08 Avr

Bravo les brothers, de Franquin et Jidéhem. Editions Dupuis. 24 euros.

C’est un petit bijou que les éditions Dupuis ont exhumé de leurs archives. Un bijou signé André Franquin et Jidéhem, intitulé Bravo les brothers. Certains me feront remarquer très justement que ce récit a déjà été publié en album, mais jamais dans un tel écrin et avec autant d’attention. Cette nouvelle édition à dos rond propose en effet une version recolorisée et remasterisée. Mais ce n’est pas tout ! L’histoire d’une vingtaine de pages est accompagnée d’un dossier réunissant les planches originales en fac-similés, des dessins inédits et les commentaires planche à planche de José-Louis Bocquet et Serge Honorez.

Bravo les brothers serait dit-on l’histoire préférée d’André Franquin, peut-être parce qu’elle réunit trois personnage emblématiques de son oeuvre, à savoir le tandem Spirou et Fantasio dont il a repris la destinée en 1946, et le mythique garçon de bureau Gaston Lagaffe, pure création de l’auteur contrairement aux deux précédents. Et c’est une histoire à 100 à l’heure qui nous est ici contée, une histoire qui nous plonge au coeur de la rédaction du journal Spirou. Pour fêter l’anniversaire de Fantasio, Gaston Lagaffe a eu la fabuleuse idée d’acheter un trio de singes savants à un cirque en faillite… Une histoire aussi folle que bestiale à découvrir ou à redécouvrir toutes affaires cessantes ! E.G.

04 Avr

Le Dernier homme, L’extravagante comédie du quotidien (tome 3), de Grégory Mardon. Editions Dupuis. 18 euros.

Grégory Mardon est de retour. Et avec lui un personnage récurrent dans son oeuvre, comme Antoine Doinel dans celle de François Truffaut (voir Corps à corps, Incognito…), un personnage trentenaire, cette fois célibataire et timide. Maladivement timide ! Au point d’être totalement paralysé à l’idée même d’aborder une femme. Combien de fois est-il ainsi passé à côté d’une belle aventure ? Trop. Beaucoup trop. De quoi le regretter amèrement quand la solitude se fait sentir et que sa sexualité se limite à la visite de quelques sites de charme sur le net. Mais un beau jour, Jean-Pierre décide de passer à l’action, de devenir enfin maître de son destin, de sa vie amoureuse. Le voilà donc distribuant à de jeunes inconnues croisées dans la rue un petit mot leur proposant de le rencontrer. Et ça marche ! Matilda, Valérie, Véréna, Isabelle, Elisa, Jennifer, Kadidia, Gladys, aaahh Gladys… et d’autres encore dont on ne connaîtra jamais le prénom répondent positivement à sa proposition. Jean-Pierre à maintenant l’embarras du choix. Et la difficulté est de se décider pour l’une ou l’autre…

Après Les Poils et C’est comment qu’on freine, Grégory Mardon poursuit son exploration de L’Extravagante comédie du quotidien, titre de cette fameuse trilogie aujourd’hui bouclée, avec toujours autant de singularité, de personnalité, de tendresse, de drôlerie, de poésie, de légèreté et de gravité aussi à certains moments. Son trait toujours aussi juste, élégant, souple, nous rappelle forcément le travail d’un Blutch ou encore celui du tandem Dupuy-Berberian. Un récit à la fois intimiste et universel sur la solitude, l’amour, les hommes, les femmes, la vie en somme. Un album à dévorer  ! E.G.

02 Avr

L’affaire Sugaya, de Hiroshi Takano et Kenichi Tachibana. Editions Delcourt. 7,95 euros.

L’homme qui sort de la prison de Chiba en ce matin du 4 juin 2009 est attendu par des dizaines de journalistes. Rien d’étonnant, Toshikazu Sugaya – c’est son nom – vient de passer des années en prison pour une série de meurtres sordides qu’il a avoué mais pas commis. Une erreur judiciaire. La plus grande erreur judiciaire du Japon ! Et parmi les journalistes présents ce jour-là se trouve celui qui est à l’origine de la révision de son procès et donc de sa libération : Kiyoshi Shimizu. Il n’a jamais cru en sa responsabilité. A l’époque des faits, le journaliste était sur la piste d’un tueur en série jusqu’au moment où Toshikazu Sugaya passa aux aveux… sous la torture. Profitant d’un programme spécial et ambitieux lancé par son entreprise, la chaîne de télévision NTV, Kiyoshi Shimizu entreprit une longue et minutieuse contre-enquête qui aboutit donc à la réouverture du  dossier Sugaya et à la démonstration du dysfonctionnement de la justice japonaise.

C’est une histoire vraie que racontent Hiroshi Takano, habitué des récits engagés et politiques, et Kenichi Tachibana que l’on présente comme l’un des mangakas les plus prometteurs de sa génération. Une histoire vraie et captivante à découvrir dans son sens de lecture original. E.G.

01 Avr

Pierre Goldman, La vie d’un autre, d’Emmanuel Moynot. Editions Futuropolis. 24 euros.

Paris, le 20 septembre 1979. Il est midi trente. Un homme vient d’être abattu en pleine rue dans le 13e arrondissement. Son corps gît encore sur le trottoir qu’un commando signant « Honneur de la police » revendique déjà l’assassinat. Cet homme s’appelle Goldman, Pierre Goldman. Un nom qui ne dit absolument rien à la plupart des gens aujourd’hui si ce n’est associé au prénom Jean-Jacques, célèbre compositeur de musique, en l’occurrence son demi-frère. Sa mort fera pourtant la Une du journal Libération le lendemain et son cercueil sera suivi quelques jours plus tard par une foule composée de plusieurs milliers d’anonymes et de quelques célébrités. Parmi elles, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Régis Debray, Daniel Cohn Bendit, Bernard Kouchner… Mais qui était donc Pierre Goldman ? Un intellectuel ? Un truand ? Un militant d’extrême gauche ? Un écrivain ? Un guérillero ? Un meurtrier ? C’est ce que nous propose de découvrir Emmanuel Moynot dans cet album qui débute au moment même de l’assassinat avant de remonter le temps et de nous exposer le cheminement de cet homme au destin particulier.

Et qui mieux que Pierre Goldman pour parler de Pierre Goldman ? Dans ce récit, Emmanuel Moynot a en effet choisi de placer le personnage central en narrateur de sa propre histoire. On est de fait au plus près de lui lors de son voyage à Cuba, lors de son séjour au Venezuela où il rejoindra un groupe de révolutionnaires. On revit son implication militante, ses procès qui le condamnèrent à perpétuité pour meurtres avant qu’il ne soit acquitté. On le suit en prison, on est là lorsqu’il est libéré et ainsi de suite… Mené comme une enquête, le récit d’Emmanuel Moynot est entrecoupé d’entretiens avec des amis de Pierre Goldman, des avocats ou journalistes qui reviennent sur cette époque et nous éclairent sur le personnage. Enfin, en annexe, des textes signés Jacques Rémy et Wladimir Rabi, parus dans la revue Les Temps modernes, reviennent sur son assassinat et son séjour en prison. Un livre très dense, très bien construit, sur un destin romanesque qui, comme l’explique l’auteur dans l’interview vidéo ci-dessous, marque peut-être la fin d’une période, la fin de l’après 68, la fin d’un engagement politique radical ! E.G.

L’info en +

A découvrir le reportage télévisé de l’époque sur l’enterrement de Pierre Goldman ici-même ! Et ci-dessous une interview d’Emmanuel Moynot réalisée par l’éditeur Futuropolis.