Ouvrir un livre de Pedrosa, c’est un peu comme ouvrir la porte de sa propre maison. A l’intérieur, on y retrouve des personnages presque familiers et une histoire dans laquelle on ne peut que plonger au sens physique du terme.
C’est une drôle de sensation en fait, on en viendrait presque à s’asseoir avec les gens présents pour taper la discute. Comme ici, avec Louis et Antoine. Louis, l’ancien, qui a passé sa vie à militer, à se battre, et qui se demande aujourd’hui à quoi ça a servi. Louis est totalement désabusé. Antoine non. Du moins pas encore. Antoine est jeune et les blessures de la vie n’ont pas encore été assez profondes pour le mettre à terre. Lui croit encore au combat et notamment au combat contre le projet d’aéroport à Morteuil. Tiens, c’est quoi ce projet d’aéroport qui fait des vagues jusqu’au sommet de l’Etat et place la secrétaire d’état à l’environnement dans une situation délicate ? Un site occupé, des opposants qui ne lâchent rien… Ça ressemble étrangement à un autre projet d’aéroport, celui de Notre-Dame-des-Landes situé à quelques encablures de Nantes, où vit justement l’auteur. Avec une différence de taille. À Morteuil, ce n’est pas une histoire de zones humides et de triton crêté protégé qui pourrait bien remettre en cause le projet mais l’histoire de notre civilisation…
Quatre ans après l’époustouflant Portugal, un récit introspectif qui avait fortement marqué les esprits, le Nantais Pedrosa est de retour en librairie avec un album encore plus personnel, encore plus long (320 pages environ) et encore plus riche sur le plan graphique. Au fil des pages et des saisons qui rythment le récit, l‘auteur s’autorise une nouvelle fois une grande liberté de styles et d’expériences graphiques mais aussi narratives en laissant le texte, l’écrit, prendre parfois le dessus sur le dessin.
Quatre saisons, à commencer par l’automne, quatre saisons donc, autant de chapitres et au final une année de vie pour une poignée de personnages plus intéressants les uns que les autres, des personnages qui vous, qui nous ressemblent, des personnages et des vies surtout, des vies faites de solitude, de questionnements, de doutes mais aussi d’engagements et d’amour.
« Le point de départ… », explique l’auteur sur franceinter.fr, « c’est une série de petits monologues que j’ai écrit quand j’étais en Italie à l’impression de mon livre précédent, qui s’appelait Portugal (…), des récits intérieurs, des récitatifs qui avaient tous en commun de décrire des moments souvent très fugaces, très brefs, de solitude intérieure la plus part du temps, en tout cas de sensations, de ressentis difficilement partageables ».
Je vous certifiais dans un post précédent que Sous le soleil de Minuit, le nouveau Corto Maltese, était l’album le plus attendu de la rentrée. Les Équinoxes est pour sa part la plus belle surprise de la rentrée, même si on pouvait logiquement s’attendre à un très bel album de la part de Pedrosa. Un récit intense en émotions qui, après Portugal, permet à l’auteur d’imposer un style, un univers, une griffe Pedrosa!
Eric Guillaud
Les Équinoxes, de Pedrosa. Editions Dupuis. 35 €