09 Juil

Minivip & Supervip, Bozzetto et Panaccione nous embarquent pour une aventure fantastique et humoristique sur une Terre à bout de souffle

La Terre, dans un avenir plus ou moins proche. Pollution : 99,999 %. Autant dire qu’il ne reste plus grand chose à respirer. De quoi avoir des envies d’ailleurs. Pas pour tout le monde, une colonie d’extraterrestres a décidé de mettre la main sur notre planète. Il faut dire que chez eux, sur la lointaine Sparky, le taux d’humidité flirte avec les 400%…

Bon, autant vous le dire tout de suite, c’est un peu dingo comme histoire mais qui connaît un tant soit peu Grégory Panaccione ne devrait pas être étonné outre mesure. L’auteur de Toby mon ami, Âme perdue, Match, Un Océan d’amour ou encore de la série Chronosquad, s’associe ici avec Bruno Bozzetto pour nous offrir un récit fantastique inspiré du long métrage de ce dernier, Vip mon frère Superman, avec pour personnages centraux deux super-héros, Minivip et Supervip, censés protéger la veuve et l’orphelin des méchants en tout genre et accessoirement de préserver la Terre de potentiels envahisseurs.

Car oui, elle a beau être à bout de souffle notre planète avec ses six milliards d’automobiles et autant de pots d’échappement, elle intéresse encore – visiblement – une bande d’extra-terrestres qui loge pour le moment une planète encore plus hostile, Sparky, où le taux d’humidité avoisine les 400%.

Et la pollution me direz-vous ? Pas vraiment un souci pour nos amis venus d’ailleurs. En fait, cette pollution fait partie de leur plan d’invasion globale. Ils en sont même à l’origine en ayant soufflé il y a quelques décennies l’invention du moteur à explosion aux humains.

Eux, de leur côté, ont inventé le Va-et-Vient, un instrument beaucoup plus écologique qui permet de téléporter qui vous voulez ou vous voulez en une fraction de seconde. Nul besoin d’automobiles qui polluent et engorgent les villes, le Va-et-Vient pourrait bien être l’avenir de l’humanité. Totalement drôle mais pas que !

Eric Guillaud

Minivip & Supervip, de Bozzetto et Panaccione. Soleil productions. 27,95€

© Soleil Productions / Bozzetto et Panaccione

06 Juil

Arrêt de jeu : un thriller au pays du ballon rond signé Matz et Lemur

Lucas DiLucca a une coiffure de footballeur, une voiture de footballeur, un corps de footballeur… et ça tombe plutôt bien parce qu’il est footballeur, un très bon footballeur même qui émarge à 750 000 euros par mois. C’est énorme mais il pourrait encore avoir une augmentation substantielle dans un proche avenir pour service rendu…

Autant d’argent pourrait lui faire tourner la tête, le rendre haïssable mais non. En plus d’être riche, Lucas est plutôt pas mal physiquement, plutôt intelligent et plutôt sympathique. Ce qui l’intéresse avant tout, enfin juste après son fils, c’est sa carrière et pour ça il est prêt à pas mal de sacrifices. Pas d’alcool, pas de femmes, des soirées avec une escort-girl de temps en temps pour l’hygiène, des copains fidèles qu’il aide en toutes occasions… et une gagne sur le terrain qui attire le regard et pas seulement le regard des fanatiques du ballon rond. 

Partout où il y a de l’argent, il y a des gars louches et des plans louches. Il a beau le savoir et tout faire pour s’en préserver, Lucas DiLucca se retrouve pourtant embringué dans une sale affaire de match truqué. De quoi le mettre définitivement sur la touche en pleine gloire…

Quelle imagination ! Comme si les matchs de football pouvaient être truqués. Comme si les joueurs pouvaient être corrompus. Heureusement, il s’agit là d’une fiction, une fiction signée Matz pour le scénario et Lemur pour le dessin. On connaissait déjà le talent du premier, scénariste de l’excellente série policière Le Tueur, on découvre la gracieuse touche graphique du deuxième, un auteur espagnol qui réalise ici sa première bande dessinée. Au delà de l’histoire très bien ficelée et survitaminée, Arrêt de jeu nous explique mine de rien la mécanique très complexe de la corruption. Passionnant !

Eric Guillaud

Arrêt de jeu, de Matz et Lem. Casterman. 16,50€

03 Juil

Pas un jour sans soleil de François Ravard : une déclaration d’amour à la côte d’Émeraude dans les pas de Sempé

François Ravard est un Dinardais. Voilà, c’est dit ! L’auteur de ces quelques lignes étant lui-même originaire de cette belle petite station balnéaire d’Île-et-Vilaine, autant avouer qu’on partait avec un a priori des plus positifs et absolument pas objectif. Mais ce Breton d’adoption n’en avait même pas besoin…

Parce qu’à travers ces petites vignettes pleine page sans mouvement mais où chaque petit détail compte, les amoureux de la côte d’émeraude comme on l’appelle retrouveront immédiatement ce côté clair-obscur, toujours à deux doigts à la fois du soleil et de la pluie, et souvent quelque part entre les deux.

On pense bien sûr tout de suite à Sempé (référence d’ailleurs assumée par ce trentenaire originaire de la Normandie voisine) d’un point de vue pictural mais aussi pour l’humour pince sans rire qui croque, mais sans férocité, ses semblables. Mais avec une sensibilité qui lui est propre, peut-être plus solaire et moins empreinte de mélancolie. Réparties en quatre saisons, ces situations un peu ubuesques il les a sûrement observées de lui-même lors de sa promenade du matin, se contentant ensuite d’en accentuer les traits mais avec toujours beaucoup d’affection.

Le résultat ? Autant l’album s’amuse de nos petits travers qu’il est une déclaration d’amour à cette partie là de la Bretagne, sûrement la plus belle (n’est-ce pas ? C’est le Dinardais qui parle là). Une belle parenthèse comme on dit…

Olivier Badin

Pas un jour sans soleil, de François Ravard. Glénat. 15€

L’info en +. Deux expositions accompagnent la sortie de l’album, la première à la galerie Glénat à Paris, la seconde à la galerie Pouces-Pieds à Dinard. Vous pouvez également retrouver les dessins de l’auteur sur sa galerie virtuelle La Galerie d’Alfred.

© Glénat / Ravard

02 Juil

Osamu Tezuka : l’oeuvre du dieu du manga rééditée dans une collection prestige aux éditions Delcourt / Tonkam

Osamu Tezuka aurait eu 90 ans cette année. Pour célébrer cet anniversaire, les éditions Delcourt / Tonkam publient les trois premiers titres d’une collection exclusivement dédiée à la réédition des oeuvres emblématiques du « dieu des mangas » comme on le surnomme à juste titre…

170 000 planches, 700 titres… Comme le rappelle en préface Patrick Honnoré, traducteur du japonais, ces seuls chiffres suffisent « à mesurer l’immensité d’Osamu Tezuka » et à justifier ce surnom de « dieu du manga ». « Et il avait même une vie de famille ! », ajoute Patrick Honnoré. C’est dire !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes mais rien, il est vrai, ne remplace la lecture de ses livres pour juger pleinement de l’importance et de l’influence qu’a pu avoir le travail d’Osamu Tezuka sur le manga. « Avec Tezuka… », écrit Patrick Honnoré, « le manga passe dès les années 40 d’un récit séquentiel à la grammaire encore sommaire à un moyen d’expression total ». Les récits Ayako d’un côté, publié au Japon au milieu des années 70, et L’Histoire des 3 Adolf de l’autre, publié pour sa part une dizaine d’années plus tard, en sont la preuve la plus éclatante. Ils inaugurent de la plus belle façon qu’il soit la collection consacrée aux chefs-d’oeuvre de l’auteur.

Osamu Tezuka

704 pages pour Ayako, 624 et 736 pages pour les deux volumes de L’histoire des 3 Adolf, de quoi se replonger le temps d’un bon week-end dans l’univers de cet artiste singulier inspiré par la littérature populaire, les comics américains, le cinéma d’une façon générale, les dessins animés de Walt Disney en particulier, à qui d’ailleurs il emprunta les yeux ronds que l’on retrouve aujourd’hui dans quantité de mangas.

Son esthétique trouve son fondement dans toutes ces influences, il suffit de parcourir quelques pages des ouvrages présentement publiés pour en avoir la confirmation. Le graphisme est épuré, aussi simple qu’efficace, presque apaisé, en tout cas moins caricatural que ce que l’on peut trouver dans une partie des mangas contemporains. Un style graphique mais aussi un style d’écriture et un regard sur le monde singulier, humaniste jusqu’au bout de la planche, des histoires qui parlent de l’homme, du monde, de façon relativement positive dans un premier temps et un peu plus sombre dans un deuxième temps. Ses personnages sont les témoins privilégiés d’un Japon en plein bouleversement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

Après Ayako et L’histoire des 3 Adolf, devraient paraître La Vie Bouddha, Barbara, MW avant la fin de l’année 2018, puis Phénix, Demain les Oiseaux, Princesse Saphir, Kirihito en 2019. Des heures et des heures de belles lectures en perspective.Chefs d’oeuvre !

Eric Guillaud

L’histoire des 3 Adolf (2 volumes) et Ayako (1 volume), éditions Delcourt / Tonkam. 29,99€ le volume