29 Mai

Mon père était boxeur : un récit autobiographique de Barbara Pellerin mis en images par Vincent Bailly et Kris

1507-1Lui c’est Hubert, elle c’est Barbara, un père, sa fille, un boxeur, une documentariste. Entre les deux, à première vue, pas grand chose en commun. L’un et l’autre ne se voient d’ailleurs plus depuis des mois, des années. Et pourtant ! En 2011, Barbara décide de faire un portrait sur son père le boxeur. C’est cette histoire qu’elle raconte ici avec Kris et Vincent Bailly. L’histoire d’une relation père-fille complexe.

Elle s’appelle Barbara mais n’a aucun don pour la musique. « C‘est juste un joli prénom », dit sa mère au moment de sa naissance. Son truc à elle, c’est plutôt l’image, le documentaire. Et c’est justement un documentaire sur l’univers de la boxe qu’elle envisage de réaliser en utilisant son père comme porte d’entrée. À moins que ce ne soit le contraire. Utiliser l’univers de la boxe pour se rapprocher du père, tenter enfin de le cerner, de le comprendre, d’expliquer ses accès de colère qui la terrorisaient lorsqu’elle n’était qu’une enfant et qui ont fini par faire fuir sa mère.

© Futuropolis / Pellerin, Kris & Bailly

© Futuropolis / Pellerin, Kris & Bailly

Cette mère a accompagné le champion dans ses victoires et surtout dans ses défaites. À mesure que le ring s’éloignait, l’alcool se rapprochait. Dangereusement. Le boxeur devient représentant au sein du groupe Berger. Un autre combat commence. Apéro après apéro, colère après colère, le caractère du père change, la vie n’est plus aussi douce.

« J’ai baigné dans la crainte d’un débordement… », explique Barbara Pellerin, « d’un coup de folie, du meurtre. Imprévisible, il se transformait brusquement en un volcan de fureur que rien ne semblait arrêter, même pas moi ».

© Futuropolis / Pellerin, Kris & Bailly

© Futuropolis / Pellerin, Kris & Bailly

A 18 ans, Barbara prend le large. Pas de fâcherie avec ce père mais un besoin de ne plus le voir. Elle ne le retrouve que bien des années plus tard,. Son père sort alors d’un séjour en hôpital psychiatrique.

« Au milieu d’un gouffre creusé depuis l’enfance, la boxe deviendra un virage, une virgule, un trait d’union entre mon père et moi », explique Barbara.

Caméra au poing, elle commence à le suivre et passe une partie de l’hiver 2012 au Boxing club de Rouen, quand son père décède subitement.

© Futuropolis / Pellerin, Kris & Bailly

© Futuropolis / Pellerin, Kris & Bailly

« Lorsque je commence à comprendre que ce film prend le chemin d’une quête, celle sans doute impossible de comprendre mon père, la vie s’arrête brusquement un dimanche matin de novembre ».

De cette expérience, Barbara en tire un documentaire et un peu plus tard cette bande dessinée qui montre ce que le documentaire ne montre pas à commencer par la jeunesse de Barbara. Un récit autobiographique au coeur de l’intime, un récit fort et poignant, magnifiquement écrit et mis en images par deux talentueux auteurs du Neuvième art, Kris (Un Homme est mort, Notre mère la guerre…) pour l’adaptation et les dialogues, Vincent Bailly (Un sac de billes, Coupures irlandaises…) pour le dessin, une touche graphique qui rappellera peut-être à certains celui de Baru en un brin plus sauvage, en un brin plus jeté façon croquis.

C’est beau, c’est même très beau, c’est intelligent et sensible. Cerise sur le gâteau, le DVD du documentaire accompagne l’album, un trentaine de minutes avec, c’est un détail mais qui a son importance, une très belle musique de La Maison Tellier sur le générique de fin. Autant de raisons pour se jeter sur l’album.

Eric Guillaud

Mon père était boxeur, de Barbara Pellerin, Vincent Bailly et Kris. Editions Futuropolis. 20€

10 Déc

De Tunis à Auschwitz, le combat pour la vie du boxeur Victor Young Perez

Young de Vacarro et Ducoudray

Young de Vacarro et Ducoudray

136 combats, 91 victoires dont 27 par KO, champion de France puis champion du monde des poids mouches, Victor Young Perez est une légende de la boxe mais pas seulement…

C’est une légende tout court, un homme au destin incroyable à la fois magnifique et tragique. Né à Tunis en 1911 dans une modeste famille juive, Victor Young Perez s’installe à Paris en 1927. C’est là qu’il décide de devenir champion de boxe à l’image de son idole Battling Siki. Il devient la coqueluche du tout Paris et l’amant de l’actrice Mireille Balin avant d’être finalement déporté à Auschwitz où il mourra en janvier 45 sous les balles nazies !

L’album d’Eddy Vaccaro et d’Aurélien Ducoudray s’intéresse plus précisément à ces années de déportation à Auschwitz durant lesquelles Young se voit chargé par le commandant du camp d’organiser des combats de boxe pour distraire les nazis. Cette « mission » devient pour lui une question de survie! Une question de survie que le trait de Vaccaro, charbonneux, sombre, tendu, rend quasiment palpable au point que certaines scènes nous ramènent au fameux Maus de Spiegelman.

Après nous avoir offert la superbe biographie du boxeur Battling Siki avec Championzé, le tandem Vacarro – Ducoucray met en scène la vie d’un de ses disciples avec la même force graphique et narrative. 120 pages d’une profonde intensité dramatique où le destin d’un homme se confond avec le destin du monde.

un-crayon-tres-sombreLa vie de Victor Young Perez en BD mais aussi au cinéma

Sans parler d’oubli général, le souvenir de Victor Young Perez était surtout resté vivace dans le milieu de la boxe. Mais en 2012, une première bande dessinée, signée Lapière et Samama, réactivait la légende. A l’Ombre de la gloire, également publié chez Futuropolis, mettait en avant l’idylle entre Victor Young Perez et l’actrice Mireille Balin. 2013 poursuit le travail avec la parution de l’album de Vacarro et Ducoudray et le film Victor Young Perez réalisé par Jacques Ouaniche avec Brahim Asloum dans le rôle du boxeur, un film toujours à l’affiche…

Young, Tunis 1911 – Auschwitz 1945, de Vaccaro et Ducoudray. Editions Futuropolis. 20 euros

Eric Guillaud

L’info en +

Un autre album a récemment été publié sur ce thème, il s’agit du Boxeur de Reinhard Kleist chez Casterman qui raconte la vie de Hertzko Haft qui, lui-aussi, est passé par les camps de concentration et a dû faire des combats de boxe pour survivre…

La bande annonce du film…

13 Jan

Retour sur la Shoah avec « Le Boxeur » de Reinhard Kleist

L’auteur allemand Reinhard Kleist est connu des deux côtés du Rhin pour avoir mis en images quelques destins exceptionnels comme Elvis Presley chez Petit à Petit, Johnny Cash chez Dargaud ou Castro chez Casterman. Il s’attaque cette fois à la vie d’Hertzko Haft, personnage moins célèbre que les précédents mais dont l’histoire est tout aussi passionnante. Ce Juif polonais né en 1925 n’a pas encore 15 ans quand il est arrêté par les Allemands et envoyé dans un camp de travail, avant de finalement atterrir à Auschwitz. Repéré par un officier allemand, le jeune homme accepte de se former à la boxe dans l’unique but d’offrir aux SS des combats sans limite. Un jeu de massacre auquel il survivra et qui lui permettra de survivre aux camps. A la fin de la guerre, Hertzko s’installe aux Etats-Unis et continue à boxer avec la ferme intention de se faire un nom et de retrouver Leah, sa fiancée dont il perdu la trace depuis son arrestation…

Ainsi que nous le rappelle un dossier accompagnant l’album, Hertzko Haft n’était pas un cas isolé. Pour se distraire, les SS avaient effectivement « enrôlé » nombre de boxeurs professionnels parmi les déportés tels que Young Perez ou Leone Efrati, mais aussi des amateurs et parfois des hommes qui n’avaient jamais boxé comme Hertzko. Un récit passionnant et pétrifiant, où le trait de Reinhard Kleist, très proche du coup de griffe de Will Eisner, trouve toute sa force d’évocation. EGuillaud

Le Boxeur, de Reinhard Kleist. Editions Casterman. 16 euros

07 Oct

Après « Amato », Denis Lapière et Aude Samama signent « A l’ombre de la gloire » ou le destin croisé de deux gloires des années 30

Victor Perez et Mireille Balin ! Ces deux personnages ne vous disent peut-être rien. L’un et l’autre ont connu leur heure de gloire dans les années 30. Victor Perez dans la boxe en devenant champion de France puis champion du monde de poids mouche en 1931. Mireille Balin en jouant les femmes fatales au cinéma, notamment dans Pépé le Moko ou Gueule d’amour. Peu de points communs entre le pauvre juif tunisien d’un côté et la belle parisienne blanche et catholique de l’autre. Pourtant, leurs chemins vont se croiser un soir de fête. Ils s’aimeront un temps, sincèrement, puis reprendront chacun le cour de leur vie avant d’être finalement rattrapés par la guerre et de connaître une fin tragique…

A l’Ombre de la gloire est une histoire authentique, le portrait croisé de deux êtres radicalement différents, pour ne pas dire opposés, simplement réunis par cette recherche obsessionnelle de la gloire, l’un à la force de ses poings, l’autre par la douceur de ses formes. Le scénariste Denis Lapière à qui on doit quelques albums majeurs comme Le Bar du vieux français, L’Impertinence d’un été ou encore Page noire , s’est appuyé sur les biographies réelles de Victor Pérez et de Mireille Balin pour construire le squelette de cette histoire, imaginant, inventant les incontournables parts d’ombres. La mise en images est signée Aude Samama. Cette jeune femme a déjà travaillé avec Denis Lapière sur l’album Amato en 2009 (Futuropolis) et avait déjà fait forte impression par sa technique, peignant directement sur la planche, sans crayonné, et par les ambiances qu’elle parvient à créer, notamment ici sur les combats de boxe. Un récit d’une très grande sensibilité ! EGuillaud

A l’Ombre de la gloire, de Denis Lapière et Aude Samama. Editions Futuropolis. 20 euros

.

Pour aller plus loin, je vous conseille la lecture de l’interview réalisée par l’express.fr et la consultation du site de Aude Samama