01 Mar

Gipi : Vois comme ton ombre s’allonge

 

Vois comme ton Ombre s'allonge par Gipi © Futuropolis

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

 

Gipi n’est pas un dessinateur comme les autres. Cet italien n’est pas un auteur d’autofiction de plus. A 49 ans, il est un véritable écrivain, un artiste à part entière et son nouveau roman graphique une oeuvre sans commune mesure. Fait rare pour une BD, cet album est le premier à être sélectionné au prestigieux prix littéraire Strega, l’équivalent du Goncourt en Italie.

Son nouvel album Vois comme ton Ombre s’allonge (Una Storia) est à peine refermé et c’est peu de dire qu’il ne pose d’avantage de questions qu’il ne propose de réponses. C’est le récit fragmenté d’un homme hospitalisé pour « schizophrénie subite », sans signes précurseurs donc, et juste avant 50 ans, l’age de Gipi, de son vrai nom Gian Alfonso Pacinotti. Seul signe particulier, il se met à dessiner et redessiner sans arrêt le même arbre aux branches décharnées et la même station service. De quoi laisser perplexe ses médecins et le lecteur. Le récit devient un peu plus sinueux quand un lien possible se fait avec un aïeul, un poilu de 14-18. Il aurait commis un acte inavouable pour sauver sa peau sur le front. Peu à peu, les pièces du puzzle s’assemblent au fur et à mesures des délires hallucinatoires du personnage.

Vois comme ton Ombre s'allonge par Gipi © Futuropolis

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

Chaque parcelle du récit fait appel à différentes techniques : typographie et crayonné en noir et blanc, lavis et aquarelle en couleur, comme autant d’écho aux multiples rides du visage creusées au fil des millénaires par les larmes, nous raconte l’auteur. La peur de vieillir après un demi siècle d’existence est au cœur de ce maelstrom graphique.

Vois comme ton Ombre s'allonge par Gipi © Futuropolis

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

« Si l’homme de dix-huit ans se réveillait d’un coup une nuit, se levait et dans le miroir se voyait avec les peurs, avec les misères de ses futurs cinquante ans, il mourrait. »

Celui qui a obtenu de nombreux prix et en  2006, le Prix du Meilleur Album à Angoulême avec Notes pour une Histoire de Guerre, et qui a rencontré un grand succès critique avec Ma Vie Mal Dessinée, tisse une histoire (le titre original en italien est Una Storia) entre textes et images d’une grande force. Bouleversante et envoûtante, à votre tour de découvrir ce nouvel opus dans l’oeuvre de Gipi.

Didier Morel

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Maxence Cyrin – Where is my mind (The Pixies piano cover)

27 Fév

3 questions à Régis Hautière, scénariste de La Guerre des Lulus chez Casterman

© Roller

© Roller

Présenté comme l’un des auteurs les plus prolifiques du moment et surtout considéré comme l’un des plus brillants scénaristes, Régis Hautière aborde la science fiction comme l’histoire, le polar comme l’aventure, avec la même intelligence d’esprit, la même limpidité dans l’écriture, la même humanité dans l’approche. A l’occasion de la sortie du tome 2 de La Guerre des Lulus, et en cette année de commémoration, Régis Hautière nous parle de la Grande guerre, de sa représentation dans la série et de sa place dans la mémoire collective…

La représentation de la guerre dans votre album est moins frontale, moins violente, que dans un album de Tardi par exemple, la jugez-vous pour autant édulcorée?

Régis Hautière. Non. Il est certain que la facette de la guerre que nous avons choisi de montrer (celle du quotidien d’un petit groupe d’enfants) est moins atroce que celle des combats de tranchées. Il est vrai aussi que nous nous sommes donné comme objectif de réaliser une bande dessinée tout public et pas uniquement réservée aux adultes. Néanmoins, notre récit n’est pas exempt de dureté et nous ne cherchons pas à rendre la guerre jolie ou sympathique. Nous avons seulement choisi de l’aborder sous un angle qui nous évite de montrer des images pouvant heurter certaines sensibilités.
Nous n’avons pas la prétention, dans la Guerre des Lulus, d’apporter un regard global sur la guerre de 1914. Notre récit est un simple point de vue sur la Grande Guerre et, comme tout point de vue, il est réducteur puisqu’il n’aborde le conflit que sous l’un de ses angles. A ce titre, le point de vue d’un poilu ou celui d’un officier d’artillerie est tout aussi réducteur. La Grande Guerre ne se résume pas aux tranchées du front ouest, sa réalité est multiple et beaucoup plus vaste. Les privations et humiliations subies par les civils vivant dans les territoires occupés par les Allemands, par exemple, constituent l’un des aspects de cette réalité.
La particularité du point de vue proposé dans la Guerre des Lulus est triple : celui qui l’exprime n’est pas un militaire, il n’est pas adulte au moment des faits et il évolue en zone occupée. La guerre telle qu’il l’a vécue et telle qu’il la dépeint est donc très différente du tableau qu’en brosserait un soldat envoyé au front. Mais cette vision n’est pas moins vraie ou moins pertinente que celle du soldat ; les deux se complètent.

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La Guerre des Lulus n’est pas C’était la guerre des tranchées mais ce n’est pas non plus le Club des cinq

En choisissant l’angle des enfants, n’y a t il pas un risque de donner une image romantique d’un fait, d’une époque, qui ne le sont absolument pas  ?

R.H. Je ne pense pas. Ne serait-ce que parce que les Lulus vivent des choses difficiles, ils connaissent la faim, le froid, la peur, la désillusion et une certaine forme de désespoir (même si leur naturel est plutôt optimiste). La Guerre des Lulus n’est pas C’était la guerre des tranchées mais ce n’est pas non plus le Club des cinq. Les Lulus vont vivre et voir des choses difficiles, des choses auxquelles ils n’auraient pas été confrontés en temps de paix.
A partir du tome 3, notamment, les Lulus quittent leur forêt et leur cabane. Ils vont découvrir, et le lecteur avec eux, que la vie des civils dans la zone occupée n’a rien d’une sinécure.

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L’un des éléments principaux de fascination, par rapport à la guerre de 1914, est sans doute qu’elle nous semble à la fois lointaine et contemporaine

Pourquoi selon vous la Grande guerre fascine autant les Français ?

R.H. Je crois que l’intérêt des Français pour cette guerre est relativement récent. Lors des années qui ont suivi cette guerre on a cherché à oublier : les civils voulait passer rapidement à autre chose, la guerre terminée on voulait profiter de la paix, et les soldats étaient incapables de parler des horreurs qu’ils avaient vécues. Et puis la seconde guerre mondiale est arrivée et elle a occupé les esprits. A mesure que cette période s’éloigne de nous, on s’y intéresse de nouveau, avec peut-être cette fois le recul nécessaire et le désir de comprendre comment cette monstrueuse absurdité a pu se produire.
L’un des éléments principaux de fascination, par rapport à la guerre de 1914, est sans doute qu’elle nous semble à la fois lointaine et contemporaine. C’est une guerre moderne, du point de vue technologique, mais aussi terriblement archaïque, si on regarde les stratégies mises en œuvre.
L’intérêt des Français pour cette guerre me semble cependant très inférieur à celui des anglo-saxons. L’Anzac Day, par exemple, célébré chaque année par les Australiens et les Néo-Zélandais,  n’a aucun équivalent français.

Merci Régis

Interview réalisée le 26 février 2014 par Eric Guillaud

Retrouvez la chronique de l’album ici-même

22 Fév

14-18 : Régis Hautière et Hardoc commémorent à leur façon le centenaire avec La guerre des Lulus

9782203063976Valencourt, 1915. Non loin de là se joue la guerre, la vraie, insupportable, la guerre des grands, des adultes, des soldats.

Et puis il y a la guerre des Lulus, 4 gamins qui ont disparu de leur orphelinat le jour de l’offensive allemande et de l’évacuation générale, 4 gamins qui vont se retrouver seuls dans les bois jouxtant un village passé ce jour-là en territoire ennemi. C’est dans leur cabane improvisée que Ludwig, Lucas, Luigi et Lucien vont se cacher, être bientôt rejoints par un, pardon une cinquième Lulu, une réfugiée de Belgique, Luce de son prénom, puis un peu plus tard par un soldat… allemand. Bon autant vous le dire tout de suite, Hans n’est pas un allemand ordinaire ou du moins un soldat ordinaire. Après avoir touché l’horreur du bout des doigts, Hans a décidé que cette guerre n’était pas faite pour lui et déserta…

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L’interview du scénariste à lire ici

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En cette année de commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, les ouvrages de toutes sortes vont se bousculer sur les tables de nos librairies préférées, depuis les très sérieux livres d’historiens jusqu’aux livres de fiction, peut-être plus abordables pour le grand public, comme cette bande dessinée signée Régis Hautière pour le scénario et Hardoc pour le dessin. Il s’agit en fait du second volet d’une tétralogie qui devrait nous permettre d’accompagner les Lulus pendant toute cette putain de guerre, comme dirait un certain Tardi, et de vivre à travers leurs yeux d’enfants un des moments les plus sombres de l’humanité. Pas question d’édulcorer pour autant, la guerre est bien présente, la mort elle-même rôde autour de nos héros.

Le premier volet, La Maison des enfants trouvés, nous avait fortement marqué par sa qualité graphique et scénaristique, le second, Hans, ne fait que conforter cette impression. La guerre des Lulus est une très très belle histoire qui s’inscrit dans un contexte fort, cette Der des Ders qui fascine tant les Français.

Eric Guillaud

Hans, La Guerre des Lulus (tome 2), de Hautière et Hardoc. Editions Casterman. 13,50€

 

17 Fév

Putain de guerre!, la boucherie de 14-18 vue par Jacques Tardi aux éditions Casterman

9782203051300FSA tous ceux qui rêvent d’une bonne petite guerre pour remettre les jeunes dans le droit chemin et les vieux au travail, alors voici un livre fait quasiment pour eux mais aussi pour les autres, la réédition en intégrale de Putain de guerre! de Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney aux éditions Casterman.

On connaît Jacques Tardi et son vif intérêt pour le sujet, son obsession serait-on même tenté d’écrire tant la guerre et ses horreurs hantent une partie significative de son oeuvre.

De La Fleur au fusil à Putain de guerre! en passant par Varlot soldat, La Der des Ders ou La Véritable histoire du soldat inconnu, Jacques Tardi n’a eu de cesse de crier son incompréhension, son indignation face à cette boucherie à ciel ouvert, ce suicide collectif, dessinant sans relâche les tranchées, les bombes, les barbelés, les gaz… et surtout les hommes, ces hommes français, allemands ou autres, terrés, apeurés, côtoyant chaque jour les rats et la boue, les excréments et les charognes, les boyaux et les morceaux de cervelles, les gueules cassées et les corps en décomposition. Des héros ? Non, Tardi les dessine comme des hommes plus souvent avec la trouille au ventre que l’envie d’en découdre. Dans ses albums, comme ici dans Putain de guerre!, Tardi va au plus près pour toucher l’horreur de sa pointe de crayon. Un véritable témoignage lu et approuvé par les historiens notamment par Jean-Pierre Verney, son ami, qui signe ici une trentaine de pages sur la Grande guerre accompagnées de moultes photographies.

Initialement paru en deux volets, Putain de guerre! est un putain de récit qui devrait vous faire aimer la paix pour l’éternité !

Eric Guillaud

Putain de guerre!, de Tardi et Verney. Editions Casterman. 25 eurospl20

04 Fév

Régis Hautière et Hardoc nous plongent dans la Grande guerre avec « La Guerre des Lulus »

Ils s’appellent Ludwig, Lucas, Luigi, Lucien mais tout le monde les connaît sous le nom des Lulus, quatre gamins qui usent leurs fonds de culotte sur les bancs de l’assistance public, quatre joyeux Lulus qui préfèrent parcourir les bois alentours que fréquenter la chapelle de l’orphelinat. Aout 1914, c’est la guerre et l’ordre d’évacuation est donné. L’orphelinat se vide, les villages alentours aussi. Mais les Lulus, planqués dans leur cabane ne sont pas prévenus. Ils se retrouvent seuls, bientôt rejoints par une jeune réfugiée de Belgique. Elle s’appelle Luce et deviendra la cinquième Lulu de la bande…

Pourquoi La Guerre des Lulus risque d’être l’un des grands succès de ce début d’année ? Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, la guerre de 14-18 est un thème largement apprécié du grand public et un thème récurrent dans la bande dessinée francophone, traité par de nombreux auteurs dont l’un des plus grands, Jacques Tardi. Ensuite, parce que la guerre est ici traitée sous un angle particulier, celui d’enfants, de civils donc. L’aspect pesant, noir, des tranchées, est évité. « On est dans la guerre de 14, mais à côté… », confirment les auteurs dans une interview accordée à Daniel Muraz. Enfin, parce que le graphisme semi réaliste de Hardoc, le scénario et les dialogues de Régis Hautière ont l’intelligence de la simplicité. Comme La Guerre des boutons, dont certains ne manqueront pas de noter une certaine proximité, La Guerre des Lulus est une histoire universelle. EGuillaud

La Guerre des Lulus (tome 1), La Maison des enfants trouvés, de Régis Hautière et Hardoc. Editions Casterman. 12,95 euros

21 Sep

Rencontre avec Barroux, l’auteur du roman graphique On les aura! publié au Seuil…

Auteur de livres jeunesse et de carnets de voyage, Barroux fait une entrée remarquée dans l’univers de la bande dessinée avec un roman graphique singulier tant d’un point de vue graphique que scénaristique. Il s’agit d’une adaptation – très réussie – du journal d’un poilu, journal qu’il a de ses mains sauvé de la destruction et donc de l’oubli. Explications…

Vous avez découvert le carnet de ce poilu dans une rue de Paris. Pouvez-vous nous préciser les circonstances ce cette fabuleuse trouvaille et comment l’idée de l’adapter en BD a germé dans votre esprit ?

Barroux. « Je marcherai, c’est pas si loin… » De la place de la Bastille à la place de la République, je marche. C’est une belle journée d’hiver, il fait un froid polaire mais le ciel est bleu sans nuage. Devant moi, deux hommes en bleu de travail vident une cave et déversent sur le trottoir, meubles fatigués, livres moisis, vieilles revues des années cinquante. Au milieu, une boîte en carton bouilli attire mon regard. A l’intérieur, se trouve un cahier d’écolier et une croix de guerre. J’ouvre le cahier et je lis ces lignes : « 3 août 1914, c’est le jour du départ, la mobilisation est décrétée, il faut partir… ». C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai glissé le cahier et la croix de guerre dans mon sac avec le sentiment d’avoir sauvé un bout d’histoire de la destruction. Plus tard, au calme, je me suis rendu compte que le texte retraçait les 3 premiers mois de la guerre de 14, jour après jour. L’idée d’illustrer ce journal commence à germer. Il aura fallu 2 ans de travail, entre la recherche iconographique, le découpage, les esquisses et les illustrations finales pour que le livre voit le jour.

Quel a été dès lors votre souci majeur pour donner naissance à cette adaptation ?

B. Respecter la mémoire de cet homme, réaliser des images fortes mais sans être redondantes avec le récit. Récit que j’ai décidé de laisser intacte, à la virgule près.

Une adaptation qui met en lumière un aspect peut-être moins connu, moins traité, moins vu, de la Grande guerre…

B. Ce texte, non censuré par l’armée, est un voyage dans le temps… J’ai l’impression d’avoir mis des images sur le récit d’un homme, avec ses doutes, ses craintes, ses peurs mais aussi des moments de joies.

La guerre de 14 est-elle une période qui vous passionne particulièrement ?

B. Non, pas vraiment. Mais j’avais mon fil conducteur, le texte. J’ai beaucoup travaillé en bibliothèque, j’ai amassé beaucoup de documents de toute sorte. Maintenant, je suis incollable.

Pouvez-vous nous expliquer la technique utilisée précisément pour cet album ?

B. J’ai travaillé au crayon, à la mine de plomb sur un papier aquarelle Arches 300gr. Le crayon est ensuite fixé et vernis avec un vernis teinte ou teinté « chêne clair ».

Pourquoi avoir choisi le noir et blanc et opté pour des textes placés au dessous des vignettes ?

B. Le noir et blanc s’est imposé dès le début du projet. Je trouvais que le texte placé de cette manière donnait une grande modernité à l’ensemble, comme un fil conducteur qui nous porterait à travers l’action, à travers l’histoire, à travers la guerre.

C’est votre première incursion dans l’univers de la BD. Qu’en retenez-vous et êtes vous prêt à renouveler l’expérience ?

B. J’ai pris beaucoup de plaisir à mettre en image ce récit vieux de 100 ans. Une nouvelle porte s’est ouverte dans ma carrière d’illustrateur et je suis déjà en quête de mon prochain « roman graphique ». J’ai déjà une petite idée.

Quel regard portez-vous sur la production du secteur jeunesse et comment vous y situez-vous ?

B. Beaucoup de livres, beaucoup d’histoires… Difficile de trouver sa place pour ma part. J’avance, j’expérimente, j’assemble, je teste, je doute beaucoup et quand j’ai trouvé, je recommence. Sur chaque livre, j’essaye de trouver le bon cadrage, la bonne technique, l’image la plus adaptée au récit sans coller au texte. Prendre de la distance par rapport au travail de l’auteur.

Des projets ?

B. Un carnet de voyage sur le Cap vert pour un éditeur parisien. Plusieurs livres pour enfants dont un pour Blue Apple Books à New York. Et j’espère, un prochain « roman graphique ».

Avez-vous déjà imaginé que quelqu’un tombe sur votre livre et reconnaisse l’histoire et le carnet d’un parent ?

B. Oui, bien sûr. Les notes prises dans le cahier continuent jusqu’en 1917. Après cette date, que s’est-il passé ? J’imagine qu’il a survécu, j’imagine qu’il habitait Paris. Qui était-il vraiment ? Sa famille ? Son métier ? Le reste de sa vie ? … Pour le moment, il garde tout son mystère.

Interview réalisée par Eric Guillaud le 21 septembre 2011.

Retrouvez la chronique de l’album On les aura ! en cliquant ici.

03 Sep

On les aura !, Carnet de guerre d’un poilu, de Barroux. Editions Seuil. 16,50 euros.

On le sait maintenant, la bande dessinée est tout autant appropriée à la fiction la plus débridée qu’à la réalité la plus exacte et parfois la plus dure.

Reportages dans la bande de Gaza, en Corée du Nord, en Chine, enquêtes sociales, politiques ou économiques, témoignages, biographies… la « BD réalité » est une des grandes tendances du moment ! Dernier exemple en date, On les aura! de Barroux, n’est autre que la mise en images du journal de guerre d’un poilu, un authentique journal trouvé tout à fait fortuitement par Barroux sur un trottoir de Paris.

Auteur de livres jeunesse reconnu, notamment responsable et coupable de la série Arthur publiée au Seuil ou encore du Paris de Léon chez Acte sud junior, Barroux utilise ici sa plus belle mine de plomb pour nous offrir dans une ambiance graphique étonnante, parfois naïve, plus souvent sombre et tourmentée, un témoignage très fort sur la Guerre de 14, un témoignage en même temps quelque peu différent de ce qu’on a peut-être l’habitude de voir dans le domaine. Ici, pas de tranchées pour décor, peu de scènes de boucherie, juste le récit de ce soldat inconnu parti à la guerre le cœur enjoué, persuadé comme tant d’autres que celle-ci sera de très courte durée.

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Découvrez l’interview de Barroux en cliquant ici

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Page après page, on découvre son quotidien, les marches vers des destinations incertaines, l’attente de nouvelles de la famille, les nuits d’angoisse au son du canon… jusqu’au jour où notre poilu est blessé et rapatrié vers des terres moins hostiles pour être soigné. Le journal s’arrête là, un certain jour de septembre 1914. Son carnet de chant qui l’accompagne est alimenté quant à lui jusqu’en mai 1917… Un témoignage précieux et un album de caractère à découvrir dès le 15 septembre dans toutes les bonnes librairies !

Eric Guillaud