Carthagène est le deuxième album conjointement édité par Magnum Photos et les éditions Dupuis. Le premier, Omaha Beach 6 juin 1944 portait sur l’une des photos de guerre les plus célèbres, La photo de Robert Capa sur le débarquement US en Normandie. L’album réunissait une bande dessinée de Morvan et Bertail ainsi qu’un dossier avec photos, archives et témoignages sur le célèbre photoreporter.
Très différent dans le fond et dans la forme, Carthagène reste cependant une monographie à la croisée de la photographie et de la bande dessinée ou plus précisément de l’illustration. Aux manettes cette fois, le photographe Raymond Depardon et l’illustrateur auteur de bande dessinée Jacques de Loustal qui ont choisi le temps d’une collaboration le ciel, la terre, la lumière, la vie d’une grande ville portuaire de Bolivie, Carthagène.
« Quand ils se sont rencontrés pour évoquer leur collaboration… », relate en introduction Louis-Antoine Dujardin des éditions Dupuis, « ils ont d’abord parlé de couleurs. Des bleus du ciel du Maroc, de la blancheur des façades de Bolivie. Comme s’il fallait qu’ils s’assurent de parler la même langage ». Et visiblement ces deux grands noms parlent un langage relativement proche même si chacun voit le monde à sa manière, le premier à travers un objectif, le deuxième à travers ses pinceaux, fusains et aquarelles.
Chacun avec ses outils, les voici partis en mars 2015 à l’assaut de Carthagène, ramenant chacun des matériaux qu’ils finalisent à leur retour, en chambre noire pour l’un, en atelier pour l’autre. Résultat ce beau livre qui confronte ou plus exactement juxtapose les deux regards, 50 photos et 38 illustrations qui nous emmènent des remparts du centre historique de la ville à la Plaza de Santo Domingo, lieu de la vie nocturne, en passant par la plage, les ruelles de la vieille ville…
« C’est un pays qui ne nécessite pas de visa… », explique Raymond Depardon, « on est donc à la hauteur d’un voyageur. On arrive, on disparait et on peut faire ce qu’on veut. J’aime bien cette idée d’une grande liberté, que je n’ai pas toujours en Afrique, où l’on est obligé de justifier pourquoi on est là« .
Et c’est bien ce qui ressort de ce livre, une très grande liberté de création chez les deux artistes. Leurs photos et illustrations ne nous enferment pas dans une visite guidée forcément restrictive mais nous invitent à imaginer la ville, à la rêver, à la fantasmer. Magnifique !
Eric Guillaud
Carthogène, de Depardon et Loustal. Editions Dupuis / Magnum Photos. 30 €
L’info en +
La Maison de l’Amérique latine à Paris accueille jusqu’au 12 décembre l’exposition Depardon/Loustal présentant le travail original d’une collaboration entre le photographe et l’illustrateur. Gratuit.