On est encore loin de Noël mais ces ouvrages-là pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin…
On commence avec une nouvelle collection baptisée Les Cahiers de la bande dessinée, du nom du fameux magazine, et deux ouvrages qui l’inaugurent, Franquin et moi et Dessine!.
Il s’est appelé Schtroumpf au tout début de l’aventure, en 1969, et n’était qu’un fanzine animé par un futur grand éditeur, Jacques Glénat. Il deviendra avec le temps Schtroumpf Les Cahiers de la bande dessinée, puis Les Cahiers de la bande dessinée, puis Les Cahiers de la BD avant de s’arrêter en 1990… et de reprendre sous le même nom en 2017. C’est dans le « prolongement naturel » de ce magazine, écrit l’éditeur Glénat, que se positionne aujourd’hui cette nouvelle collection.
Dans un petit format, Dessine ! permet à Frank Pé de dérouler une réflexion sur un art qu’il ne considère pas comme un « animal hybride » mais comme un « langage unique et cohérent » qui demande « une maîtrise de moyens particuliers, comme l’écriture des dialogues ou la couleur ». Souhaitant ici s’adresser aux apprentis dessinateurs mais aussi aux professionnels et aux lecteurs, bref à tous ceux qui aiment le neuvième art, l’auteur décortique cet art et le questionne en s’appuyant sur son expérience et sur quelques pointures du domaine, Franquin, Follet, Hermann ou encore Moebius.
Avec une première question : Qu’est-ce qui fait un bon dessin ? Et une première affirmation : « Je dois bien avouer qu’une part de ma motivation à parler ici de dessin provient de l’observation d’une accumulation des médiocrités que l’on voit se déployer dans l’édition contemporaine avec beaucoup d’aplomb ».
Qu’il aborde le dessin en tant que tel, les nouvelles tendances comme la bande dessinée reportage, la narration, le découpage ou encore les récompenses, une chose est sûre, Frank Pé n’y va pas par quatre chemins, au risque parfois d’être cinglant mais jamais incorrect, ne citant jamais de nom de qu’il appelle sa matière noire, les exemples négatifs. Ce sont surtout les mots d’un amoureux du bel ouvrage, de cette bande dessinée qui nous transporte vers des horizons, des univers, des imaginaires insoupçonnés. Petit mais costaud, Dessine! est qui plus-est somptueusement illustré par une iconographie finement choisie. Passionnant !
Dans un format plus conséquent cette fois, Franquin et moi est en quelque sorte le making of d’un autre livre, cultisme, récemment réédité aux éditions Glénat, Et Franquin créa la gaffe. Numa Sadoul y rassemblait ses entretiens avec l’un des grands maîtres de la bande dessinée franco-belge, André Franquin, abordant la reprise des aventures de Spirou et Fantasio, la création de Gaston Lagaffe, les fameuses Idées noires, le Trombone illustré… et plus largement son métier d’auteur de BD. Ce livre est devenu une référence pour tous les amoureux du neuvième art.
Rien d’étonnant donc qu’un jour, l’arroseur devienne l’arrosé, autrement dit que l’interviewer prenne la place de l’interviewé. Et dans le rôle de l’intervieweuse, c’est Christelle Pissavy-Yvernault qui s’y colle, une immense spécialiste de la bande dessinée franco-belge et notamment des éditions Dupuis. Avec l’idée de faire une livre réunissant la connaissance théorique et bibliographique de l’une et la connaissance intime sur Franquin de l’autre. À l’image de Et Franquin créa la gaffe, le livre de Christelle Pissavy-Yvernault est un livre d’entretien. Numa Sadoul y raconte ses débuts dans les fanzines, avec Jacques Glénat, ses contributions dans le monde du théâtre, de la littérature, de l’opéra, sa première rencontre avec Franquin, leur amitié… et la réalisation du mythique Et Franquin créa la gaffe. La boucle est bouclée !
Changement d’éditeur et d’univers avec ce somptueux artbook publié par les éditions Daniel Maghen et consacré à la créatrice de la série pour enfants Ernest et Célestine, Gabrielle Vincent. Pour celles et ceux qui n’auraient jamais été enfants, la série Ernest et Célestine a vu le jour en 1981 et met en images un ours, Ernest, et une souris, Célestine. D’une tendresse infinie, leurs aventures apporteront une reconnaissance internationale à Gabrielle Vincent et s’imposent aujourd’hui comme un classique de la littérature jeunesse et au-delà. Les aventures d’Ernest et Célestine ont été adaptées en roman jeunesse, en film d’animation, en série d’animation, en pièce de théâtre…
Patchwork nous propose une biographie en images de Gabrielle Vincent. Plus de 300 pages, presque autant d’illustrations, depuis ses premiers nus réalisés en atelier jusqu’aux dessins préparatoires d’Ernest et Célestine, en passant par des scènes de vie à Bruxelles ou en Afrique du Nord, des portraits ou des paysages. Avec à chaque fois, une précision dans le trait, une élégance dans le mouvement, une émotion dans les yeux. Chez Gabrielle Vincent, tout passe par le dessin. Une référence pour quantité d’illustrateurs et d’auteurs BD !
Eric Guillaud
Dessine!, de Frank Pé. Glénat. 25€ – Franquin et moi, entretiens avec Numa Sadoul, de Christelle Pissavy-Yvernault. Glénat. 32,50€ – Patchwork, de Gabrielle Vincent. Daniel Maghen. 39€