums, sept auteurs parmi lesquels Fernand Dineur le créateur, Will le grand patron, ou encore Sikorski et Lapière les ultimes animateurs. Ultimes ? Peut-être pas car si l’arrêt fût pour le moins brutal en 1997, un retour ne serait aujourd’hui pas exclu comme le laisse entendre Didier Pasamonik dans le cahier graphique qui accompagne ce recueil. En attendant, ce dernier volume réunit trois aventures et non des moindres : Les Vieilles dames aux cent maisons, Fort Cigogne et Le Mystère de la chambre 43. Trois petits bijoux simenoniens !
De 20 ans leurs cadets, les Schtroumpfs sont nés autour d’une table réunissant Pierre Culliford, André Franquin et leurs épouses. Un mot qui ne vient pas et Pierre Culliford, alias Peyo, lance le schtroumpf pour désigner une salière. Le repas se concluera en schtroumpferies diverses. Un an plus tard, Peyo glisse les premiers lutins bleus dans une histoire de Johan et Pirlouit, La Flûte à six trous, et publie en 1959 dans le journal Spirou la première aventure des Schtroumpfs sous la forme d’un livre miniature à confectionner soi-même, Les Schtroumpfs noirs. C’était parti pour une des plus belles aventures du Neuvième art. Le premier volet de cette nouvelle intégrale réunit un cahier graphique d’une quarantaine
de pages revenant sur le contexte de création ainsi que les récits publiés dans les albums Les Schtroumpfs noirs (dans son format d’origine), Le Schtroumpfissime, La Schtroumpfette, L’oeuf et les Schtroumpfs. Schtroumpfement bien !
Ils ont une taille de lutins mais cette fois une forme humaine, ce sont les Petits hommes de Pierre Seron. Le cinquième volume de l’intégrale consacrée à leurs aventures réunit quatre grands récits, Dans les griffes du seigneur, Le Guêpier, Les Prisonniers du temps, Le Petits hommes et les hommes-singes,ainsi que trois histoires courtes et une interview très intéressante de Vittorio Leonardo qui signa la mise en couleur de la série. EGuillaud
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Dans le détail
Tif et Tondu (Intégrale 13), de Sikorski et Lapière. 24 euros
Les Schtroumpfs (Intégrale 1), de Peyo. 28 euros
Les Petits hommes (Intégrale 5), de Seron et Hao. 24 euros
La vie est trop courte pour s’habiller triste scandait il y a quelques années la publicité d’une célèbre marque de vêtements. Et c’est vrai, la vie est courte, trop courte, alors autant en profiter et la tourner en dérision comme le font si bien Manu Larcenet et Jean-Michel Thiriet dans ces cartoons réalisés à la fin du siècle précédent. A l’époque, Manu Larcenet venait de lancer les aventures de Bill Baroud pour les éditions Fluide Glacial et Jean-Michel Thiriet multipliait les expériences pour les éditeurs indépendants, Spirou et Canal +. Vache, absurde, noir, délirant… mais toujours savoureux, l’humour de ces cartoons nous fait bien évidemment penser à Pierre Desproges mais pas que. Goossens, Gary Larson, Pifou, Woody Allen, Les Monty Pythons… sont revendiqués comme de sérieuses références. Publiés de-ci de-là avant d’être réunis une première fois en trois albums publiés dans la collection Humour Libre des éditions Dupuis, les cartoons trouvent aujourd’hui, avec cette intégrale à l’italienne, un écrin à leur juste mesure. Magnifiquement drôle ! EGuillaud
La Vie est courte, de Larcenet et Thiriet. Editions Dupuis. 30 euros
L’Ecureuil du Vél’ d’Hiv par Christian Lax – Futuropolis
C’est un lieu historique du sport dans la capitale, un lieu où le vélo sur piste a acquis ses lettres de noblesse, une salle où le Tout-Paris venait se faire voir dans la première moitié du 20e siècle. Mais le Vélodrome d’Hiver, le Vél’ d’Hiv comme chacun l’appelle, est resté dans les mémoires pour un des faits les plus marquants de la Seconde Guerre mondiale : la rafle de 13 152 français de confession juive par la police française. Christian Lax réussit avec cet album L’écureuil du Vél’ d’Hiv à faire le récit de ces deux histoires, à travers le regard d’un journaliste et de son frère, un cycliste sur piste.
Sam, l’aîné, est un des meilleurs de sa génération. C’est un pistard, un coureur cycliste sur piste. Apprécié du public populaire, il est surnommé l’écureuil du fait de son agilité. Eddie, le cadet, est handicapé d’un bras ; cela ne l’empêchera pas d’écrire et de devenir un journaliste engagé dans la Résistance en signant ses articles contre l’occupation nazie : L’écureuil !
L’Ecureuil du Vél’ d’Hiv par Christian Lax – Futuropolis
A travers les coulisses du Vél d’Hiv, l’auteur fait le récit, sans manichéisme, des années noires de l’Occupation, jusqu’au drame de la rafle du 16 juillet 1942. La mère des deux garçons se retrouve enfermée avec 13 000 autres personnes dans des conditions épouvantables. Ses enfants ne la reverront pas malgré les efforts de leur père et ses relations avec des officiers allemands. Moins de 100 personnes survécurent à la déportation et aucun des 4 115 enfants.
L’Ecureuil du Vél’ d’Hiv par Christian Lax – Futuropolis
Passionné de cyclisme, c’est le 3ème récit que Christian Lax consacre au monde du vélo dans l’Histoire, après L’Aigle sans Orteils (le Tour de France dans les années 1910) et Pain d’Alouette (Paris-Roubaix dans les années 20). Son objectif est à chaque fois le même : présenter la volonté de s’élever malgré un handicap (en 1987, il publie Des Maux pour le dire, l’histoire tout en pudeur d’un handicapé, inspirée de son frère) et la vie quotidienne des gens ordinaires au destin peu commun.
En s’inspirant de faits réels, Lax construit un album richement documenté. Il trouve le trait juste et acéré pour ce récit dense. Les courses sont tout en dynamisme et puissance, les scènes intimistes en douceur et intensité, renforcées par une riche palette de couleur ocre.
Comme moi, la BD sous toutes ses formes vous appréciez. Sous toutes les latitudes, vous les dévorez. Alors plongez dans cette sélection de 12 albums pour tous les âges et tous les goûts, à lire à la plage, sur les sommets ou sous la couette …
« Il y a des meurtres mais ce n’est pas un polar, il y a peu d’espérance mais ce n’est pas un roman noir, il y a une homme et une femme mais ce n’est pas une histoire d’amour », nous affirme l’éditeur Futuropolis. Zone Blanche, c’est une enquête policière, écrite et dessinée à sa façon, par Jean Claude Denis, Grand Prix d’Angoulême 2012 et président cette année du festival.
L’homme, un parisien, souffre d’un mal encore peu connu et peu répandu, il est électro-sensible. Il souffre de tous les ondes produites par les téléphones, ordinateurs et autres antennes relais. Seul refuge possible : les zones blanches. Un soir de grande panne généralisée d’électricité, il revit et peut sortir de chez lui. C’est l’occasion d’une étrange rencontre avec une femme singulière dans une atmosphère de nuit noire.
Zone Blanche par Jean-Claude Denis – Futuropolis
A l’opposé, en pleine lumière, et en forêt, pas loin d’une ligne à Très Haute Tension, un homme est découvert, tué sur le coup. Comme le dit un enquêteur : « J’ai déjà vu des meurtres maquillés en suicides, mais le contraire, alors là, c’est bien la première fois ! »
Jean-Claude Denis signe là une belle mécanique de crime parfait, aux contours déliés et subtils. Un récit psychologique bien orchestré avec une belle construction en flashback et une confirmation s’il en était besoin, du talent graphique de son auteur.
Une fripouille à l’élégance rare, un héros à l’image de son scénariste, un homme au franc parler qui multiplie les expériences et les employeurs pour son plaisir personnel et le nôtre en retour. Tel est Silas Corey, le nouveau personnage du 7e art imaginé par Fabien Nury (l’auteur de la grande série à succès Il était une fois en France) et dessiné avec brio par Pierre Alary (Belladone).
L’action commence pendant la première guerre mondiale. 1917 : Georges Clémenceau n’est pas encore Président du Conseil. C’est un opposant acharné qui recherche des preuves de la trahison du gouvernement en place, afin de faciliter son retour en politique. Il fait appel à l’ancien reporter devenu détective et aventurier, Silas Corey. Mais celui-ci aime l’argent et adore manipuler ses différents employeurs. Il est surtout au service de lui-même.
Silas Corey par Fabien Nury & Pierre Alary – Glénat
Avec, en toile de fond, une période historique bien exploitée au service de l’intrigue, ce nouvel héros arrogant reste néanmoins attachant et fait une entrée réussie avec ce dyptique. Une série à suivre sans hésiter si ses auteurs décident de poursuivre l’aventure.
Cet album est un véritable OGNI : un objet graphique de toute beauté, à l’image du site internet qui lui est dédié et de l’exposition qui lui est consacré à la Cité Internationale de la Bande Dessinée (jusqu’au 6 octobre 2013). Une pureté du style « atome » cher aux dessinateurs André Franquin (Spirou, Gaston) et Will (Tif & Tondu), allié à une narration exceptionnelle. Le scénario est basé sur un cas clinique réel des années 50, celui d’un américain surnommé, par le psychanalyste qui l’a suivi, Kirk Allen. Ce spécialiste du monde asiatique travaille dans un secteur gouvernemental particulièrement sensible. Il semble parfaitement intégré dans la société, jusqu’au jour où son trouble de la personnalité est découvert. En effet, depuis l’âge de 13 ans, il aurait développé des capacités de télépathie avec un personnage vivant dans un futur galactique. Le lecteur est baladé entre les années 1 920, 1 950 et 121 000 et les lieux : Asie, Mexique, Washington … sans jamais être perdu.
Souvenirs de l’Empire de l’Atome par Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse – Dargaud
Souvenirs de l’Empire de l’Atome est une belle revisitation de l’histoire de la science-fiction et s’inspire de la vie de Cordwainer Smith, de son vrai nom Paul M.A. Linebarger (le prénom du héros), auteur culte des fifties, universitaire et militaire spécialiste de la guerre psychologique. Un livre au papier suranné qui permet de se replonger avec un plaisir affirmé dans cette période de la guerre froide mythifiée ou fantasmée. A vous de le lire au premier degré – ou de partir à la recherche des nombreuses références parsemées au travers des cases …
Souvenirs de l’Empire de l’Atome par Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse – Dargaud
Le scénario redouté est devenu une réalité. La Belgique est scindée en deux Etats. Tel est le postulat de départ de ce récit. La République Démocratique de Wallonie, avec à sa tête un Président-Capitaine, devient peu à peu un pays totalitaire. L’action se déroule au sein d’un groupe scout proche des jeunesses hitlériennes.
La manipulation des uns et des autres est au coeur de ce récit sur fond de magouilles politiques et de lutte armée d’un groupe de résistance.
Au final, un album déconcertant, entre thriller et politique fiction, avec en ligne de mire l’achat iconoclaste de la dépouille de Mao Zedong, un modèle chinois pour ce régime adepte lui aussi du culte du chef.