17 Oct

L’homosexualité, un thème fort de cette rentrée

 

Blue Is the Warmest ColorBy Julie Maroh - Arsenal Pulp

Blue Is the Warmest ColorBy Julie Maroh – Arsenal Pulp

 

Depuis leur création, les héros de BD franco-belges ont longtemps été sans sexualité affichée dans leurs cases (Tintin, Astérix, Gaston …) au mieux avaient ils des émois. A partir des années 90, les romans graphiques et leur force d’évocation ont bouleversé la donne. En cette rentrée, plusieurs albums surprennent et bouleversent les codes avec des personnages centraux qui se découvrent homosexuels. Revue arc-en-ciel de cet automne après une année 2013 marquée en France : par le vote d’une loi ouvrant aux couples homosexuels le droit au mariage et à l’adoption et par une palme d’or, inspirée pour la 1ère fois d’une BD.

 

Respirez profondément et lancez vous pour prononcer à haute voix son nom-tout-attaché : OCEANEROSEMARIE. Elle se décrit comme une Lesbienne Invisible, une homosexuelle que personne ne voit comme telle. Trop féminine : rouge à lèvres et robes à fleurs ne seraient pas des attributs de la lesbienne attitude. Pourtant dans le regard des autres elle a besoin de reconnaître son identité sexuelle.

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel - Delcourt

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel – Delcourt

De ce décalage est nait un spectacle, La Lesbienne Invisible un one-woman-show à succès (500 dates – 4 000 spectateurs) et aujourd’hui une version en bande dessinée des plus drôles. La dessinatrice Sandrine Revel (au passage elle révèle être elle aussi une invisible) nous livre là une fine et juste adaptation. Issue de l’illustration et de la BD jeunesse (Alph-art 2001 pour Un Drôle d’ange Gardien) elle a un trait qui se joue des couleurs pastels. Cet album démonte avec humour un à un tous les clichés sur l’homosexualité féminine sans complexe et sans voyeurisme (le premier baiser entre fillettes, les femmes motards, le foot féminin …)

La raison : « parce qu’il y en a encore beaucoup trop, et rappeler qu’au fond, on est tous pareils ; on fait ce qu’on peut pour se construire, rencontrer l’amour, trouver notre place dans le monde, qu’on soit homo ou hétéro. » déclare Oceanerosemarie, auteure également de Ma cuisine Lesbienne et du Guide Pratique du mariage Homo. « Nous, les homos, nous n’avons rien ou presque dans la fiction, des contes pour enfants aux films de cinéma, qui ait parlé de nous en tant qu’homosexuels puisque les héros sont presque toujours des hétéros. Et pourtant, ça ne nous a pas empêches de nous identifier, d’être émus, touchés. J’aimerais que les hétéros puissent faire de même, car je crois en l’humanité d’un personnage est toujours identifiante. »

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel - Delcourt

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel – Delcourt

Alors quelle que soit votre identité sexuelle, n’hésitez pas à vous plongez dans ce récit à la première personne, 100% gai et 100% pour toutes et tous. Rire, créativité et tendresse garanties.

 

La Lesbienne Invisible par Oceanerosemarie & Sandrine Revel – Delcourt

Paco a les mains rouges. Il ne les avait pas quand il était encore instituteur en métropole et fiancé. Mais depuis que Patrick Comasson a été condamné à la perpétuité à Cayenne, il a découvert ce qu’est la Grande Terre et ce que signifie l’enfer du bagne si bien décrit par Albert Londres en son temps.

Paco les mains rouges par Fabien Velhmann & Eric Sagot – Dargaud

Paco les mains rouges par Fabien Velhmann & Eric Sagot – Dargaud

 

A son arrivée en Guyane, dans le sang, il a trempé ses mains et gagné son surnom : Paco les mains rouges, premier gage de survie dans cet horreur tropical des années 30. Le talent des auteurs, Eric Sagot et Fabien Velhmann (l’auteur attitré, avec Yoann, du renouveau des aventures de Spirou), est de ne pas en rajouter. Bien au contraire dès la couverture et les premières planches, le ton est donné dans des couleurs désaturées et sombres. Des faits bruts pour décrire l’insoutenable dessinés le plus simplement possible. Le tout donne une force incroyable à l’amour de Paco pour un autre homme, un bagnard comme lui, doué du talent de tatouer. Grace à lui, Paco est en partie protégé du pire, mais ne reconnaît la vérité de ses sentiments et la découverte de son homosexualité que malgré lui. Ce premier tome fait espérer, avec le second et dernier épisode à paraître, un récit marquant et bouleversant.

Paco les mains rouges par Vehlmann & Sacot - Dargaud

Paco les mains rouges par Vehlmann & Sacot – Dargaud

 

 

 

 

 

Paco les mains rouges par Fabien Velhmann & Eric Sagot – Dargaud

 

Deadline ce terme est passé dans le langage courant pour parler d’une échéance. Mais saviez vous qu’il a aussi un sens littéral et que pendant la guerre de sécession il représentait réellement une ligne de mort. « Tu vois la rambarde, là, qui forme une ligne ? Ca mon pote, c’est la deadline ! Le doigt de dieu … » C’est ainsi que le personnage principal, Louis Paugham, découvre cette ligne de mort qui sépare les geôliers sudistes et les prisonniers nordistes dans une prison itinérante à ciel ouvert. Le prisonnier qui franchit cette ligne est immédiatement abattu. Cette ligne sera aussi le celle du basculement de ce jeune confédéré tout juste engagé dans l’armée du sud. Lors de sa première mission de surveillance il est aimanté par le regard fier d’un soldat noir.

Deadline par Laurent-Frédéric Bollée & Christian Rossi – Glénat

Deadline par Laurent-Frédéric Bollée & Christian Rossi – Glénat

La naissance d’un amour doublement impossible avec un homme noir est le thème de ce nouveau western sur fond de vengeance et de Ku Klux Klan. Les auteurs remarqués, Laurent-Frédéric Bollée (déjà scénariste du roman graphique fleuve Terra Australis) et Christian Rossi (l’héritier graphique du père de Blueberry, Jean Giraud) signent là un récit déconcertant et inattendu. En choisissant l’homosexualité comme trame centrale, leur western prend un souffle nouveau formidablement servi par des dessins à la couleur directe. Cette technique n’est pas aisée, elle consiste à colorier directement les crayonnés originaux et comme l’affirme Christian Rossi, « contrairement à la possibilité qu’offre le travail sur ordinateur, les repentirs sont presque totalement exclus ». D’où cette très belle profondeur dans l’image et cette sourde tension dans les couleurs comme en écho aux troubles sexuels du personnage principal.

Deadline par Bollée & Rossi - Glénat

Deadline par Bollée & Rossi – Glénat

 

 

 

 

 

Deadline par Laurent-Frédéric Bollée & Christian Rossi – Glénat

 

Julie Maroh a marqué nos esprits en affirmant que Le bleu est une couleur chaude (pour ceux qui ne l’auraient pas lu, il est réédité à l’occasion de la sortie du film la Vie d’Adèle).  Après ce magnifique récit d’amour entre une adolescente et une jeune femme aux cheveux bleus, son dernier album, Skandalon, divise, repousse ou choque à l’image de son héros à l’identité sexuelle en devenir. Skandalon en grec c’est la pierre d’achoppement, celle qui fait trébucher, devenu en français le scandale.

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

Julie Maroh nous livre une parabole aux références à la fois christiques et à l’auteur René Girard qu’elle a beaucoup lu comme elle l’écrit dans sa post face. Pas facile de donner chair à un concept. Autant sa maitrise du dessin, du cadrage et de la mise en page sont bluffantes, autant nous avons du mal à en entrer en sympathie, à comprendre ce personnage de rocker écorché qui fait tout pour se faire rejeter et haïr, rock star qui renvoie à tant d’autres connues dans le monde réel de la musique ou des arts. Un livre à lire malgré tout pour suivre cette auteure multi-primée pour son premier roman graphique.

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

 

Skandalon par Julie Maroh – Glénat

http://www.glenatbd.com/bd/skandalon-9782723492546.htm

A lire aussi sur le même thème, la chronique d’Eric Guillaud à propos du très bel album paru aussi en cette rentrée : La ligne droite d’Hubert & Marie Caillou, sur un adolescent qui peine à avouer son homosexualité.

Enfin du même talentueux scénariste, celui de Beauté, un ouvrage collectif commandé par le festival BD Boum de Blois. Cette fois Hubert a rencontré des LGBT en Touraine, comprenez des Lesbiennes, Gays, Bi et Trans pour écrire les Gens Normaux. Mis en image par différents dessinateurs, cette dizaine de récits « couvrent une variété de parcours et de modes de pensée où il est question d’orientation sexuelle, du choix de vivre en couple, d’avoir un enfant, du regard des autres, de la loi, la morale, la maladie ou des dangers parfois mortels (selon les pays) à être homosexuel.

Les Gens Normaux – Collectif BDboum - Casterman

Les Gens Normaux – Collectif BDboum – Casterman

A découvrir en novembre chez Casterman avec une préface rédigée par Robert Badinter qui lutta, en tant que Garde des Sceaux du gouvernement Mauroy, pour la suppression de la disposition légale pénalisant les relations homosexuelles.

Les Gens Normaux – Collectif BDboum - Casterman

Les Gens Normaux – Collectif BDboum – Casterman

 

Les Gens Normaux – Collectif BDboum – Casterman

 Didier Morel

08 Oct

Nouvelle édition pour l’album « Le Bleu est une couleur chaude » de Julie Maroh à l’occasion de la sortie en salles de « La Vie d’Adèle »

9782723498760-LLa Palme d’or du festival de Cannes 2013, La Vie d’Adèle débarque ce mercredi dans toutes les salles obscures de France et de Navarre. Un film particulièrement attendu par les amoureux du septième art comme par les amateurs du Neuvième art. Le film d’Abdellatif Kechiche est en effet une libre adaptation de la bande dessinée Le Bleu est une couleur chaude réalisée par la jeune Julie Maroh, un livre encensé par la critique et qui reçu entre autres le Prix du public au festival d’Angoulême en 2011.

A l’occasion de cette sortie en salles, les éditions Glénat rééditent l’album dans un format souple avec jaquette et bandeau. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir l’histoire bouleversante de la jeune Clémentine qui découvre la vie, l’amour, en même temps que son homosexualité…

Sur son site internet, Julie Maroh expliquait en mai dernier une fois le palmarès de Cannes connu : « Voilà bientôt deux semaines que je repousse ma prise de parole quant à La vie d’Adèle. Et pour cause, étant l’auteure du livre adapté, je traverse un processus trop immense et intense pour être décrit correctement. Ce n’est pas seulement à propos de ce que Kechiche a fait. C’est un processus à propos de l’idée de la répercussion de nos actes, d’écrire une ridicule histoire l’été de mes 19 ans et d’arriver à… « ça » aujourd’hui. C’est un processus à propos de l’idée de prendre la parole et transmettre sur la Vie, l’Amour, l’Humanité en tant qu’artiste, de manière générale. C’est un processus à propos de moi-même et du chemin que j’ai choisi. Donc, oui… je suis traversée d’un sentiment indescriptible à propos de la répercussion. De se lever et de parler, et où cela peut mener. Moi ce qui m’intéresse c’est la banalisation de l’homosexualité ». La suite ici !

Eric Guillaud

Le Bleu est une couleur chaude, de Julie Maroh. Editions Glénat. 17,50 euros

 

20 Sep

La Ligne droite, le nouveau livre de Hubert et Marie Caillou aux éditions Glénat

La ligne droite, c’est celle qu’aurait peut-être pu suivre le jeune Hadrien, ou du moins celle que sa mère aurait souhaité qu’il suive. Mais Hadrien derrière son air sage, presque timoré, pull jacquard sur les épaules, une belle raie de côté en guise de coiffure, n’a pas forcément choisi cette fameuse ligne droite. Même si ce n’est pas facile d’être différent dans un petit village de Bretagne comme le sien. Entre sa mère un brin oppressante, son école, bienpensante, Hadrien ne parvient pas à s’affirmer, restant seul la plupart du temps. Jusqu’au jour où son chemin croise celui de Jérémie, tout le contraire de lui. Il découvre à ses côtés des sentiments bien plus forts que l’amitié…

Après La Chair de l’araignée, un magnifique récit qui portait sur l’anorexie, Hubert retrouve Marie Caillou le temps de poser un regard délicat sur l’adolescence et l’homosexualité. Le graphisme à la fois épuré et poétique de Marie, le scénario fin, intelligent et posé d’Hubert ainsi que le format à l’italienne font de La Ligne droite un très bel ouvrage, vraiment, et une lecture saine pour tous. Que demander de plus ? Eric Guillaud

La Ligne droite, de Hubert et Marie Caillou. Editions Glénat. 22 euros