06 Oct

Full Circle : la rencontre de deux géants des comics au service des Quatre Fantastiques

Cette histoire n’a beau faire « que » 64 pages et être la 876745e aventure des Quatre Fantastiques, elle reste un événement car on parle là d’un passage de témoin entre deux géants des comics US à près de soixante ans d’intervalle : Jack Kirby et Alex Ross. Le résultat ? Superbe, époustouflant, incroyable.

Le premier reste bien sûr le ‘king of comics’, celui qui régnait sans contestation possible sur la planète MARVEL dans les années 60 et qui en a défini les plus grands héros, comme les Quatre Fantastiques susnommés mais aussi Captain America, Black Panther, Ant-Man et plein d’autres. Son style très emphatique, coloré et quasi-pop art est pour beaucoup dans la façon dont l’art du comics s’est par la suite développé.

Né en 1970, Alex Ross s’est, lui, avant tout fait un nom grâce à ses dessins de couvertures et son coup de pinceau hyper-réaliste, en général réalisés à la gouache, faisant de lui l’un des rares dessinateurs de comics avec un profil de peintre. Sa rareté n’a fait qu’augmenter sa valeur ces dernières années et ce Full Circle est d’ailleurs son premier signe de vie (artistique) depuis longtemps. Par contre, attention, on parle là d’artbook et c’est ce qui fait toute la différence.

© Panini Comics / Marvel – Ross

Car oui, c’est bien là que réside le principal attrait de Full Circle, cette capacité à complètement transcender la notion de ‘simple’ comics, quitte à en faire une sorte d’œuvre d’art que certains trouveront peut-être pédante et figée. Le choix de reprendre l’intrigue d’un épisode précis datant de 1966 (le 51ème de la saga au cas où vous voudriez chercher) n’est pas innocent car c’est à ce moment-là que Kirby et son alors éternel compère Stan Lee ont introduit pour la première la notion de Zone Négative, sorte de dimension parallèle permettant au ‘king of comics’ de se lâcher complètement avec ses pleine pages psychédéliques mélangeant dessin et collages déstructurées si caractéristiques. 

© Panini Comics / Marvel – Ross

Bien que Ross assume complètement le côté hommage de ce exercice de style – même le style de narration semble reprendre les canons des 60’s – il en accentue l’élégance absolue. Comme un pied de nez aux canons modernes et aux productions actuelles parfois hélas affreusement digitales et tristes, on a presque envie de se perdre complètement dans ces panels si détaillés et si réalistes. Après, si le scénario paraît donc très (trop) simpliste et calé sur des rails qu’il ne quitte jamais, nous rappelant qu’en 1966 les comics s’adressait avant tout aux jeunes ados, dans la forme le résultat est donc époustouflant. Une véritable explosion de couleur où chaque planche mériterait d’être affichée en poster, malgré une psychologie réduite donc au minimum et des personnages quelque figés dans leur posture, critique récurrente dans l’œuvre de Ross.

© Panini Comics / Marvel – Ross

Un exercice de style donc, avec des limites que l’on ressent très vite mais qui, visuellement, est d’une telle beauté et d’une telle fougue que l’on en oublie très vite les défauts pour (re)plonger la tête la première dans la zone négative. Et à quand une édition (très) grand format pour rendre justice à sa démesure ?

Olivier Badin

Full Circle d’Alex Ross. Panini Comics/Marvel. 26 euros

03 Oct

Irish Melody : Les Tuniques Bleues de retour avec Kris au scénario

Très attendu par les nombreux fans de la série mais également très attendu au tournant par les gardiens du temple, le nouvel épisode des Tuniques Bleues, 66e du nom, vient de sortir aux Éditions Dupuis avec Lambil au dessin et Kris au scénario. Et alors ?

Irish Meldoy, extrait de la couverture

Et alors ? Et alors ? Zorro est arrivé. Avec son ch’val et son grand chapeau. Zorro, c’est Kris, éclectique scénariste, auteur notamment de Notre Amérique, Un maillot pour l’Algérie, Un Homme est mort, Coupures irlandaises ou encore George Best, twist and shoot. Le brestois a été choisi par les éditions Dupuis pour reprendre les aventures des Tuniques Bleues en compagnie de Willy Lambil au dessin.

Ce choix avait été arrêté du vivant de Raoul Cauvin qui souhaitait se retirer de la série. C’est d’ailleurs lui qui avait annoncé le nom de son successeur en parlant d’un « véritable professionnel ». Professionnel, Kris l’est assurément. C’est même l’un des scénaristes les plus en vue du moment avec des récits qui s’inscrivent souvent dans le passé, il faut dire que l’homme est un fou d’Histoire avec un grand H.

Alors Les Tuniques Bleues ? Pourquoi pas. Ce mélange d’histoire, d’action et d’humour, le tout saupoudré d’une bonne dose d’anti-militarisme et de réflexions autour de thèmatiques actuelles n’était pas pour lui déplaire, lui que l’on présente souvent comme un scénariste engagé. Une défit ? Un rêve de gosse surtout. Kris a toujours dévoré les aventures de Blutch et Chesterfield qu’il juge drôles et subversives.

Et le résultat me direz-vous ? Une mélodie irlandaise, un récit qui raconte gaiement des faits plutôt tristes comme on peut l’imaginer dans ce contexte de guerre de Sécession qui a vu s’entretuer des frères, et parfois même des frères irlandais. Á ce propos, saviez-vous que le sergent Chesterfield avait des origines irlandaises. C’est en tout cas ce qu’un capitaine – irlandais – lui apprend. Ils seraient même cousins. De quoi changer le cours de l’histoire ? Non mais de quoi alimenter la trame de cette histoire précisément, Irish Melody.

Cinquante-quatre ans d’existence, soixante-six albums en comptant le petit nouveau, des millions d’exemplaires vendus à travers le monde, la série des Tuniques Bleues appartient au patrimoine du neuvième art, pas facile dans ces conditions de reprendre la plume, d’autant que la combinaison Munuera – Beka a également prouvé il n’y a pas si longtemps une certaine agilité à reprendre la série avec forcément une touche un peu plus personnelle au niveau du graphisme (voir L’Envoyé spécial, 65e album).

Bref, avec Kris, Les Tuniques Bleues sont entre de bonnes mains. Un souci de moins dans ce monde de brutes !

Eric Guillaud

Irish Melody, de Lambil et Kris. Dupuis. 11,90€

© Dupuis / Lambil & Kris