Dans sa mise en scène, ses couleurs, la couverture du Chemin des égarés m’en rappelle une autre, celle de La Guerre d’Alan en version intégrale. Mais là s’arrêtent les similitudes même si les deux racontent un périple humain dans un pays dévasté…
Gros plan sur une seringue planté dans ce qu’on peut imaginé être un bras. Nous voilà prévenus, Le Chemin des égarés est un voyage difficile en pays junkie, l’histoire de marginaux dans La Nouvelle-Orléans tout juste dévastée par l’ouragan Katrina en 2005.
A l’abris d’un tunnel, Layne et Cesar émergent de leur dernier shoot et découvrent le paysage d’apocalypse laissé par l’ouragan Katrina, un amoncellement de câbles, de poteaux, de morceaux de toitures. Un désastre. Layne et Cesar n’ont pourtant qu’une préoccupation : trouver « le toubib », leur dealer, et récupérer leur dope quotidienne. Oui, mais voilà, avec l’ouragan, le fameux toubib est allé voir ailleurs si l’air était meilleur. Qu’importe, le marché se déplace ? Les consommateurs suivent. Et voilà nos deux acolytes partis à sa recherche, bientôt rejoints par Joe, un sans abri comme eux, et une gamine prénommée Zoé.
Dans un décor apocalyptique, notre petite bande qui aurait pu se souder face à l’adversité se déchire au rythme des crises de manque. « Nous n’étions en fait qu’un peloton de junkies en recherche de dope. Autour de nous, le monde s’écroulait ». Pourtant, tous ne trouveront pas la même chose au bout de la route, certains continueront de sombrer, d’autres referont surface…
« Le chemin des égarés est né de l’envie de raconter une histoire sur la marginalité… », explique l’auteur. « La pratique constante du dessin d’observation dans les gares parisiennes m’a permis de côtoyer de loin comme de près l’univers de la rue. Savoir à quoi, et comment pense l’individu m’a toujours intéressé. Je me suis impliqué dans une association dédiée à l’aide aux SDF. Je me suis imprégné de nombreux parcours, d’anecdotes, de visages. Le chemin des égarés s’est nourri de toutes ces personnes… ».
Derrière le tragique et la violence du contexte général et des histoires individuelles, Le Chemin des égarés se termine sur un message d’espoir, quand « la volonté de s’affranchir d’un processus de destinée » devient plus fort que toutes les peurs. Un sujet assez rare aujourd’hui magnifiquement mis en scène par ce trait idéalement tourmenté et ces ambiances sombres.
Eric Guillaud
Le Chemin des égarés, de Vincent Turhan. Éditions Les Enfants Rouges, 20€