14 Jan

L’Or maudit, la nouvelle chevauchée de Bouncer signée Boucq

9782344009604-LEn selle pour les grands espaces ! Cinq ans après le diptyque To Hell et And back, le cultissime Bouncer est de retour pour une dixième aventure dessinée mais aussi, c’est une première, scénarisée par Boucq…

« C’est un personnage extrêmement intéressant, psychologiquement, mais aussi physiquement à dessiner… », explique Boucq dans une interview récente, « Pour moi, c’est un héros parfait. Même s’il lui manque un bras ».

On comprend dès lors pourquoi l’auteur de La Femme du magicien, de Bouche du diable ou encore de la trilogie Face de Lune ne pouvait décemment pas attendre plus longtemps pour remettre son personnage en selle, quitte à s’emparer du scénario jusque là écrit par son comparse Alejandro Jodorowsky actuellement accaparé par le cinéma.

« Me retrouvant seul au scénario, on a beaucoup collaboré avec mon éditeur sur la rigueur et la cohérence… », précise l’auteur. Et fort logiquement, les amoureux de la série, plus largement du western, ne devraient pas être dépaysés, encore moins déçus. Le justicier manchot nous embarque dans une nouvelle chevauchée fantastique à travers les décors saisissants de beauté et de sauvagerie de l’Ouest américain. Avec son ami Job, le Bouncer part à la recherche d’une bande d’affreux salles et méchants qui a agressé l’horloger de Barro City, tué sa fille et kidnappé une autre gamine, tout ça dans le but de retrouver trace d’un trésor caché, le fameux trésor maudit du titre de l’album. Et si le Bouncer s’est promis de les retrouver et de leur faire mordre la poussière, la poursuite sera loin d’être une promenade de santé. Dans un pays où la nature et les hommes ont conservé un instinct sauvage, il faut se méfier de tout et de tout le monde…

« Ce que je trouve intéressant dans le western, c’est qu’il pose un cadre qu’on n’a pas besoin de définir. Le western, c’est l’homme dans ce qu’il a de plus pur. L’homme face à la nature, face aux animaux, face à tout ce qu’il peut lui-même déployer en bon comme en mauvais. Dans le western, on sait que la cruauté la plus excessive comme les actes les plus héroïques peuvent apparaître. On n’a pas besoin d’expliquer pourquoi. Tout cela est par essence présent. Ainsi, on peut aller directement dans le coeur du récit ».

Des paysages à pleurer de bonheur, des personnages au caractère trempé, un graphisme racé et inimitable, des dialogues ciselés et une histoire sans faille qui verra sa conclusion dans une deuxième volet à paraitre le 7 mars 2018, dans exactement deux mois… Que demandez de plus si ce n’est une part du trésor !

Eric Guillaud 

L’Or maudit, Bouncer (tome 10),  de Boucq. Éditions Glénat. 18€

© Glénat / Boucq

© Glénat / Boucq

11 Jan

Vivre en terre occupée : un voyage en Palestine, de Naplouse à Gaza, signé José Pablo Garcia

album-cover-large-35235Ce n’est pas la première fois que la bande dessinée s’intéresse à la Palestine, loin de là. Le journaliste et auteur de BD Joe Sacco pour ne citer que lui a signé quelques albums pour le moins remarquables sur la situation dans cette région du monde. Dans un style graphique très différent et une approche plus pédagogique que journalistique, l’Espagnol José Pablo Garcia nous offre aujourd’hui un nouveau témoignage tout aussi essentiel sur ce conflit qui n’en finit pas et ses conséquences directes sur la population…

Que connaissons-nous de la Palestine ? Assez peu de choses finalement. Bien sûr, les médias nous en parlent dès qu’une intifada pointe le bout de son museau, dès que l’aviation israélienne procède à des frappes sur la bande de Gaza en représailles à des tirs de roquettes, dès qu’un président se permet contre l’avis de tous – ou presque – de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Mais pour le reste ? Pour ce qui est de la vie quotidienne des gens ? Les difficultés pour se déplacer, travailler, se loger, nourrir les enfants, trouver de l’eau potable ? Rien, ou presque.

Pour Olivier Longué, directeur général d’Action contre la faim Espagne, il était nécessaire d’offrir « un autre point de vue sur la situation après cinquante ans d’occupation en donnant à voir les effets de cette occupation sur la vie quotidienne de plus de quatre millions de personnes ». C’est dans cette perspective qu’il a demandé à l’auteur de bande dessinée espagnol José Pablo Garcia de les accompagner une dizaine de jours en Palestine et d’en faire au retour une bande dessinée à destination du public.

Sensibiliser l’opinion, tel est l’objectif de cet album. « Notre volonté n’est pas de pointer du doigt des coupables… », dit encore Olivier Longué,« Nous nous contentons de rassembler des preuves, des faits, et d’être témoins des répercussions qu’engendre une occupation sur les personnes les plus vulnérables ».

De Naplouse à Hébron, en passant par Ramallah, Jérusalem ou la bande de Gaza, José Pablo Garcia nous raconte ce périple avec une approche didactique mais aussi très humaine. Sur près de 90 pages, Vivre en terre occupée témoigne de la difficile vie au quotidien de toute cette population avec des situations souvent intolérables, parfois ubuesques, incompréhensibles vues de l’Europe mais clairement exposées dans les pages de ce livre au graphisme sobre accompagné parfois d’un trait d’humour. On apprend beaucoup sans que ce soit un instant ennuyeux. un bouquin à acheter, laisser traîner, prêter, offrir…

Eric Guillaud

Vivre en terre occupée, de José Pablo Garcia. Éditions La Boîte à Bulles. 15€

© La Boîte à bulles / José Pablo Garcia

© La Boîte à bulles / José Pablo Garcia

07 Jan

Le Voile noir : une aventure au coeur de l’intégrisme religieux et du fanatisme signée Dodo et Cha

Couv LE VOILE NOIR.inddPeut-on rire de tout ? Du fanatisme religieux ? De la barbarie organisée au nom d’un dieu ? De la radicalisation des jeunes ? Ça peut sembler difficile de prime abord tant ces sujets sont forcément graves, sensibles et complexes. Pourtant Dodo et Cha en ont fait le pari. Le Voile noir, disponible dès le 17 janvier dans toutes les bonnes librairies, est une BD d’humour et d’aventure au coeur de l’actualité la plus sombre…

Bienvenue en Syrakie ! Ne cherchez pas sur une carte, vous perdriez votre temps, la Syrakie n’a pas d’existence concrète mais peut s’imaginer quelque part entre la Syrie et l’Irak. Dans ce pays presque imaginaire sévit un certain Bachad, qui passe son temps et ses nerfs à massacrer son peuple, mais aussi le Grand Khalifat, le G.K. pour les intimes, une organisation qui s’est donnée pour mission divine de combattre tous les mécréants du monde. Bref, une véritable poudrière comme on sait si bien en inventer dans la vraie vie.

D’ailleurs, ceux qui voient là une allusion à la Syrie, à son président Bachar el-Assad et à l’organisation État islamique ont tout compris. Le Voile noir est une fiction mais une fiction quasi-documentaire, en tout cas profondément ancrée dans la réalité, une fiction qui nous raconte le parcours d’une jeune femme moderne et courageuse, Gina, partie rejoindre les combattants d’Allah pour exfiltrer sa cousine Pauline radicalisée.

Sur le terreau d’un contexte abominable, d’une réalité insoutenable, Cha et Dodo parviennent à construire un récit franchement drôle, par le dessin, par les situations, par les dialogues, drôle mais jamais déplacé ou vulgaire. Le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter, disait Raymond Devos. Cha et Dodo nous rappellent qu’il fait lui aussi partie intégrante de notre liberté !

Eric Guillaud

Le Voile noir, de Dodo et Cha. Éditions Casterman. 13,95€

© Casterman / Dodo & Cha

© Casterman / Dodo & Cha

05 Jan

Le Cirque de Minuit et Dans le Silence des Abysses… : les dernières traductions françaises de la saga Hellboy

hellboyT16Même si on ne cessera de regretter la semi-retraite (en tant que dessinateur) de Mike Mignola, il garde un œil avisé sur le devenir de sa plus belle création, Hellboy. Comme le prouve le dernier volume traduit en français de ses aventures bourrées de clins d’œil à la littérature fantastique du XIXe siècle et toujours aussi ensorcelantes…

Mike Mignola est un mec intelligent. Même si cela fait plus de dix ans qu’il a accepté de partager la destinée d’Hellboy avec d’autres dessinateurs, il n’est jamais très loin et continue d’en superviser les scénarios et la cohérence, assurant ainsi une certaine continuité. Après, chacun de ses disciples à son style avec des réussites diverses, même si aucun d’entre eux n’essaye vraiment de copier le maître.

De tous, l’anglais Duncan Fegredo par exemple est peut-être le plus fantasmagorique et le plus classieux. Des deux histoires que l’on retrouve ici dans le seizième tome des aventures du rejeton de l’enfer, celle qui signe (‘Le Cirque de Minuit’) est la fantasmagorique. Un jeune Hellboy (l’action se passe en 1948) faisant le mur y croise le chemin d’un mystérieux cirque ne s’animant qu’à la tombée de la nuit, Mignola établissant alors un parallèle périlleux mais réussi entre son destin et la légende de Pinocchio. Fourmillant de détails, le style de Fegredo rappelle bien sûr celui de son patron dans les séquences de la vie quotidienne mais prend vraiment son envol en quelque sorte lors des scènes d’hallucinations, grâce notamment à un subtil jeu de lumière qui entretient (volontairement) le doute sur la réalité ou pas des évènements.

Gary Gianni, lui, s’est surtout fait un nom en reprenant le flambeau de la série ‘Prince Valiant’ en 2004 mais dans le style, très 30’s, des strips originaux et en illustrant toutes les récentes rééditions de l’œuvre de Robert E. Howard (‘Conan’) parue sen France chez Bragelonne. Ce dessinateur est presque une anomalie en 2018, son style crayonné et assez figé rappelant beaucoup plus celui de l’avant-guerre, bien loin des standards de l’industrie des comics au XXIème siècle. Une patte très particulière qui, sur le papier, ne semble pas convenir à l’univers d’Hellboy… Sauf que ce n’est pas pour rien que ce grand lettré de Mignola, qui adore faire référence à ses auteurs classiques préférés, a dédié ‘Dans le Silence des Abysses…’ à Herman Melville et à son contemporain un peu oublié mais non moins excellent, William Hope Hodgson. Les visions de cauchemars semblant sortir d’un roman de Jules Vernes de ce drame nautique se passant sur une frégate de la seconde moitié du XIXème siècle commence et se termine comme un (mauvais) rêve, beau et terrifiant à la fois, suivant un peu le modèle de l’histoire qui l’a précédé. Un excellent cru !

Olivier Badin

Hellboy T16, Le Cirque de Minuit, de Mike Mignola, Duncan Fegredo, Gary Gianni et Dave Stewart, Delcourt, 15,50 euros

© Delcourt / Mike Mignola, Duncan Fegredo, Gary Gianni et Dave Stewart

© Delcourt / Mike Mignola, Duncan Fegredo, Gary Gianni et Dave Stewart

04 Jan

Essence : direction le purgatoire pour une virée totalement déjantée avec Fred Bernard et Benjamin Flao

790457_01Il suffit parfois de quelques lettres apposées sur une couverture pour avoir la garantie d’un grand moment de lecture. Et lorsque ces quelques lettres forment les noms de Fred Bernard et Benjamin Flao, alors le paradis n’est plus très loin…

En tout cas pour nous lecteurs. Car pour le personnage principal de ce récit, Achille Antioche, c’est une toute autre histoire. Pour connaître le paradis, cet amoureux de la belle mécanique va d’abord devoir passer par le purgatoire des pilotes et comprendre les raisons de sa mort. Car oui, avant même la première case du récit, Achille Antioche est mort. Mort dans une voiture qui n’est pas la sienne, une Porsche 911, plongée dans un étang gelé. C’est tout ce qu’on sait à ce stade du récit. Est-ce un accident ? Un meurtre ? Mystère…

En attendant de trouver la vérité, Achille Antioche tourne en rond dans le purgatoire à bord d’une Ford Mustang – autant se faire plaisir – avec pour seule préoccupation de trouver du carburant. Pied au plancher, les décors défilent au gré de ses envies, espaces désertiques ici, mégapoles fantomatiques là, ambiances post-apocalytiques plus loin… et pour l’aider à comprendre, à trouver la vérité, à la place du passager, une très belle jeune-femme. Elle ne veut pas donner son nom mais se présente comme son ange-gardien.

Ensemble, ils remontent le temps à vie allure, se faufilent entre vie affective, passion pour les belles voitures et sombre histoire d’espionnage, le tout sur fond de moteur à énergie infinie. Ça vous paraît bizarre ? Pas tant que ça…

L’année 2018 commence sacrément bien aux éditions Futuropolis avec cet album au format atypique, presque carré, et surtout à l’histoire complètement dingue, un road trip sans limite au pays des morts. On y croise une galerie de personnages plus déjantés les uns que les autres, quelques cinglés de l’asphalte aussi, James Dean et Gilles Villeneuve en tête, on se laisse embarquer dans un monde onirique à la fois familier et extraordinaire avant de redescendre sur Terre l’imaginaire gorgé de carburant pour l’hiver. Le scénario de Fred Bernard est grandiose et sans faille, le graphisme de Benjamin Flao largement à la hauteur, les couleurs somptueuses. Le paradis que je vous dis !

Eric Guillaud

Essence, de Fred Bernard et Benjamin Flao. Éditions Futuropolis. 27€

© Futuropolis / Bernard & Flao

© Futuropolis / Bernard & Flao