C’est un ouvrage particulier. Très particulier ! Et en même temps très intéressant. J’ai le cerveau sens dessus dessous fait en effet partie de ces albums qui ne peuvent faire l’unanimité mais qui, quelque part, font avancer la bande dessinée. David Heatley, son auteur, est présenté comme le petit dernier de la nouvelle génération d’auteurs américains de graphic novels. Les célèbres Chris Ware (Jimmy Corrigan, éd. Delcourt) et Daniel Clowes (Ghost World chez Vertige Graphic, Caricature chez Rackham, David Boring chez Cornélius…) en ont fait, dit-on, leur petit protégé. On ne peut rêver mieux comme parrains ! Inconnu en France jusqu’à ce jour, il débarque avec un album – son premier – en forme d’autobiographie sexuelle. Et l’Américain Joe Matt, pourtant spécialiste en la matière (Le Pauvre type chez Delcourt, Epuisé et Strip-tease au Seuil…), pourrait bien passer pour un petit rigolo. En effet, si celui-ci ne nous cachait déjà pas grand chose de sa vie intime, de sa sexualité, de son addiction à la pornographie, de ses relations tumultueuses avec les filles, David Heatley va encore plus loin, n’hésitant pas à aborder la sexualité intime dès l’enfance. C’est direct, parfois cru, voire dérangeant, mais aussi émouvant lorsqu’il parle de sa famille, de son père et de sa mère. Si son trait relativement brut n’a rien à voir avec celui de Chris Ware, David Heatley explore lui aussi les formes narratives, passant de planches plutôt classiques avec une dizaine de vignettes à des planches contenant 48 vignettes, alternant les planches en couleur et celles en noir et blanc, insérant ici ou là des morceaux de textes…. Publié dans la collection Outsider, J’ai le cerveau sens dessus dessous a nécessité un travail éditorial et de fabrication exceptionnel à l’équipe Delcourt afin que l’édition française respecte scrupuleusement l’édition américaine. Mission réussie, l’album est magnifique ! E.G.
09 Nov