13 Août

Mort de l’auteur de comics Joe Kubert

© Gianfranco Goria

Un géant de la bande dessinée américaine disparaît. Joe Kubert, figure de l’âge d’or des comics américains, auteur notamment de Sgt Rock, de Hawkman, de Ka-Zar ou encore de Tor, est mort le 12 août à l’âge de 85 ans.

On le voit ici à gauche sur cette photo de Gianfranco Goria prise en 1998 à Lucca aux côtés d’un autre géant américain, Will Eisner, disparu pour sa part en 2005.

.

.

Krrpk, de Bill. Editions Delcourt. 12,50 euros.

Sur la planète Grook, on aime la déconne ! Par contre, on serait un tantinet susceptible, un poil rigide sur les principes, pas franchement accueillant, relativement raciste et qui plus-est voleur. Fraîchement débarqué de sa lointaine planète, Krrpk va malheureusement l’apprendre à ses dépends. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, le voilà raillé, montré du doigt, insulté et dépouillé de ses économies. Résultat des courses, Krrpk va devoir très rapidement trouver un boulot s’il ne veut pas être mis dehors par sa logeuse. Un boulot d’immigré s’entend ! Mais ce n’est pas grave. Krrpk n’est pas là pour gagner de l’argent, ni faire carrière ou trouver des amis. Il est là pour remplir une mission…

Attention, ce livre totalement déjanté pourrait provoquer chez des lecteurs assidus des spasmes, voire une crises aiguë de fou rire. Responsable et coupable de la chose, un certain Bill, né à Rouen, aujourd’hui réfugié dans le sud de la France, et qui a sévi précédemment dans la série Lucha Libre parue aux Humanoïdes Associés. Mais Krrpk – mieux vaut avoir à l’écrire qu’à le prononcer – n’est pas uniquement le récit des aventures hilarantes d’un extra terrestre tout vert avec une tête crantée, c’est aussi à un autre niveau de lecture l’histoire d’un immigré qu’on exploite, qu’on méprise et qu’on jette…  Heureusement, dans la vraie vie, ce genre de chose n’arrive jamais ! EGuillaud

Pour rire un peu plus… direction le blog de Bill

08 Août

Martha Jane Cannary (troisième partie), de Christian Perrissin et Matthieu Blanchin. Editions Futuropolis. 22,50 euros.

Si vous devez partir ces jours-ci en vacances sur une île déserte ou plus vraisemblablement sur une plage surpeuplée et n’emmener avec vous qu’une sélection drastique d’albums, alors je ne peux que vous conseiller Martha Jane Cannary, un triptyque absolument magnifique et singulier dont le dernier volet est sorti en avril de cette année chez Futuropolis. Bien que l’histoire se déroule dans l’Ouest américain du XIXeme siècle et porte sur l’une de ses figures légendaires, connue sous le nom de Calamity Jane, ce récit n’a rien d’un western à proprement parler. Il s’agit plutôt d’une biographie intime, d’un regard peut-être plus réaliste, plus terrien, sur le parcours hors du commun de cette femme dans un univers alors très masculin. Née le 1er mai 1852 dans le Missouri, calamity Jane est devenue par la force des choses une aventurière au long cours, une femme téméraire qui traversa maintes fois les territoires sioux, une femme libre aussi qui croisa un jour la route du général Custer, tomba amoureuse d’une autre figure légendaire de l’époque, James Butler Hickok, alias Wild Bill, eut une fille qu’elle décida plus tard d’abandonner…

C’est à travers les lettres que Calamity Jane a adressées à cette enfant, entre 1877 et 1902, que les auteurs, Christian Perrissin et Matthieu Blanchin, ont bâti leur récit. Mais pas seulement ! « Pour ne pas être dupes, nous nous sommes documentés sur son environnement historique, social, affectif… », confie Matthieu, « Il a fallu faire des recoupements entre divers bouquins qui parlent d’elle ou de ses contemporains comme Wild Bill Hickok ou Custer, et voir si ce qu’elle racontait concordait avec les dates et les lieux… ». Car Calamity Jane inventait beaucoup de choses à son propos. « Nous proposons en fait un portrait subjectif d’une personne qui, il ne faut pas l’oublier, se mystifiait elle-même de son vivant ». Bien que revendiqué comme subjectif, ce portrait a pourtant bien le mérite de démystifier le personnage et laisser apparaître ses parts d’ombre, ses peurs, ses doutes, ses faiblesses. Avant d’être une légende, Calamity Jane était donc une femme. Au final, Christian Perrissin et Matthieu Blanchin nous offrent 368 pages de bonheur, d’aventure intime et de cavalcades dans les grands espaces, loin des codes habituels du genre, tant d’un point de vue scénaristique que graphique. A lire, les deux pieds dans la poussière… pardon dans le sable ! EGuillaud

Cent mille journées de prières (livre second), de Michäel Sterckeman et Loo Hui Phang. Editions Futuropolis. 21 euros.

Louis voudrait tant que son père soit à ses côtés. Que les choses se soient passées autrement. Qu’il n’y ai jamais eu de guerre, de Khmers rouges, de génocide, de retour précipité en France pour sa mère alors enceinte. Mais cent mille journées de prières ne suffiraient pas à changer les choses, à les effacer. Alors, Louis doit faire avec et supporter de ne jamais avoir connu son père ou le Cambodge, supporter sa différence, supporter les moqueries de ses camarades de classe, supporter le silence, les non-dits, de sa mère… Jusqu’au jour où une famille cambodgienne se réfugie dans sa propre maison avec pour effet direct de délier les langues. Louis fait alors connaissance avec un pays et un père qui, loin d’être un tortionnaire comme il a pu le craindre un moment, fût victime des Khmers rouges…

Nous attendions ce deuxième volet de Cent mille journées de prières avec une certaine impatience, pour ne pas dire une impatience certaine, tant le premier tome nous avait surpris, bouleversé et interrogé. Dans ces 120 nouvelles pages, la scénariste Loo Hui Phang nous en apprend plus sur ce petit garçon de huit ans, confronté au racisme « ordinaire » de ses camarades de classe et en même temps à un lourd secret de famille. De même, on en apprend plus sur ce père qu’il n’a jamais connu et surtout sur la relation que celui-ci, déjà marié et père de famille au Cambodge, a entretenu avec sa mère. En préface au premier volet, l’auteure racontait comment son propre père lui avait appris il y a quelques années qu’il avait eu un frère et trois de ses sœurs assassinés par les khmers rouges. « En quelques minutes, j’ai vu surgir puis disparaître une partie de ma famille… »,confiait Loo Hui Phang, « Cette révélation a donné un visage à mes cauchemars. Il est des événements familiaux qui se muent en secrets, retenus sous un voile de pudeur. Enterrés sous des années de silence, ils continuent de hanter les vivants, d’opérer dans l’ombre leur travail de destruction… ». Un récit poignant, pudique, sensible, merveilleusement mis en images par le dessinateur Michaël Sterckeman ! EGuillaud

lire la chronique du premier volet

05 Août

32 Histoires, de Adrian Tomine. Editions Delcourt. 13,95 euros.

C’est avec Les Yeux à vif, publié en 1998, et plus encore avec Blonde platine, sorti en 2003 et récompensé par le prix du meilleur album du festival d’Angoulême, que nous avons pu découvrir de ce côté-ci de l’Atlantique le travail de ce jeune et talentueux auteur américain.  Dans ces deux albums, Adrian Tomine proposait des histoires courtes, des tranches de vie ordinaires, des instantanés, dans un style proche d’un autre grand du Neuvième art : Daniel Clowes. Cette marque de fabrique, Tomine l’entretient en fait depuis ses débuts même si son dessin est aujourd’hui plus épuré et son approche moins autobiographique. Preuve en est 32 Histoires, un album initialement paru au Seuil en 2004 et disponible depuis juin dans la collection Outsider des éditions Declourt, une édition augmentée de 14 histoires totalement inédites en France qui témoignent déjà de l’immense potentialité de l’auteur et de sa très rapide progression. Tous ces récits, plus de 32 contrairement à ce que pourrait laisser imaginer le titre, sont issus des sept premiers numéros de la série de mini-comics Optic Nerve publiée au début des années 90 à compte d’auteur par un Adrian Tomine alors âgé de 17 ans. Pour l’anecdote, le premier numéro de ces mini-comics avait été tiré à 25 exemplaires !!! EGuillaud

04 Août

L’invention du vide, de Nicolas Debon. Editions Dargaud. 16,45 euros.

Un pic ! Gigantesque, monstrueux, qui culmine à 3482 mètres, avec des murailles infranchissables qui ont résigné les meilleurs guides. C’est le Grépon, l’une des aiguilles de Chamonix dans le massif du Mont-Blanc. Nous sommes en 1881. Albert F. Mummery, Alexander Burgener et Benedikt Venetz ont décidé d’en faire l’ascension. Corde de manille, piolets, lunettes, boussole, guêtres en laine, compresses de graisse contre les ampoules, viande fumée, biscuits, vin, champagne… les sacs sont prêts, les hommes aussi. L’aventure peut alors commencer !

Après nous avoir raconté l’épopée des forçats de la route dans le Tour de France (Le Tour des géants, aux éditions Dargaud), Nicolas Debon prend de la hauteur pour nous plonger corps et âme dans une autre aventure, toute aussi palpitante et sportive, celle des débuts de l’alpinisme moderne, et ce en compagnie d’une de ses figures emblématiques, l’Anglais Albert F. Mummery. Basé sur sur les écrits laissés par celui-ci, L’invention du vide nous montre la voie de la passion, du dépassement de soi, de l’obstination, de la folie aussi parfois. Car, oui, il en fallait de la folie pour s’attaquer à ces montagnes avec le matériel alors disponible, bien évidemment rudimentaire, et la conception archaïque qu’on avait de l’alpinisme à l’époque. Lors de cette ascension du Grépon, Mummery va d’ailleurs dépoussiérer la discipline et lui donner sons sens moderne, à commencer par une plus grande communion de l’homme avec la nature. Dans un style très pictural, aux ambiances très travaillées, Nicolas Debon rend un très bel hommage à ces explorateurs du monde vertical. EGuillaud

14 Juil

Une question de vie ou de mer, Marineman (tome 1), de Ian Churchill. Editions Glénat. 16,95 euros.

Il se nomme Steve Ocean mais tout le monde l’appelle Marineman. C’est un biologiste reconnu mais aussi un présentateur et producteur de documentaires marins pour la télévision. Adulé par les enfants, fantasmé par les femmes, jalousé par les hommes, Marineman est un gars plutôt… bien bâti, qui n’a peur de rien, surtout pas de l’eau et de ses habitants, comme les requins qu’il côtoie régulièrement. Mais ce qui va le rendre encore plus célèbre, c’est un accident de plongée, un cameraman bloqué dans une cage à requins, et Marineman qui plonge pour le sauver… sans bouteille. Le monde entier apprend alors que Marineman peut respirer sous l’eau…

« C’est la création d’un adulte qui parle à l’enfant qui est en nous », déclare Dave Gibbons (Watchmen, Martha Washington…) dans une préface bien évidemment élogieuse. Et il a absolument raison tant le personnage central allie tout ce dont peut rêver un jeune garçon et même un homme : la force, la beauté, le charme, l’humour, l’intelligence, la réussite, un super sourire et, bien sûr, un super-pouvoir qui lui permet de communier avec l’océan. Mais qui est vraiment Marineman ? D’où vient-il ? Que veut-il ? Quelle est sa véritable identité ? Autant de questions que se posent les lecteurs au début de ce récit et qu’ils ne se poseront plus le livre une fois refermé. Le scénario associe subtilement action, humour et écologie, le graphisme de son côté, très épuré, limpide, dynamique, rappelle certaines productions de la collection Série B chez Delcourt. EGuillaud

.

L’info en +

Marineman a été nommé aux Eisner Awards 2011 dans la catégorie « Meilleure nouvelle série ».

13 Juil

Clara, de Christophe Lemoine et Cécile. Editions Le Lombard. 10,60 euros.

Passer par le square, partager le goûter avec les canards, jouer à la balançoire, s’arrêter à la boulangerie… Clara raffole de ces petits moments qu’elle partage avec sa mère le soir à la sortie de l’école. Si elle en connaissait exactement la signification, elle parlerait de bonheur. Un bonheur simple, vrai, mais un bonheur qui ne va malheureusement pas duré. Sa maman est malade. Très malade. Et elle décède subitement. Pour Clara commence alors un long travail de deuil…

Avec Clara, Christophe Lemoine au scénario et Cécile, au dessin, racontent une histoire universelle, une histoire profondément triste, émouvante, sensible et en même temps poétique autour des thématiques de la maladie, de la mort, de l’absence et du deuil. Un très bel album, merveilleusement bien construit et mis en images. Coup de coeur ! EGuillaud

12 Juil

La traversée du Louvre, de David Prudhomme. Editions Futuropolis. 17 euros.

Après Nicolas de Crécy (Période glaciaire), Marc-Antoine Mathieu (Les Sous-sols du révolu), Eric Liberge (Aux heures impaires), Christian Durieux (Un enchantement), Hirohiko Araki (Rohan au Louvre), Bernar Yslaire et Jean-Claude Carrière (Le ciel au dessus du Louvre), c’est au tour de David Prudhomme de nous offrir sa vision du musée du Louvre dans un album de bande dessinée coédité par Futuropolis et Louvre Editions. L’auteur de Rebetiko ou de La Marie en plastique avec Pascal Rabaté se met ici en scène, déambulant en solitaire au milieu d’une foule d’anonymes, « des lecteurs de partout, venus du monde entier » comme dit l’auteur qui a l’impression d’être dans une BD géante, chaque tableau accroché aux murs formant une case. Et plus que les oeuvres elles-mêmes, ce sont les visiteurs et leur comportement qui interpellent David Prudhomme. Tous ces anonymes justement qui font la queue, s’agglutinent, s’isolent, méditent, scrutent, lisent, s’embrassent, photographient, se photographient, s’amusent, s’interrogent… la plupart du temps en silence. Avec ce récit drôle et léger, David Prudhomme nous offre un regard décalé sur le musée et plus généralement sur l’art et sa perception. En bonus, une autre traversée du Louvre, quatre pages de chiffres sur le musée, le bâtiment, les oeuvres, les visiteurs et les agents. EGuillaud