Qui est le prochain ? Car oui, c’est bien ça LA question qui finit par tarauder le lecteur au début de chacun des six chapitres que constituent cette mini-saga. Oui, quel personnage de l’écurie DC COMICS va y passer ? Dceased (jeu de mot entre ‘deceased’ soit ‘décédé’ et DC) est bien un petit plaisir sadique, quasiment un snuff movie, tant il prend un plaisir manifeste à supplicier tous ces héros a priori invincibles.
Alors d’abord, pour tous ceux qui ont la mémoire courte, rappelons quand même que l’éternel concurrent de DC, MARVEL avait eu la même idée il y a quinze ans. Et oui, le point de départ de ce petit jeu de massacre (dans le sens premier du terme) est assez mince, avec le super-vilain Darkseid lâchant ce qu’il appelle « l’équation anti-vie » qui transforme tous ceux qu’elle infecte en une sorte de zombie affamés, dans le seul but est d’éradiquer tout vie sur Terre et tous les super-héros avec.
Mais ces deux problématiques sont assez vite évacuées et on sent bien que les auteurs, surtout le scénariste Tom Taylor, en ont surtout profité pour complètement lever le pied du frein et se lâcher. Et personne n’est épargné. Personne.
Le premier à y passer est Batman. Puis le Joker. Puis Green Lantern… Et ce, avant même la fin du deuxième chapitre ! Chapitres dont les titres seuls sont d’ailleurs éloquents : ‘le monstre tapi en chacun de nous’, ‘une mer de sang’, ‘la fin du monde’ etc. C’est gore, violent et sans pitié, à contre-courant total de l’idée que l’on se fait de ces histoires manichéennes où les gentils réussissent toujours à sauver la veuve et l’orphelin. Or ici, ils ne réussissent même pas à se sauver eux-mêmes.
Le monde DC passe donc ici en pleine horreur apocalyptique, une sorte de Walking Dead désespéré où ces a priori surhommes paraissent pour la première fois incapable d’enrayer la catastrophe. Si la métaphore avec les fake news (en plus du sang, le virus se transmet aussi par les images ou internet) et les ravages de l’hystérie collective est un chouia balourde, la bonne idée du scénario est de les confronter à un ennemi aussi implacable qu’invisible tout en jouant sur nos pires peurs paranoïaques, celles de voir notre frère ou notre ami se retourner soudainement contre nous. Une histoire de contamination sauvage qui, en plus en plein déconfinement, acquiert en plus une étrange résonnance…
Comme le célèbre roman Dix Petits Nègres, on sait que les héros vont un à un mourir, malgré tous leurs efforts. Et comme à la lecture du classique d’Agatha Christie, le lecteur tangue constamment entre complicité pas tout à fait assumé et voyeurisme, un sentiment ambivalent très bien entretenu tout le long de ces 220 pages, malgré une légère baisse de régime à mi-parcours avant le grand final, dantesque et sanglant.
Oui, personne n’est sacré, même les super-héros. Et Dceased prend un malin plaisir à les dézinguer à la tronçonneuse.
Olivier Badin
Dceased de Tom Taylor, Trevor Hairsine et Stefano Gaudiano. Urban Comics/DC. 22,50 euros