09 Sep

Oblivion Song : le papa de The Walking Dead se lance dans la science-fiction

Un monde parallèle, des scientifiques qui ont trop voulu jouer avec mère Nature, des militaires cyniques, un homme en quête de rédemption… Voici quelques-uns des ingrédients de cette nouvelle série qui verse certes dans le spectaculaire mais qui n’oublie jamais l’humain.

Oblivion Song pourrait presque être une série de science-fiction comme les autres, avec ses histoires de mondes parallèles et ses monstres terrifiants et démesurés régnant sur un monde cauchemardesque. Sauf que derrière tout ça, on retrouve le scénariste de la série mondialement connue The Walking Dead, Robert Kirkman dont on reconnaît d’ailleurs très vite le style. Et ça fait toute la différence.

Sa patte ? Imbriquer de l’horreur pure, mais galvanisée par le champ des possibles offert par la science-fiction, dans un contexte malgré tout très humain où chaque personnage a le temps de prendre de l’épaisseur et de laisser paraître ses forces mais aussi ses fragilités.

Le point de départ de la série est assez ambitieux : dix ans auparavant, sans crier gare, toute une partie de la ville de Philadelphie a disparue dans une autre dimension, ses 300,000 habitants avec. Des scientifiques ont malgré tout réussi à fabriquer une sorte de pont entre les deux mondes. Depuis, l’un d’entre eux fait quotidiennement le voyage pour tenter de ramener des gens parmi ceux qui ont réussi à survivre dans ce monde surnommé ‘Oblivion’ (‘oubli’), bien que cernés par des monstres de cauchemar et des moyens limités. Mais il cherche avant tout son frère, disparu corps et âme depuis la catastrophe…

@ Delcourt / Kirkman, de Felici & Leoni

Très réussie visuellement, cette nouvelle saga post-apocalyptique (dont les droits ont déjà été vendus au cinéma) est tout-à-tour bouillonnante et mélancolique. Certes, le tout met un certain temps à démarrer mais ensuite, cela va à un train d’enfer. Trop parfois, (surtout dans le tome 2, sorti cet été) et on a parfois un peu du mal à suivre. Mais cela vaut le coup de s’accrocher car Oblivion Song a les qualités de ses défauts. Notamment cette obsession qu’a toujours eu Kirkman de tout miser sur ses personnages et d’en faire les derniers espoirs d’une société sinon en pleine décadence. Ici, la clef de voûte de son récit reste l’opposition régnant entre ces deux frères qui ont tous les deux fait deux choix de vie très différents mais qui vont devoir, malgré tout, s’entraider.

À travers leur quête commune, on découvre donc une réflexion à peine voilée sur la notion de résilience, de rédemption mais aussi de culpabilité. On peut aussi y coller plein d’autres choses comme une métaphore sur un monde post-11 Septembre ou les Etats-Unis sous Trump mais bon, chacun y verra ce qu’il veut. Reste que tout cela faisait, justement, déjà la saveur de The Walking Dead et que cette double-lecture marche de nouveau très bien ici. Surtout qu’avec son épilogue aussi inattendu que frustrant, malgré ce que le deuxième tome laisse initialement croire, on en a visiblement pas fini avec Oblivion Song, bien parti pour prendre le même chemin que son illustre grand frère.

Olivier Badin

Oblivion Song tome 1 & 2, de Robert Kirkman, Lorenzo de Felici et Annalisa Leoni, Delcourt, 16,50€

@ Delcourt / Kirkman, de Felici & Leoni

03 Sep

Les éditions Rouquemoute font leur rentrée!

Il n’y a pas que les écoliers à faire leur rentrée, les éditeurs aussi. Avec un peu moins la boule au ventre, quoique, et des centaines de nouveaux livres dans la besace. C’est la rentrée littéraire, le rendez-vous incontournable de l’année chez Rouquemoute comme ailleurs…

Souvenez-vous, nous leur avions rendu une petite visite en janvier dernier à l’occasion de leur deuxième anniversaire, les éditions Rouquemoute étaient installées du côté de la place du 8 mai à Rezé. Elles le sont toujours mais plus pour très longtemps. C’est le grand projet de l’année 2019, il devrait bientôt se concrétiser, de nouveaux locaux au coeur du quartier de la création sur l’île de Nantes pour accueillir en plus de leurs bureaux, un café librairie dédié à l’édition BD indépendante nantaise. Son nom :  Les Boucaniers.

La suite ici

02 Sep

Conan chez Marvel : Quel souffle par Crom !

Les plus grands héros ne meurent jamais. Et surtout pas Conan. La maison mère des Quatre Fantastiques et d’Iron Man a jeté une nouvelle fois son dévolu sur le cimmérien et le résultat est aussi sanglant qu’énorme…

On a déjà eu l’occasion plusieurs fois de le dire dans ce blog : bien que méprisé en Europe, et surtout en France, chez lui aux Etats-Unis, le personnage de Conan le Barbare reste synonyme de business. De gros business même. Notamment dès que l’on touche à son adaptation BD, dont les premières esquisses remontant aux années 60 furent d’ailleurs à l’avant-garde de sa reconnaissance. Or vu que sur le vieux continent ses droits sont tombés dans le droit commun, n’importe qui peut aujourd’hui se le réapproprier et on assiste depuis peu, notamment à travers la récente série d’adaptation lancée par Glénat avec des auteurs français, à une timide mais réelle campagne de réhabilitation.

Enfin ça, c’est chez nous. Parce que de l’autre côté de l’Atlantique, ces droits sont encore gérés par les descendants de Robert E. Howard et cela reste une histoire de gros sous. D’où une licence ayant plusieurs fois changé de mains depuis un demi-siècle. Et après des années chez Dark Horse, elle est revenue aujourd’hui du côté du Marvel, qui l’avait déjà exploitée entre 1970 et 1993 avant de l’abandonner sur un coup de tête. Histoire de fêter son retour au bercail, la maison à idées comme on l’appelle a donc décidé de mettre le paquet ! D’où l’annonce immédiate de quantités de ‘spin-off’, de produits dérivées et de divers projets, avec en guise de tête de gondole la résurrection de la série Conan The Barbarian (‘Conan le Barbare’ en VF) qui avait été brillamment lancée par le duo Roy Thomas Barry Windsor-Smith en 1970.

@ Marvvel – Panini Comics / Aaron, Asar & Zaffino

Alors si l’on se base sur les six premiers épisodes réunis dans un premier tome vendu pour le prix imbattable de dix euros, histoire d’attirer les curieux, on peut déjà dire que c’est une réussite. Déjà parce qu’au-delà la couverture signée par le désormais trop rare Esad Ribic, on retrouve ici au scénario Jason Aaron, vétéran des X-Men. Et le gars a visiblement bossé son sujet, profitant de l’occasion pour le ‘réactualiser’ tout en collant au plus près à l’esprit originel de son créateur. Ici, Conan est plus que jamais frustre, très physique, sans remord et pourtant nanti d’une sorte de moral bien à lui. Bref, un barbare dans le sens noble du terme et que l’on retrouve ici à plusieurs stades de sa vie, même si le fil rouge est cette nouvelle méchante qui promet, cette ‘crimson witch’ en VO (‘sorcière cramoisie’) qui veut à tout prix voler son sang pour réveiller son dieu malfaisant.

Épique, très graphique et en même temps proche du souffle quasi-cinématographique des récits originels, cette pourtant xième adaptation donne juste envie d’empoigner son glaive et d’aller tailler dans le gras en hurlant ‘croooooom’, tant elle est entraînante. Vivement la suite nom de Zeus, surtout que le titre est volontairement pessimiste et que, bien sûr, le tout se termine sur un cliffhanger difficilement supportable…

Olivier Badin

Conan le Barbare, tome 1 : Vie et Mort de Conan, de Jason Aaron, Mahmud Asar et Gerardo Zaffino, Marvel/Panini Comics, 10 €

Bienvenue en Chine : le témoignage d’un expat signé Milad Nouri et Tian-You Zheng

Nouveaux dans la bande dessinée, Milad Nouri et Tian-You Zheng signent un premier roman graphique réussi aux éditions Delcourt, un témoignage d’expatrié en Chine qui rappellera à certains le Shenzhen de Guy Delisle…

En Chine, pour imiter le canard, on fait « ka ka » et non « coin coin » comme en France. Ça peut vous sembler futile, dérisoire, voire comique, mais ça en dit long sur les différences pouvant exister et perdurer entre nos deux cultures. Pour se faire comprendre par un restaurateur chinois, Milad Nouri finit par dessiner nos amis palmipèdes. Là, plus d’erreur possible !

C’est par le dessin également qu’il nous raconte aujourd’hui son expérience d’expat en Chine. En confiant cette fois les crayons à un dessinateur, un vrai, Tian-You Zheng. Car lui a beau savoir dessiner les canards, il est quand même plus à l’aise dans le commerce international et dans l’entrepreneuriat.

Des sociétés, Milad Nouri en a créé plusieurs, à la fois en Chine où il s’est installé il y a maintenant une douzaine d’années, et à Hong Kong. Bienvenue en Chine raconte son parcours, à commencer par son premier séjour à Canton avec une bande d’amis étudiants comme lui. Puis, une fois son diplôme en poche, c’est son installation que nous suivons, ses débuts dans le business, sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme, une Chinoise… Bien sûr, rien n’est simple. À toutes les étapes de sa vie professionnelle ou intime, Milad est confronté à une foultitude de difficultés. On le suit avec intérêt, plaisir et amusement tant le décalage est énorme et propice à des situations ubuesques.

Impossible en lisant Bienvenue en Chine, de ne pas penser à Shenzhen du Canadien Guy Delisle. Dans le fond et dans la forme, les deux ouvrages sont finalement assez proches, offrant un identique trait faussement naïf, quoiqu’un peu plus épuré ici, une bonne touche d’humour et parfois de gravité lorsqu’il s’agit d’évoquer la mort accidentelle de sa première petite amie chinoise. À lire? Non, à dévorer…

Eric Guillaud

Bienvenue en Chine, de Milad Nouri et Tian-You Zheng. Delcourt. 17,95€

@ Delcourt / Nouri & Zheng