Un livre d’Hervé Barulea, alias Baru, ça ne se lit pas comme ça entre deux portes, dans une salle d’attente ou sur le coin d’une table le midi en grignotant. Non, un livre de Baru, ça vous emporte, ça vous kidnappe et donc ça se savoure, ça se mérite même ! Ce n’est pas pour rien si l’auteur a reçu en janvier dernier le Grand prix du festival d’Angoulême consacrant une oeuvre pas franchement conséquente mais à l’évidence riche, novatrice et engagée. Quéquette blues, La Piscine de Micheville, Cours camarade!, Le Chemin de l’Amérique, L’Autoroute du soleil, Bonne année, l’extraordinaire diptyque intitulé L’enragé ou encore Pauvres zhéros et Noir, Baru nous parle depuis près de trente ans de la vie quotidienne et des gens qui la font, qui la vivent, avec une acuité exemplaire, un amour de l’être humain évident.
Fais péter les basses Bruno! parle aussi de la vie quotidienne, notamment à travers un jeune Africain arrivé en France clandestinement et prêt à tout pour devenir footballeur. Mais c’est aussi, et surtout, un polar bien noir qui met en scène quelques truands aux gueules d’atmosphère et au verbe haut, façon Lautner/ Audiard. Baru ne s’en cache d’ailleurs pas, Fais péter les basses Bruno! est plus qu’un clin d’oeil à Lautner. « L’album lui rend hommage… », confie-t-il, « un hommage discret, mais j’ai ajouté à cette référence une problématique contemporaine. Je n’ai pas pu m’empêcher de parler de la clandestinité aujourd’hui et de mettre en scène un gamin qui vient en France pour trouver un travail ». Malgré la reconnaissance et le succès, Baru reste Baru. « Je suis venu à la bande dessinée pour mettre la classe ouvrière au premier plan. Au début des années 1980, cela ne se faisait pas beaucoup. Ma démarche se situait dans le prolongement d’une activité politique à laquelle j’aspirais mais que je n’ai jamais vraiment eue. J’étais trop réfractaire aux organisations de masse et j’avais beaucoup trop de mal à seulement me satisfaire de suivre la ligne! ». Au final, Fais péter les basses Bruno! est un polar contemporain qui sent bon les années 50 avec des truands qui éparpillent façon puzzle. Grandiose ! E.G.