19 Nov

Théodore Poussin de Frank le Gall en intégrale

Théodore Poussin n’est pas un héros au sens strict du terme. C’est un gars ordinaire plongé dans une aventure extraordinaire. Il est né anti-héros, il le restera le temps de ses 12 aventures. Un anti-héros magnifique de la trempe d’un Corto Maltese. De ce dernier, il a d’ailleurs hérité le goût du large, l’envie de voyages. Tout commence en 1928 à Dunkerque. Théodore est alors commis aux écritures à la Compagnie des chargeurs maritimes. Un travail de bureau sans horizon. Jusqu’au jour où il se décide à embarquer pour l’Indochine à la recherche d’un oncle disparu : le capitaine Steene. C’est le début d’une longue, très longue quête du côté de Haiphong, Singapour, Macassar, Bornéo ou encore Java. Aventure, exotisme, mystère… La série de Frank Le Gall est l’une des plus belles créations des années 80-90 et l’une des plus belles du Neuvième art tout simplement.

Ce troisième volume de l’Intégrale Théodore Poussin est le dernier. Il réunit quatre récits, La Terrasse des audiences 1 et 2, Novembre toute l’année et Les Jalousies. Frank Le Gall est alors au sommet de son art. Les planches sont d’une rare intensité dramatique, poétique et exotique. Le voyage est immédiat ! Bonheur suprême, un dossier d’une cinquantaine de pages revient sur le contexte de création avec à l’appui de nombreuses illustrations, des couvertures, des croquis et les planches inédites d’un premier découpage de Novembre toute l’année. Une opportunité magnifique pour tous les fans et les autres de (re)plonger dans ces aventures au long cours. EGuillaud

Intégrale Théodore Poussin (tome 3), de Frank Le Gall. Editions Dupuis. 28 euros. Pour l’intégrale complète, comptez 76 euros, le prix de l’excellence.

14 Nov

Le Loup des mers de Jack London librement et merveilleusement adapté par Riff Reb’s

Loup Larsen domine son navire et ses marins par la force, la violence et le mépris, il aurait pu dominer le monde par sa culture. C’est à peu près en ces termes que le jeune naufragé Humphrey Van Weyden, journaliste, chroniqueur, féru de littérature, décrit le Capitaine de goélette qui l’a sauvé des eaux. En être terrifiant qui n’a pas la même définition de la vie, de la mort, que le marin moyen. Mais avec une connaissance de la littérature hors-norme qui forcément interroge, intrigue. Recueilli à bord du phoquier après une infortune de mer, Humphrey Van Weyden est enrôlé de force comme mousse. Mais entre les deux hommes, très vite, naît une relation étrange, un rapport de force et de culture…

Quel délice ! Oui, quel délice de retrouver le coup de crayon et les atmosphères de Riff Reb’s. L’auteur havrais des mythiques et complètement punk Bal de la sueur et Aaaargh parus au milieu des années 80 chez Glénat, et plus tard des aventures de Myrtil Fauvette aux Humanos, nous revient avec l’adaptation de ce roman de Jack London. Et le résultat ? Comme une évidence ! Chaque planche, chaque vignette, chaque mot, est un régal. Riff Reb’s déploie avec force son trait dynamique et précis qui flirte parfois avec la gravure. Le traitement monochrome finit d’ajouter une dimension dramatique exceptionnelle à l’ensemble du récit. Aucun doute, Le Loup des mers version Riff Reb’s est une merveille, un des albums chocs de ce dernier trimestre 2012. EGuillaud

Le Loup des mers, de Riff Reb’s. Editions Soleil. 17,95 euros

12 Nov

Capitaine Cormorant et autres récits, un album d’Hugo Pratt

Oubliés ? Presque. Les trois récits réunis dans ce recueil avaient pourtant bien été édités en France dans les années 80. Mais qui s’en souvient aujourd’hui si ce n’est les passionnés ? Qui se souvient par exemple des aventures de Billy James dans les territoires des Grands Lacs, de L’Assaut du fort qui nous plonge au coeur de la guerre de sept ans, et surtout de Capitaine Cormorant dont les planches préfigurent l’album La Ballade de la mer salée et les aventures d’un des plus grands marins de la bande dessinée mondiale, Corto Maltese. Antonio Carboni, spécialiste de l’oeuvre d’Hugo Pratt, écrit très justement en préface : « On aperçoit déjà le souffle des grands espaces océaniques, les vagues majestueuses, le vol et le cri des goélands, les huttes et les embarcations des indigènes ». Tout est là en train de s’installer dans la tête et sur les planches d’Hugo Pratt…

Pour autant, ces trois récits, écrits au début des années 60 ne sont pas des oeuvres de jeunesse qu’on pourrait ignorer, voire mépriser. Hugo Pratt y fait déjà preuve d’une très grande maîtrise de son art. Et cette édition particulièrement soignée, au format à l’italienne avec custode, leur offre une nouvelle vie, leur redonne même un aspect très contemporain avec une mise en couleurs légère, aux tons pastels. Admirez ces planches, ce trait, ce noir et blanc, ces personnages, cette poésie, cette impression de voyage immédiat… C’est du Pratt, du grand Pratt. Un ouvrage indispensable pour les fans et pour tous ceux qui veulent découvrir un des auteurs majeurs du Neuvième art ! EGuillaud

Capitaine Cormorant et autres histoires. Editions Casterman. 27 euros

HSE pour Human Stock Exchange, un récit de SF signé Dorison et Allart chez Dargaud

Vous rêvez d’investir dans une valeur sûre ? Alors, investissez dans l’être humain. C’est facile, pas trop cher et ça rapporte gros. C’est le HSE, Human Stock Exchange, créé par un certain Simon Sax pour Meninvest Finance. Et parmi les plus belles progressions du moment, le docteur Jonas Miller, un million d’eurodollars de plus-value sur son cours. De quoi faire rêver tous les investisseurs du monde. De quoi faire rêver aussi Félix Fox. Lui n’a pas un centime pour acheter des actions. Il vend des voitures par visiomail chez Zelig et vit dans un quartier de misère sans pouvoir se payer un litre d’eau chaude. Mais Félix Fox rêve de devenir un « Red Eyes », un de ces « yeux rouges », rougis par le travail… Autrement dit, il souhaiterait entrer en bourse, devenir un de ces fameux êtres « côtés » et empocher au passage un beau petit pactole. Mais Les candidats sont nombreux et notre jeune homme va s’apercevoir très vite que l’argent ne se gagne pas sans sacrifices…

Des hommes côtés en bourse, il fallait l’imaginer, Xavier Dorison l’a fait ! Lui, l’ex-spécialiste de la finance d’entreprise, imagine ici un futur proche ravagé par la crise financière, les licenciements, les émeutes de petits porteurs ruinés… et donc ces hommes découpés en milliers d’actions et condamnés à rendre en permanence des comptes à des actionnaires assoiffés d’argent. Un scénario à faire frémir les plus libéraux, un dessin réaliste signé Thomas Allart qui fait mouche et une douce atmosphère futuriste, toujours proche du possible… ce premier tome très réussi laisse présager la naissance d’une nouvelle grande série de SF. EGuillaud

HSE, Human Stock Exchange (tome 1), de Dorison et Allart. Editions Dargaud. 13,99 euros

04 Nov

Thorgal : un monde d’aventures…

La série Thorgal est l’une des pièces maîtresses des éditions du Lombard et un monument du patrimoine mondial de la bande dessinée. C’est en 1977 que le personnage fait son apparition dans les pages du journal Tintin, le temps d’une aventure de 30 pages pensent alors les auteurs Grzegorz Rosinski et Jean Van Hamme. Mais les lecteurs vont en décider autrement. Ils aiment, ils adorent et en redemandent. En 1980 paraît le premier album « La Magicienne trahie ». C’est le début d’une longue, très longue aventure. 35 ans de longévité à ce jour, 33 albums et 2 séries parallèles, Kriss de Valnor et Louve, réunies sous l’appellation Les mondes de Thorgal. L’une et l’autre développent les aventures de personnages secondaires rencontrés par Thorgal ou de certains membres de sa propre famille.

Une troisième série parallèle est annoncée et portera sur La Jeunesse de Thorgal. En attendant, deux albums sont sortis ce mois-ci, La main coupée du dieu tyr, deuxième volet de Louve, et Digne d’une reine, troisième opus de Kriss de Valnor. Mais ce n’est pas tout ! Les éditions du lombard viennent de publier un making-of intitulé Aux origines des Mondes qui revient sur ce récent développement de la série. Au sommaire : les interviews des différents auteurs, Grzegorz Rosinski en tête, suivi d’Yves Sente, de Giulo de Vita, Roman Surzhenko, Yann, mais aussi de nombreuses illustrations, des photographies, des découpages, des crayonnés et même des séquences inédites. Des ouvrages indispensables pour les fans de base… EGuillaud

Digne d’une reine, Kriss de Valnor (tome 3), de Sente et De Vita. 12 euros
La main coupée du dieu Tyr, Louve (tome 2), de Yann et Surzhenko. 12 euros
Lz monde de Thorgal aux origines des Mondes. Hors série. 12 euros

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Retrouvez ci-dessous la bande annonce du troisième volet de Kriss de Valnor
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03 Nov

Eden Hôtel ou le jeunesse d’Ernesto Guevara selon Gabriel Ippoliti et Diego Agrimbau

Eden Hôtel n’est pas la première bande dessinée sur le Che. Il y a eu le fameux Che publié en 1968 et signé Hector Oesterheld, Alberto Breccia, Enrique Breccia, plus proche de nous, Le Che une icône révolutionnaire de Spain Rodriguez (Hors Collection) ou encore le livre d’Olivier Wozniak, Maryse et Jean-François Charles, Libertad Che Guevara (Casterman). Mais c’est peut-être la première fois que le mythique personnage se trouve plongé dans un récit qui relève à la fois de la réalité historique et de la fiction.

Le scénariste argentin Diego Agrimbau est parti d’un lieu et d’un contexte bien réels pour mettre en scène Ernesto Guevara Lynch père et fils. Le contexte, c’est la deuxième guerre mondiale, et le lieu, un hôtel de luxe en Argentine dont les propriétaires allemands ont affiché dès le début de la guerre leur soutien à Hitler, au point de transformer le site en un véritable bunker nazi. Autre fait bien réel, le père du futur Che apparaît comme un membre actif  d’Action Argentine, une organisation militante qui enquêtait sur les activités nazies en Amérique du Sud. Et c’est aux portes de l’hôtel que commence la fiction. Ernesto Guevara père et fils n’y ont jamais mis les pieds. « Ils se sont arrêtés devant le portail, ont regardé autour d’eux … », précise Diego Agrimbau dans une interview publiée en fin d’ouvrage, « et sont immédiatement repartis en direction d’Alta Gracia, où ils habitaient alors […] Jamais ils n’ont résidé à l’hôtel. Mais pour moi, c’est là qu’a commencé la fiction, ou plutôt l’uchronie… » Et d’imaginer le père du Che et le futur Che lui-même, alors enfant, infiltrés au coeur de la place forte ennemie avec pour tâche de déjouer les plans d’une éventuelle invasion de l’Amérique latine. Après La Bulle de Bertold et La Grande toile, Diego Agrimbau et le dessinateur Gabriel Ippoliti nous offrent un nouveau récit captivant, bien construit, toujours inscrit dans le plausible, avec un dessin réaliste précis et des couleurs particulièrement soignées. EGuillaud

Ernesto, Eden Hôtel (tome 1), de Gabriel Ippoliti et Diego Agrimbau. Editions Casterman. 13,50 euros

01 Nov

Il était une fois en France t6 de Fabien Nury et Sylvain Vallée – Glénat

Le Grand Paris de la BD n°5

Il était une fois en France (t6)

Attention cette saga est la série d’albums à lire sans plus attendre. Devenue culte, elle a reçu le prix de la meilleure série à Angoulême en 2011. Un succès d’édition avec 150 000 exemplaires vendus pour le 1er tome et un total de 500 000 pour les cinq premiers. Le 6ème et dernier vient tout juste de sortir.

L’essentiel de l’intrigue se déroule pendant la seconde Guerre mondiale. Elle est tirée d’une histoire vraie, celle de Joseph Joanovici, figure des plus controversées.

« Un homme au destin extraordinaire, une fresque humaine phénoménale. Au cours de la lecture de chacun des 6 tomes, il vous sera difficile de dire si c’est un héros ou un salaud, un Résistant (150 personnes sauvées) ou un Collabo (des milliards engrangés). Pendant la seconde Guerre mondiale, il a été les deux à la fois et pas qu’à moitié, avec une formidable capacité de rebond et un instinct de survie hors du commun. »

Joseph Joanovici - photo identité judiciaire

Ainsi s’exprime avec passion le scénariste Fabien Nury quand il répond à une question sur son personnage.

« Je ne pouvais pas m’empêcher de l’aimer à la fin du tome 6. A la fin du 4 je l’ai profondément détesté. Il a tué tant de monde et pourtant il obtient son certificat de bon Résistant. Je souhaitais sa chute. Comme son pire ennemi c’était lui-même, elle a fini par arriver. »

Son compère, le dessinateur Sylvain Vallée, insiste quant à lui sur « son souhait d’entretenir la dimension humaine du personnage, quoi qu’il ait fait ». « Je démarrais sur une fiction et au fil du dessin la réalité du personnage devenait palpable», confie-t-il. « J’ai un dessin semi caricatural, qui tend vers l’expressionisme. C’est plus intéressant de suggérer une émotion dans le regard du personnage que de l’écrire. Il y a beaucoup de choses qui viennent du ventre quand je dessine. C’est ma sensibilité. Mon imaginaire vient du cinéma. Depuis gosse, je suis dans la BD. Le cinéma c’est mon rêve.»

Les deux auteurs confirment que le titre de la série est bien sûr un hommage au cinéma de Sergio Leone et en particulier au film Il était une fois en Amérique pour la structure en flashback du scénario du 1er tome. Pour chacun des tomes suivants, ils avaient d’autres références cinématographiques en tête : Monsieur Klein (t.2), L’Armée des Ombres (t.3), Paris brûle-t-il ? (t.4) et Règlement de comptes (t.5). Pas de référence dans le dernier, la série est elle-même devenue une référence.

planche 3 - Sylvain Vallée - Glénat

Fabien Nury glisse avec malice : « Au départ, personne ne croyait que cela pourrait marcher. Nous faisions l’inverse de ce qui est conseillé habituellement pour un succès : une histoire simple, un personnage attachant et des rebondissements linéaires. Là nous démarrons avec des flashbacks, un anti-héros moche de sa personne, poursuivi par un autre type pas tellement plus sympathique. Et c’est devenu le plus grand succès de nos deux carrières. Croire en son histoire, c’est la clé. Faire confiance au regard des personnages, travailler les silences, les réactions des personnages. Le décor ne raconte pas une émotion, il donne une ambiance que nous avons en tête. La seconde Guerre mondiale, c’est notre mémoire collective, notre imaginaire. Cette période exerce toujours une fascination. Nous proposons un nouveau point de vue sur un paysage familier. Joseph Joanovici est le plus formidable vecteur pour raconter l’Occupation. »

« Qu’est-ce que moi j’aurais fait à ce moment-là? C’est la question que nous pouvons tous nous poser. Lui a choisi les deux de miser sur les deux tableaux : la Résistance et la Collaboration. », complète Sylvain Vallée.

Tous deux concluent sur une certitude : leur aventure commune est loin d’être terminée. Un film en cinémascope est en pourparlers. Un passage sur grand écran dont ils entendent rester maître. Et côté B.D, ils n’oublient pas que « contrairement aux Etats Unis ou d’autres pays, en France, notre héritage criminel est largement sous-estimé ». Il y aurait donc là « matière à de nouvelles histoires. »

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La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD : Il était une fois en Amérique d’Ennio Morricone

Pour en savoir plus : Editions Glénat et le site Il était une fois en France

Le blog de Sylvain Vallée

Le reportage de France 3 sur le Tome 4