03 Oct

Christian Lax clôt sa trilogie consacrée au vélo avec « L’Ecureuil du Vel’d’Hiv »…

Paris, le 14 mai 1940. La capitale n’est pas encore occupée par les forces nazies mais ce n’est plus qu’une question de jours. Redoutant une cinquième colonne du Reich, les policiers français reçoivent l’ordre de rassembler au Vel’d’Hiv toutes les femmes allemandes réfugiées sur le territoire. Déjà le Vel’d’Hiv ! Deux ans plus tard, l’endroit est à nouveau le théâtre d’un épisode peu glorieux de l’histoire de France. Des milliers de Juifs, hommes, femmes et enfants, sont arrêtés, encore une fois par la police française, parqués dans des conditions terribles, avant d’être finalement déportés. C’est la fameuse Rafle du Vel’d’Hiv. Une véritable profanation pour les amoureux du lieu comme Sam Lancelin, l’un des meilleurs pistards de l’époque, surnommé L’Ecureuil par le public populaire du Vélodrome. Sam Lancelin n’accepte pas ce à quoi il assiste. Son frère non plus ne peut accepter. Eddie Lancelin, infirme, laissé de côté par un père drogué au jeu, veut lui aussi réussir. Comme son frère. Il se tourne vers le journalisme et travaille bientôt pour la presse de l’ombre, fustigeant les Nazis sous le pseudonyme de « L’Ecureuil »…

C’est le destin de ces deux jeunes frères plongés dans la période sombre de l’Occupation que nous raconte ici le scénariste et dessinateur Lax. C’est aussi, après L’Aigle sans orteils (2005) et Pain d’alouette (2009), une nouvelle histoire consacrée au vélo et plus précisément aux pistards de ce Vel’d’Hiv ô combien mythique pour tous les amoureux de la petite reine avant que son nom soit finalement associé à la tragédie du génocide juif. Un récit émouvant et passionnant, un graphisme à la Lax, racé, incisif, en tout point adapté à ce genre de récits historiques ! EGuillaud

L’Ecureuil du Vel’d’Hiv, de Christian Lax. Editions Futuropolis. 15 euros

L’info en +

Dans la première éditions de cet album, un cahier graphique avec commentaires et illustrations inédites de l’auteur nous invite à découvrir les coulisses du Vel’d’Hiv, les courses, le matériel des pistards…

01 Oct

Les Petites gens, un album de Vincent Zabus et Thomas Campi

C’est un quartier ordinaire. Avec des gens ordinaires. Des gens qui vivent et parfois survivent comme ils peuvent. Des petites gens en somme, avec leurs peurs, leurs blessures, et parfois même leurs rêves un peu fous. Tenez, Monsieur Armand par exemple, le libraire du coin. Depuis des années, il aime sa voisine mais n’ose lui déclarer sa flamme. Alors, il a préparé une lettre qu’il se décidera peut-être un jour à lui faire parvenir. Et que dire de ce petit Louis qui s’assoit tous les jours devant la porte du cimetière, où repose sa mère, sans jamais oser y rentrer ? Et de cette pauvre Lucie ? Des années et des années de ménage au noir et du jour au lendemain plus rien, plus de travail, plus un centime en poche et une logeuse qui réclame ses loyers. Non, ces gens là n’ont à priori rien d’extraordinaire. Pourtant, leur quotidien est surprenant pour qui sait observer…

Une chose est certaine, le scénariste Vincent Zabus, lui, à le sens de l’observation très développé. Il aime les gens, ça se sent, et il aime les regarder, les approcher, les comprendre, dépasser les apparences pour révéler la vérité,  leur vérité. Auteur chez Dupuis du « Monde selon François » et de « Agathe Saugrenu », Vincent Zabus est un explorateur de l’humanité, du quotidien, des sentiments. Avec cette histoire magnifiquement mise en images et en couleurs par l’Italien Thomas Campi, il pose un regard tout en finesse et en tendresse sur la vie. Un très très bel album ! EGuillaud

Les Petites gens, de Vincent Zabus et Thomas Campi. Editions Le Lombard. 14,99 euros (en librairie le 5 octobre)

Le site de Thomas Campi

26 Sep

Choker, un Blade Runner à la sauce Ben McCool et Ben Templesmith

Les affaires de Johnny « Choker » Jackson ont beau être florissantes, son ex-boulot de flic lui manque sacrément. Aussi, lorsque le patron de la police locale, Milton Ellis, lui propose de récupérer son insigne, son arme et dans le même temps sa licence d’emploi de la brutalité, il lui était forcément difficile de refuser. Adieu l’agence Jackson Investigations, retour au bercail et tant pis si l’uniforme est désormais un peu trop juste pour lui. On s’encroute vite dans le civil ! Tant pis aussi si son nouvel équipier, une équipière, a plus d’une tueuse que d’une représentante de la loi. Mais voilà, il y a un petit service en contre-partie. Johnny Jackson est chargé de traquer Hunt Cassidy, un baron de la drogue qui vient juste de s’échapper de la prison. Et ce n’est vraiment pas un cadeau…

Après le loup-garoutesque Bienvenue à Hoxford, Ben Templesmith nous revient avec un polar, glauque, déjanté, violent à souhait et légèrement futuriste signé de l’Anglais Ben McCool. Le scénario est en béton armé et, visuellement, Ben Templesmith nous régale une nouvelle fois avec des planches d’une esthétique impeccable et bluffante, un graphisme alliant dessin et peinture le tout retravaillé numériquement et rehaussé de couleurs vives. Une touche de beauté dans un monde de brutes ! EGuillaud

Choker, de Ben Templesmith et Ben McCool. Editions Delcourt. 14,95 euros

24 Sep

Un polar dans le Pigalle des années 50 signé Loustal et Götting

D’un geste mécanique, forcément dérisoire, l’homme passe un morceau de chiffon sur ses lunettes avant de les poser sur son nez et de rédiger une lettre d’adieu. Quelques secondes plus tard, l’homme se suicide. On apprendra plus tard que cet imprimeur d’Auxerre venait d’être ruiné par un certain Robert Mondcamp, un escroc de Pigalle. En arrivant sur Paris, Antoine, se promet de venger son père. Il s’arrange pour approcher Mondcamp et se faire embaucher par lui le temps de quelques petites embrouilles. Plongé dans le monde de la nuit et de la petite arnaque, Antoine se demande s’il aura finalement le courage de tenir sa promesse…

On ne présente plus Jacques de Loustal, pas plus que Jean-Claude Götting. Tous deux mènent depuis les années 80 une carrière parallèle particulièrement féconde. Ils se trouvent réunis ici autour d’un polar, Loustal aux pinceaux, Götting à la plume, un polar qui transpire le Paris des années 50, le Pigalle de la nuit, des petits escrocs et des prostituées. Les atmosphères, le graphisme très pictural, les personnages de premier et de second plan, les lumières, les textes off… tout concourt à faire de cet album un petit chef d’oeuvre du genre. Coup de cœur ! EGuillaud

Pigalle 62.27, de Götting et Loustal. Editions Casterman. 15 euros

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L’info en +

A noter dans vos agendas, deux expositions autour de cet album se tiendront à Paris, à la galerie Barbier & Mathon du 11 au 31 octobre, et à Bruxelles, à la galerie Champaka, du 3 au 21 octobre.

22 Sep

Un peu de bois et d’acier, le nouvel album de Christophe Chabouté

Des jeunes, des vieux, des amoureux, des clochards, des comédiens, des musiciens, des intellectuels, des ouvriers, des sportifs, des actifs, des retraités, des gourmands, des chiens aussi, et beaucoup de passants indifférents qui s’arrêteront peut-être un jour. S’ils avaient des yeux, voilà ce que les bancs publics pourraient voir. Et s’ils avaient des oreilles, ils entendraient toutes les histoires du monde. Christophe Chabouté en a ici imaginé quelques-unes, des joyeuses, des tristes, des fugaces, des tenaces, des histoires qui appartiennent au quotidien. « J’avais envie de rendre important le futile… », confie l’auteur, « mettre en avant ces petits détails anodins, tellement communs et insignifiants que l’on ne les voit plus… essayer de rendre assourdissant le bruit d’une feuille morte qui tombe, guetter le léger et le frivole, et tenter de rendre l’ordinaire extraordinaire… ».

Et de fait, sur plus de 300 pages, Christophe Chabouté nous offre comme un long plan séquence dans lequel se jouent une multitude de portions de vies, des scénettes toutes teintées de poésie, de tendresse, d’humanité et de joie de vivre. « Contrairement à de précédents livres où mes histoires laissent généralement  un goût amer et où l’humour est grinçant, j’avais envie pour celui-ci de décrocher de petits sourires au lecteur, à la manière d’un Tati, faire preuve d’une certaine légèreté, d’humour tendre, arriver à ce que le drôle ne soit pas caustique mais touchant… ». Après les magnifiques Henri-Désiré Landru, Terre Neuvas et Construire un feu, tous parus aux éditions Vents d’Ouest, Christophe Chabouté poursuit l’édification d’une oeuvre singulière, très personnelle, qui donne la priorité à l’imaginaire. EGuillaud

Un peu de bois et d’acier, de Chabouté. Editions Vents d’Ouest. 30 euros

17 Sep

Mégabras ou le super-héros façon Guillaume Bouzard

Guillaume Bouzard, auteur de bandes dessinées de son état, est un garçon d’ordinaire plutôt gentil. On pourrait même dire un garçon serviable, attentionné. Mais depuis quelques temps, Guillaume ne se contrôle plus. Les petites contrariétés le mettent vite dans une colère noire et, surtout, transforment son bras droit en mégabras hyper-musclé. Imaginez une transformation genre « Hulk » mais sans la peinture verte et affectant qu’une partie du corps. Maintenant, pour Guillaume, la question est simple : que faire de ce super-pouvoir ? Changer de métier et devenir maçon ? Et pourquoi pas docker ? Non, il faut mettre ce bras au service de la veuve et de l’orphelin. Dorénavant, Guillaume sera un super-héros…
Ce n’est pas la première fois que Guillaume Bouzard se met en scène dans ses albums (voir The Autobiography of me too aux Requins marteaux), ce n’est pas non plus la première fois qu’il parle de super-héros (voir Plageman l’homme-plage, publié chez 6 pieds sous terre) et enfin ce n’est pas la première fois qu’il parle de bras (voir Le Bras qui bouge chez Fluide Glacial). Cet album serait-il pour autant un concentré des obsessions de l’auteur ? Une seule chose est sûre, Mégabras est un concentré d’humour… brutal ! EGuillaud

Megabras, de Bouzard. Editions Fluide Glacial. 14 euros

Zone blanche, un polar façon Jean-C. Denis, Grand prix d’Angoulême 2012

C’est un polar. Sans vraiment l’être. Un récit singulier en tout cas, plus intimiste que spectaculaire comme peuvent l’être les albums de Jean-C. Denis. L’auteur de la série Luc Leroi, de L’Ombre aux tableaux, de Quelques mois à l’Amélie ou encore de Tous à Matha est un pilier du Neuvième art, un chef de file de ce qu’on a appelé la nouvelle bande dessinée française apparue dans les années 70. Du haut de ses 30 ans de carrière, de ses dizaines d’albums, de ses nombreux prix aussi, dont le prestigieux Grand Prix d’Angoulême reçu en 2012, Jean-C. Denis peut s’enorgueillir d’avoir construit une oeuvre homogène,  riche, encrée dans son époque, avec la réalité pour témoin et la rencontre pour thématique récurrente. Zone blanche est aussi l’histoire d’une rencontre, un soir de panne générale d’électricité. Pas banal ! D’un côté, Serge Guérin, la cinquantaine, électro-sensible, une vie de douleurs et de solitude et un digicode qui l’empêche de rentrer chez lui. De l’autre, Claire, une femme pas vraiment belle, pas vraiment laide, naufragée elle-aussi de la panne d’électricité, une femme qui dégage aucune mauvaise onde. Et c’est important pour Serge. La soirée se prolonge et se termine dans un lit sans qu’il soit question d’amour. Non, il s’agit plutôt d’un acte qui scelle un accord entre les deux, un accord qui va changer leur vie… EGuillaud

Zone blanche, de Jean-C. Denis. Editions Futuropolis. 16 euros

L’info en +

Jean-C. Denis sera le président de la prochaine édition du festival d’Angoulême en janvier 2013.

11 Sep

Le Bureau des complots, le nouvel album de Jérémy Mahot

Si vous avez dévoré Les frères Zimmer contre le reste du monde, alors vous devriez logiquement aimer Le Bureau des complots. Même si ce nouvel album de Jérémy Mahot avance avec un humour plus masqué, plus cynique aussi, vous retrouverez ici l’atmosphère savoureusement décalé du premier album ainsi que le graphisme minimaliste, géométrique, rigide, en un mot glacial, qui devient la marque de fabrique de l’auteur. Et l’histoire ? Justement l’histoire… Jérémy Mahot part des attentats du 11 septembre et des différentes théories du complot pour imaginer l’existence d’une agence secrète qui serait à l’origine de toutes les catastrophes de l’histoire : l’assassinat de Kennedy, le tsunami en Thaïlande et, donc, le 11 septembre. Si le sujet est grave, particulièrement à l’approche du jour anniversaire, Jérémy Mahot parvient à traiter l’affaire avec finesse. Le héros principal de cette « politique-fiction », patron de l’agence et instigateur direct de l’attentat contre le World Trade Center, est un petit bonhomme sec et froid, absolument dépourvu d’humanisme… C’est le deuxième album de l’auteur ! EGuillaud

Le Bureau des complots, de Jérémy Mahot. Editions Delcourt. 9,95 euros.

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