30 Mar

Les premiers traits de Picasso : qui se cachent derrière la réussite de Pablo ?

Pablo (t4) Picasso de Julie Birmant & Clément Oubrerie © Dargaud

Pablo (t4) Picasso de Julie Birmant & Clément Oubrerie © Dargaud

Après Max Jacob, Apollinaire et Matisse, voici enfin le dernier tome de la saga du jeune peintre espagnol appelé à être mondialement connu : Pablo. Commencée en 2012, cette série est née d’une idée de Julie Birmant qui a choisi le point de vue de la première muse de Picasso : Fernande, restée jusqu’à présent dans l’ombre du maître. Clément Oubrerie a relevé le défi de dessiner les premiers pas de l’artiste à Montmartre. Ce 4ème album débute en 1907 aux premières heures du cubisme.

–          Est-ce que dessiner la jeunesse de Picasso quand il a commencé à peindre cela a été un défi ou un plaisir pour vous ?

Clément Oubrerie : Moi, j’adore Picasso de toute manière. Là, l’idée ce n’était pas du tout de faire de l’art en tant que tel, mais plutôt d’essayer de se rapprocher de l’esprit de l’époque et d’utiliser le matériel de l’époque comme le fusain.

Clément Oubrerie © Dargaud / Rita Scaglia

Clément Oubrerie © Dargaud / Rita Scaglia

–          C’est une contrainte que vous vous êtes fixée d’utiliser le matériel de l’époque ?

–          Oui et d’être plutôt sur des grands formats, de dessiner les images une à une, comme si cela était des tableaux.

–          Votre style évolue au fil des tomes. Est-ce un choix délibéré ?

–          Ce n’est pas conscient mais je ne m’interdis pas de changer, de m’adapter. J’essaye juste de suivre et d’être dans la dynamique du récit. Cela dépend selon l’humeur et il n’y a pas vraiment de règle. C’est que l’on n’est pas dans la ligne claire. Il n’y a pas une charte hyper stricte, c’est plus instinctif.

« Je n’ai rien inventé. Tout est réel. C’était totalement grandiose et démesuré ! » Clément Oubrerie

–          Même s’il y a des références à la ligne claire d’Hergé avec l’épisode de la consommation d’opium ?

–          Oui effectivement c’est effectivement une grosse référence et Tintin est dans mon panthéon personnel.

–          L’essentiel du récit se déroule à Paris. Avez-vous travaillé avec des documents d’époque pour reconstituer l’ambiance du début du siècle ou avez vous choisi de vous rendre sur place ?

–          Les deux. Tout est bon à prendre. Julie Birmant a une énorme documentation. Moi j’avais aussi pas mal de doc. Et pour le 4ème tome nous avons eu accès à toutes les archives du Musée Picasso. On le sait peu, il était fou de la photo très vite. Il a eu son premier appareil vers 1905. Avant la réouverture prochaine du musée, nous avons pu voir pleins de photos que personnes n’a jamais vues. Il y a aussi le musée de Montmartre qui est en pleine renaissance.

–          Vous avez aussi utilisé leurs archives ?

–          Oui, ils sont aussi énormément d’archives photographiques sur Montmartre du début du siècle et eux aussi nous ont donné les clés. C’était un truc un peu poussiéreux et là, il y a une nouvelle équipe qui est entrain de tout changer. Leurs photos sont classées par rues, commerces, par scènes et c’est une mine d’or pour les décors. C’est pour ce tome, que nous avons bénéficié de la plus grande quantité de matériel.

–          Il y a une scène éblouissante, celle de l’exposition universelle avec, par exemple, un tapis roulant en bois.

–          Je n’ai rien inventé. Tout est réel. C’était totalement grandiose et démesuré. Ils ont construits des trucs gigantesques qui ont été détruits juste après. Certains étaient plus ou moins de bon goût. Il y avait des monuments du kitsch, des trucs incroyables.

Pablo (t4) Picasso de Julie Birmant & Clément Oubrerie © Dargaud

Pablo (t4) Picasso de Julie Birmant & Clément Oubrerie © Dargaud

 « Fernande, c’était une femme fatale, il n’y avait pas un homme qui n’était pas sous son charme ! » Julie Birmant

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11 Mai

Pablo – Matisse (t3) par Julie Birmant & Clément Oubrerie

Pablo (t3) par Julie Birmant et Clément Oubrerie - Dargaud

Le Rouge est de mise dès la couverture. Le sang chaud de l’ibère, l’amour viril, les braises  … Pour patienter jusqu’à la réouverture de son musée fin 2013 à Paris, découvrez comment un jeune espagnol nommé Pablo, fraîchement arrivé dans la capitale française à 19 ans, est devenu Picasso. 10 ans plus tard il aura inventé l’Art Moderne et le Cubisme. Le tome 3 de cette aventure en 4 volets vient de paraître.


Comme pour les deux précédents albums, la qualité graphique de Clément Oubrerie, amplifiée par le talent de sa coloriste Sandra Desmazières, se confirme – tout comme le point de vue original choisi par la scénariste Julie Birmant : le récit des premières années parisiennes de Pablo à travers le regard de son modèle, son premier grand amour Fernande Olivier. La grande absente des biographies de Picasso a pourtant partagé pendant près de 10 ans, une période charnière de sa vie : ses années de formation.

Pablo (t3) par Julie Birmant et Clément Oubrerie - Dargaud

Chaque volume est ponctué par une rencontre qui lie le futur Picasso à un grand nom de l’art moderne. Après Max Jacob et Guillaume Apollinaire, c’est au tour d’Henri Matisse surnommé C.M., Cher Maître. Mais cette fois-ci le défi est de taille. Fernande est sous le charme de l’auteur du Nu Bleu et de La Danse. Henri Matisse devient le rival et le modèle à dépasser. Pablo part à la chasse à l’inspiration jusqu’au fin fond de sa Catalogne natale. Il en revient avec l’idée de peindre un bordel : celui des Demoiselles d’Avignon, la toile fondatrice du cubisme. Pour s’opposer à l’idéal esthétique de Matisse, il peint une œuvre provocante, choquante et délibérément inachevée. Sous ses pinceaux jaillit l’Art Moderne, sous l’influence de vestiges anciens et de statues africaines.

Pablo (t3) par Julie Birmant et Clément Oubrerie - Dargaud

Au final ce nouvel opus continue d’être une magnifique description du mécanisme de création à travers le regard d’une femme amoureuse. L’art est en marche et l’aventure n’est pas terminée : de grandes oeuvres restent à être inventées.

Julie Birmant & Clément Oubrerie - Dargaud/Cécile Gabriel

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La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Baïa – Matthieu Chedid

Pour découvrir les premières planches de l’album : Dargaud

Le point de vue de la presse spécialisée : La Ligne Claire BDgest

09 Jan

Pablo – Apollinaire (t1&2) de Julie Birmant & Clément Oubrerie – Dargaud

Pablo T2 Couverture - dargaud

Le Grand Paris de la BD n° 8

Pablo, vous le connaissez : c’est la figure emblématique de la peinture du XXème siècle. Mais ici pas question de nous présenter cette icône en maillot rayé sous laquelle notre imaginaire collectif se représente ce peintre. Ce Pablo Picasso là est un tout jeune homme qui découvre le Paris de l’expo universelle de 1900. Le Paris mythique de Montmartre et du Bateau-Lavoir, une ancienne manufacture de pianos transformée en repaire d’artistes fauchés.

Dans le premier tome intitulé « Max Jacob », c’est la rencontre avec le poète inspirateur de sa période bleue qui est décrite. Dans ce second opus, c’est celle avec un autre poète : Guillaume Apollinaire. Une rencontre tout aussi importante, dans une brasserie de la Gare Saint-Lazare, pour une nouvelle période de création : la rose. C’est le principe de cette surprenante série ; à chaque album correspond une période et une rencontre essentielle qui se transforme en amitié et contribue à faire évoluer la peinture de Pablo.

Pablo (t2) par Julie Birmant et Clément Oubrerie - Dargaud

Objectif atteint pour cette BD : faire vivre Pablo Picasso sans tomber dans l’académisme ou l’histoire de l’art didactique. Une réussite qui tient aux choix de la scénariste Julie Birmant, habituée des recherches historiques de par son travail de documentariste. Elle affirme ici que « tout est VRAI dans cette histoire ». Peu importe d’ailleurs si elle a pris quelques libertés avec le grand homme. Le plaisir est ailleurs : dans l’angle choisi pour entrer dans le récit.

L’auteur, qui avait livré de touchants portraits d’artistes dans Drôles de Femmes, privilégie ici aussi le point de vue d’une femme, celui de la première compagne du peintre, Fernande Olivier. Un point de vue original, puisé dans les Mémoires de ce modèle recherché des artistes parisiens. Nous apparaît alors un Pablo attachant, un amoureux fou, à la fois fleur bleue et dévoré par sa passion érotique, un gamin capable de faire feu avec un pistolet tout en martelant « A bas Laforgue ! Vive Rimbaud ! ».`

Pablo (t2) par Julie Birmant & Clément Oubrerie - Dargaud

La liberté de ton se retrouve aussi dans les dessins de Clément Oubrerie, l’auteur de la série à succès Aya de Yopougon. Une gageure pour un dessinateur que de se de mesurer au génie du peintre ! Pari réussi car Clément Oubrerie, avec son trait naïf, s’est en quelque sorte installé sur les épaules de ce géant pour nous donner à voir l’envers des toiles du maître. De l’impossibilité commerciale de départ de représenter un seul tableau de Picasso (on ne plaisante pas avec le droit de reproduction des œuvres chez ces ayant droits…), il en fait une force graphique très évocatrice. Il joue avec notre mémoire picturale avec brio.

Pablo (t2) par Julie Birmant & Clément Oubrerie - Dargaud

Une histoire dont on attend avec impatience les deux tomes suivants, pour se plonger avec délectation dans les planches grand format du Paris d’une époque en plein mutation : du premier métropolitain au cirque Médrano, en passant par le Grand Palais. Clément Oubrerie confie d’ailleurs que pour cette série, chacune des cases est réalisée en format A4 puis réduite pour créer des planches. Un choix qui lui autorise toutes les techniques : fusain, encre … et insuffle une vitalité détonante.

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Julie Birmant - Dargaud/Cécile Gabriel

Clément Oubrerie - Dargaud/Rita Scaglia

La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Arthur H « Lily Dale » de l’ album Négresse Blanche


Pour découvrir les premières planches de l’album : Pablo

Le point de vue de la presse spécialisée :

PlaneteBD , ActuaBD , Télérama