Il avait fait sensation en 2014 avec La Proie, un récit de 10 000 cases sur 1000 pages. David de Thuin nous revient aujourd’hui avec un récit animalier qui a les apparences -trompeuses – d’un récit humoristique…
Zola Vernor est manutentionnaire au service expédition des éditions Chatterbooks. Nullement par passion comme on peut l’imaginer mais par obligation. Pour les croquettes en somme. D’un autre côté, Zola sait qu’il est dans la place, la bonne place, lui qui rêve depuis toujours de devenir auteur de bande dessinée.
Hélas, personne chez Chatterbooks ne prête attention à son travail, à ses dessins. Pour tous, il reste le petit manutentionnaire de service, celui qui charrie à longueur de journées les cartons remplis des livres des autres.
Mais un jour, pour avoir sauvé un de leurs congénères de la noyade, des bourdons lui offrent un super-pouvoir, celui de bourdonner ou plus exactement de voler. Oui, comme Superman ! De là à se prendre pour un super-héros…
Et voilà notre Zola, masqué et affublé d’un collant jaune volant au secours de la veuve et de l’orphelin dans tous les recoins sombres et malfamés de sa bonne ville de Chattertown. Ses exploits largement relayés par les médias en font très vite le Roi des bourdons, plus fort, plus rapide, plus populaire, qu’un autre super-héros local, Hyperclébard, dont les aventures faisaient jusqu’ici les beaux jours des éditions Chatterbooks.
La boucle est bouclée. À défaut de devenir auteur de bande dessinée chez Chatterbooks, Zola pourrait en devenir le principal héros de papier…
Récit humoristique ? Histoire de super-héros ? Ne vous méprenez pas, bien qu’assez proche de l’univers de Lapinot du sieur Trondheim, bien qu’assez léger dans le trait et le ton, le récit de David de Thuin porte un regard assez noir et acerbe sur le milieu de l’édition BD. Éditeurs, directeurs de collection, auteurs… tout le monde en prend pour son grade.
Faut-il dès lors voir Le Roi des bourdons comme la réponse à un sentiment, un ressentiment ou à une expérience personnelle ? L’auteur s’en défend même si, reconnaît-il, il a travaillé un an comme manutentionnaire au service expédition de l’imprimerie Proost qui imprimait les albums des éditions Dupuis, Dargaud et autres lombard.
Une chose est certaine, Le Roi des bourdons tient particulièrement à cœur à son auteur qui l’avait publié une première fois en six volumes autoédités, entre 2005 et 2007, avant de nous le proposer aujourd’hui complètement revisité, réécrit et redessiné pour la collection 1000 Feuilles des éditions Glénat.
Au-delà du milieu de la BD, de la condition d’auteur, David de Thuin aborde des sujets sociétaux et existentiels plutôt lourds avec une certaine légèreté. Une très belle réalisation, tant au niveau de l’écriture que de la mise en images et un épilogue qui impose le respect.
Eric Guillaud
Le Roi des bourdons, de David de Thuin. Glénat. 19€