Tous ceux qui ont visité Oradour-sur-Glane vous le diront : impossible d’en revenir intact ! Au milieu des ruines de ce bourg limousin, règne depuis précisément 80 ans un silence comme nulle part ailleurs, un silence lourd de larmes et de sang. Retour sur un acte de barbarie figé pour l’éternité…
Nous sommes le 10 juin 1944. Le débarquement des Alliés en Normandie a surpris les Allemands par son lieu et son ampleur, celui en Provence se prépare.
Appelée à rejoindre le nouveau front ouvert par les Alliés, la division Waffen SS Das Reich remonte vers la Normandie en semant l’horreur sur son passage, à Tulle tout d’abord, où 99 hommes furent pendus, puis à Oradour-sur-Glane.
Dans ce bourg relié par le tramway à Limoges, jusqu’ici à bonne distance des violences de la guerre, 643 morts, des hommes, des femmes et des enfants, meurent sous les balles ou dans les brasiers allumés par les Allemands, faisant d’Oradour-sur-Glane un village martyr dont les ruines sont aujourd’hui visitées par 300 000 personnes chaque année.
C’est cette histoire que raconte Oradour, L’Innocence assassinée, une bande dessinée de Jean-François Miniac pour le scénario, Bruno Marivain pour le dessin et Cerise pour les couleurs. Par la volonté et avec l’aide du dernier rescapé, Robert Hébras, malheureusement décédé le 11 février 2023, les auteurs reconstituent ici le déroulé de cette terrible journée. Avec une ambition forte et aujourd’hui plus que nécessaire : la transmission de la mémoire aux jeunes générations.
Réticente jusqu’ici à utiliser la bande dessinée comme médium de transmission, l’Association nationale des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane a finalement accepté et accompagné ce projet qui a obtenu la labellisation « 80 ans de la Libération », un gage de sérieux.
Et de fait, l’album Oradour, L’Innocence assassinée a été réalisé avec une grande rigueur documentaire dans le déroulement des faits, une grande pudeur dans la représentation de l’horreur et un grand respect pour toutes les victimes de ce qui reste comme le plus grand massacre de civils perpétré par les nazis.
Côté graphisme, Bruno Marivain, qui a déjà signé plusieurs ouvrages sur cette sombre période (Normandie Juin 44, Julia von Kleist…) signe ici une belle mise en images, réaliste, sobre et bougrement efficace. Un dossier historique d’une dizaine de pages réunissant photos et documents accompagne judicieusement le récit.
Eric Guillaud
Oradour, L’Innocence assassinée, de Miniac, Marivain et Cerise. Editions Anspach. 20€